Jean-Marie Luttringer utilisait une formule pour définir l’avantage essentiel du système DUAL allemand : le ratio d’espoir. Le ratio d’espoir c’est la capacité d’un système à offrir des opportunités à ses utilisateurs. En France, on a l’habitude d’utiliser une autre expression, celle d’ascenseur social, qui exprime bien notre goût de la verticalité et de la sélection. L’ascenseur il est souvent central, c’est donc un bon #outil jacobin, il est de capacité limité, ce qui justifiera que certains attendent leur tour plus longtemps que d’autres, il dessert tous les étages, ce qui constitue une fausse égalité puisque tous les étages n’ont pas les mêmes avantages, et il tolère l’exception des chambres de bonnes pour lesquelles il faut emprunter l’escalier de service. Il exclut donc un peu, mais pas trop pour que cela reste acceptable.

Le ratio d’espoir du système dual allemand, ce système d’#apprentissage qui attire les deux tiers d’une classe d’âge, est élevé mais pas pour ses qualités propres. Il est élevé parce que les processus de recrutement, de #formation et d’évolution dans les entreprises allemandes permettent à un apprenti d’envisager d’exercer plus tard une fonction de direction, les postes n’étant pas trustés par les étudiants issus des grandes écoles. Ce n’est donc pas à l’intérieur du système d’apprentissage que se trouve la clé de son succès, mais dans les pratiques des entreprises. On peut réformer autant que l’on veut le système d’apprentissage en France, tant que le passage par #l’apprentissage ne sera pas une voie normale et banale d’accès à toutes les fonctions dans l’entreprise, il continuera d’être fréquenté majoritairement par les exclus du système scolaire.

Aujourd’hui, deux tiers des apprentis suivent des formations de niveau bac ou infra-bac, et un tiers sont dans l’enseignement supérieur. On pourrait penser que l’on est en marche vers l’objectif. Erreur : moins de 20 % des apprentis du supérieur ont effectué leurs études précédentes dans le cadre de l’apprentissage. Autrement dit, nous avons deux populations distinctes : celle des apprentis suivant des formations de niveau V et IV et celle des étudiants qui trouvent dans l’apprentissage une opportunité de poursuivre leurs études sous contrat de travail. Lorsque ces deux populations n’en feront qu’une et lorsque la promotion interne des entreprises françaises sera au niveau de celle des entreprises allemandes, alors on pourra considérer que l’on a véritablement réformé.

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