Le jeu constitue un moteur de motivation puissant, la gamification est donc logiquement devenue en quelques années le sésame de bien des domaines : marketing, relation client, RH. La formation elle non plus n’y échappe pas. Alors gamifier les formations, le jeu en vaut-il la chandelle ?

Gamifier n’est pas jouer

La gamification s’appuie sur les leviers du jeu en utilisant des mécaniques ludiques et émotionnelles, dans un univers qui n’est pas celui du jeu.

Gamifier une formation, ce n’est pas la transformer en jeu, mais intégrer dans la formation des ressorts ludiques plus ou moins complexes et évolués pour renforcer le plaisir et la motivation des apprenants.

Les principaux leviers de la gamification sont les suivants :

  • Collectionner (des badges, des statuts, des récompenses…),
  • Gagner des points (de progression, de niveau, de performance…),
  • Intégrer un mécanisme de rétroaction (les feedbacks et la boucle d’engagement),
  • Encourager les échanges entre joueurs (commentaires, question/réponse, challenge…),
  • Réussir des missions (énigmes, achèvement, réussite…).

Une formation gamifiée n’est pas un serious game et inversement. En effet, gamifier une formation n’est pas obligatoirement transposer la formation dans un univers ludique, et proposer un environnement de simulation, un serious game si.

 

Objectifs pédagogiques et objectifs de jeu

La gamification ajoute un objectif supplémentaire à celui de l’acquisition de connaissances et de compétences : l’objectif propre au jeu. Il doit s’articuler avec l’objectif pédagogique. La définition du premier constitue une évidence pour le formateur. Le second doit être intuitif, clair et atteignable. L’apprenant doit en saisir les ressorts et en identifier la mécanique de progression sans qu’il lui soit nécessaire de lire une règle du jeu longue et fastidieuse. En quelques lignes, en une courte vidéo, en un écran, l’apprenant doit avoir compris. La simplicité est donc de mise.

Pour autant si l’objectif et les règles du jeu doivent être clairement définis et présentés dès le début, gardez quelques éléments de surprise. L’imprévu peut relancer la dynamique de jeu et accrocher l’apprenant à certains moments clés. Certaines actions de l’apprenant peuvent par exemple déclencher l’attribution d’une récompense surprise. Les récompenses récurrentes sont pour leur part programmées en fonction des actions de l’apprenant, de son assiduité et/ou de ses réussites. Une récompense est généralement attribuée après un certain nombre d’actions ou de points gagnés, après le passage au niveau supérieur…

Quand l’apprenant se prend au jeu

Se former, quel que soit le niveau de motivation initiale (ou provoqué par la gamification) reste toujours un effort. Il faut donc être vigilant à ce que la gamification n’apporte pas une « angoisse » supplémentaire à cet effort qui pourrait décourager.

Il faut donc veiller à rester dans une zone où les challenges restent plaisants et motivants, l’effort à fournir semble soutenable, et la réussite atteignable. C’est ce qu’on appelle être en état de « flow », un état de concentration équilibré et optimal. Les éditeurs de jeux vidéo maîtrisent parfaitement ce concept de flow. Ils visent le maintien du joueur dans cet état par la bonne adéquation entre le niveau de compétence de la cible et le niveau des épreuves.

Pour rester dans cette zone de « flow », il faut entretenir la motivation des apprenants, et dans le cas d’une formation gamifiée, récompenser chaque « participant » selon ses motivations personnelles.

Richard Bartle, distingue 4 profils de joueurs :

  • L’« Achiever » (collectionneur) : son objectif est de terminer le jeu ; d’en avoir fait le tour, de posséder l’ensemble des objets, personnages du jeu.
  • L’« Explorer » (explorateur) : son objectif est la découverte de l’univers du jeu et de ses règles ; il cherche la nouveauté et l’étonnement.
  • Le « Socializer » (social) : il recherche avant tout les interactions avec les autres joueurs ; c’est un coopératif qui joue sur un mode multi-joueurs. Son objectif est le partage.
  • Le « Killer » (tueur) : son moteur est la compétition ; gagner est son objectif.

 

Si la cible d’apprenants est très homogène, il est plus facile, en fonction de l’objectif pédagogique, d’opter pour une mécanique particulière :

  • atteindre son objectif plutôt que se laisser transporter par l’expérience ;
  • contraindre le parcours plutôt que favoriser l’exploration aléatoire ;
  • renforcer les défis individuels plutôt que la collaboration dans la résolution des problèmes, etc.

Si la cible est plus hétérogène, pour que chaque profil d’apprenant-joueur puisse se retrouver dans la dynamique de jeu, on peut mixer les procédés de gamification :

  • multiplier les sources de récompenses pour le collectionneur et placer des gratifications surprises à certaines étapes clés de l’apprentissage ;
  • utiliser le storytelling pour transporter l’explorateur dans un univers romancé et lui réserver des activités bonus qui pourront le surprendre ;
  • favoriser le travail collaboratif pour satisfaire le profil social ;
  • challenger le « tueur » par un classement et des défis face à ses pairs, valoriser ses succès par une visibilité de son profil sur l’application, etc.

Attention, le seul but d’un jeu est de terminer la partie, en formation, il ne faut perdre de vue que l’objectif est d’acquérir du savoir, du savoir-faire ou du savoir-être.

 

« L’important c’est de se former » — Pierre de Coubertin

 

 

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