1.
NEURO…quoi ?

2.
PLASTICITÉ cérébrale : des raisons d’espérer

3.
Suprématie de l’intelligence logico-mathématique : attaque pré-frontale

4.
Attention & mémoire, piliers de l’apprentissage

5.
Imitation, visualisation : je pense donc j’agis

Pour conclure

Que penseriez vous si, arrivant chez votre garagiste pour une vidange, le mécanicien vous avouait qu’il ne connaît pas bien le fonctionnement du moteur mais qu’il va faire de son mieux ? Transposé en formation, combien compte-t-on de formateurs ou d’enseignants qui maîtrisent réellement les fondamentaux sur le fonctionnement des cerveaux qu’ils nourrissent chaque jour ?

Les progrès de la recherche scientifique, de l’imagerie médicale et des technologies de l’information et de la communication sur les deux dernières décennies permettent aujourd’hui de préciser chaque jour davantage les mécanismes cérébraux qui concourent à un apprentissage efficace et pérenne. Compréhension, mémorisation, attention, motivation constituent la mélodie d’une partition aux milliers de notes orchestrées par le cerveau de tout un chacun. Pour ce faire, encore faut-il que chacun soit capable de déchiffrer la partition.
Pour autant, les neuroscientifiques n’ont pas vocation à devenir pédagogues. Inversement les pédagogues n’ont aucun intérêt à se transformer en spécialistes du cerveau. En revanche, les découvertes des premiers sont à même de guider les formateurs et enseignants dans leur démarche de transmission du savoir et de la compétence.

C’est ce qu’expliquait Lionel Naccache, chercheur en neurosciences cognitives, en 2013, lors d’une intervention au Collège des Bernardins (un peu plus de 3’ d’extrait).

 

Le sujet se répand donc sur la toile. Les articles en liens avec le fonctionnement du cerveau se multiplient avec plus ou moins d’exactitude. Et en cette période de rentrée, il prend tout son sens, porté depuis quelques semaines par le nouveau Ministre de l’Éducation nationale. « On en sait aujourd’hui beaucoup plus sur le cerveau, et il serait aberrant de se priver de ce nouveau champ de connaissances. » (Source : Le Point, 24 juin 2017)

Les #neurosciences cognitives ont donc fait leur entrée au gouvernement, dans la bouche de Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Éducation nationale, dès sa nomination. Et le Ministre de récidiver sur le sujet des neurosciences de l’éducation à chacune de ses interviews. Voilà donc le terme livré au grand public dans les colonnes des sites, quotidiens et hebdos depuis plusieurs semaines.

Avant d’effleurer modestement les potentialités infinies de notre cerveau en matière d’apprentissage, entendons nous sur les mots…

1.
NEURO…quoi ?

Née de la rencontre des neurosciences, de la psychologie cognitive et de la pédagogie, la discipline des neurosciences appliquées à l’apprentissage est suffisamment récente pour que le terme qui la désigne ne soit pas encore formellement arrêté. On parle souvent de neuroéducation ou de neuro-pédagogie.

Un rapport de l’OCDE de 2007 «Comprendre le cerveau : naissance d’une science de l’apprentissage » en pose les bénéfices pour l’apprentissage : « La neuroscience de l’éducation débouche sur des connaissances précieuses et neuves, qui permettent d’informer politiques et pratiques éducatives : sur bien des sujets, la neuroscience confirme des éléments déjà connus et observables dans la vie quotidienne, mais elle permet de passer de la simple corrélation à la causalité (comprendre les mécanismes à l’œuvre dans des processus familiers), ce qui facilite l’élaboration d’approches efficaces. Sur d’autres sujets, la neuroscience génère de nouvelles connaissances et ouvre de nouvelles pistes.
Les recherches sur le cerveau apportent des éléments neuroscientifiques importants qui permettent de favoriser l’apprentissage tout au long de la vie : loin de soutenir l’idée qu’il faut surtout éduquer les jeunes – même s’il est vrai que ceux-ci disposent d’un fabuleux potentiel d’apprentissage –, la neuroscience a montré que l’apprentissage se fait tout au long de la vie, et que plus on continue d’apprendre, mieux on apprend. »

Un peu plus de 3’ pour une première appréhension générale, des apports des neurosciences de l’éducation sur un public scolaire :

Au départ tournée vers l’apprentissage scolaire et la formation initiale, cette discipline se développe désormais en formation continue, sur des publics d’adultes. C’est pour tenir compte de cette extension du domaine de la neuroéducation à la formation continue que le Docteur Nadja Medjad, médecin et coach, spécialiste du management du stress, en collaboration avec Philippe Gil et Philippe Lacroix, co-fondateurs du cabinet IL&DI, ont choisi le vocable de « #Neurolearning ». Dans leur ouvrage éponyme, ils justifient ce choix pour le moins anglo-saxon, moins par la mode « anglicisante » que par la traduction de la double dimension de la pédagogie que l’on retrouve dans le terme « Learning » :

  • la façon dont le cerveau est capable d’apprendre ;
  • mais également la manière d’améliorer l’apprentissage par la connaissance du fonctionnement neuronal.

Le neurolearning conforte ainsi scientifiquement le formateur dans ses intuitions pédagogiques d’animation ou de séquençage de parcours de formation. Il lui offre des éléments objectifs pour construire une ingénierie pédagogique qui maximise la compréhension et la mémorisation des savoirs par l’apprenant.

Pour aborder les principes scientifiques propres à sous-tendre une action efficace de formation, petit détour par le cerveau en tant qu’organe…

2.
PLASTICITÉ cérébrale :
des raisons d’espérer

Notre cerveau constitue le plus puissant des systèmes complexes connus à de jour. Difficile d’imaginer que nous transportons dans notre petite boîte crânienne quelques 86 milliards de neurones connectés entre elles par des milliers de connexions (entre 1000 et 10 000). Des scientifiques ont tenté de calculer le nombre de combinaisons d’activité cérébrale et sont arrivés à la conclusion que ce nombre excède le nombre de particules élémentaires dans l’univers.

Séance de révision en image :

C’est donc bien cette capacité du cerveau à évoluer, au gré des événements rencontrés, qui nous permet une adaptation permanente à notre environnement et aux stimuli extérieurs. Il s’agit de la plasticité cérébrale. Cette plasticité qui joue un rôle fondamental dans l’apprentissage.
Les découvertes scientifiques ont montré qu’elle n’était pas l’apanage des enfants : nous conservons cette plasticité tout au long de la vie. Bonne nouvelle : l’apprentissage tout au long de la vie n’est donc pas une utopie. Mieux, notre capital neurones ne se déprécie pas : nous perdons certes des neurones quotidiennement mais nous en créons de nouveaux quel que soit notre âge. On appelle cette régénération neuronale, la neurogénèse.

Pour la petite histoire, nos neurones situés dans l’hippocampe (zone cérébrale fondamentale pour la formation des souvenirs et la gestion des émotions), auront été totalement renouvelés à la cinquantaine.

Aide-toi et la neurogénèse t’aidera…

La science est formelle : notre neurogénèse est sous influence ! Influence de notre environnement intellectuel, émotionnel mais également physique.

Quelques principes clés à respecter pour un bon renouvellement neuronal, énoncés en un peu moins de 10’ par le Professeur Pierre-Marie Lledo qui dirige le département de neurosciences de l’Institut Pasteur.
Un conseil : ne ratez pas la conclusion dans laquelle Pierre-Marie Lledo cite une superbe phrase de Goethe. Suspens…

 

Ce serait donc bien en forgeant que l’on devient forgeron : développer ses performances cérébrales passerait ainsi entre autre par un entraînement. Toutefois, l’apprentissage constitue un bon exercice cérébral, à condition de bénéficier d’un environnement favorable. Cet environnement saura combiner une bonne hygiène de vie et des actions de formation propres à exciter notre cerveau et nos sens par des activités variées et des répétitions régulières du message sous des formes diversifiées.

Mais si tout est question d’entraînement, quid alors de la question de l’intelligence innée dans ce contexte ?

3.
Suprématie de l’intelligence logico-mathématique :
attaque pré-frontale

La question de l’intelligence dans les apprentissages revient systématiquement et avec elle la suprématie de l’intelligence logico-mathématique sur laquelle s’appuie encore nombre d’épreuves sélectives durant un cursus en formation initiale.

Le chercheur Howard Gardner a formalisé, dans les années 80, le concept d’intelligences multiples, complétant l’intelligence logico-mathématique de 7 autres formes d’intelligence :

  • verbale ;
  • spatiale ;
  • musicale ;
  • corporelle ;
  • émotionnelle ;
  • sociale ;
  • naturaliste.

Chaque forme d’intelligence activerait une zone identifiée du cortex, visible à l’imagerie médicale. Une combinaison des différentes intelligences orchestrée par le cortex pré-frontal permettrait une réaction appropriée à une situation donnée. Le challenge résiderait dans la capacité à activer l’intelligence idoine au bon moment pour une résolution de problème efficace.

Un peu plus de 5’ d’explications données par Olivier Houdé, professeur de psychologie et spécialiste de l’intelligence.

Dans sa présentation, Olivier Houdé évoque la nécessaire activation de zones du cerveau correspondant à l’intelligence à mobiliser dans une situation donnée. Il présente également une autre fonction essentielle du cortex pré-fonction, celle de l’inhibition : être capable de bloquer une forme d’intelligence au profit d’une autre. En effet, en activant toujours les mêmes circuits neuronaux pour résoudre un problème, nous créons des automatismes dans le cerveau. Ces automatismes permettent de gagner en rapidité mais peuvent parfois se révéler un frein.

Apprendre à résister…

Cette capacité à mettre en sommeil ses automatismes cérébraux ne nous est pas naturelle. Elle se travaille, comme l’explique Olivier Houdé dans une interview aux Échos en 2014.

Le formateur peut favoriser cette capacité d’inhibition chez l’apprenant par une conscientisation de ces automatismes. On trouve sur Internet le test de Stroop qui permet de mettre en lumière la suprématie de la lecture sur l’identification des couleurs. A force d’entraînement, le cerveau arrive à se concentrer sur la consigne en mettant au second plan sa tendance naturelle à aller chercher l’information qui lui paraît la plus évidente.

Prêt à faire le test ? Prenez la ligne C et nommez les couleurs le plus rapidement possible.

Ce tour d’horizon rapide de quelques mécanismes fondamentaux du fonctionnement cérébral est indispensable pour actionner les leviers d’un apprentissage pérenne et opérationnel. Parmi ces leviers, capter l’attention de l’apprenant est un préalable à l’acquisition de connaissances ou de compétences nouvelles. L’attention constitue ainsi un pilier de l’apprentissage.

4.
Attention & mémoire,
piliers de l’apprentissage

L’attention est le processus par lequel le cerveau va sélectionner un ou plusieurs stimuli à analyser et à traiter à un instant « t », en éliminant le traitement d’autres événements simultanés. Cette sélectivité est liée à l’incapacité du cerveau à réaliser plusieurs tâches simultanément.
L’attention se révèle en outre instable dans la durée. On considère qu’entre 10 et 12 minutes, elle décroît de manière plus ou moins forte.

Mise en lumière des limites de l’attention en moins de 4’ (pour éviter une baisse d’attention) par Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France et spécialiste de psychologie cognitive :

Capter et maintenir l’attention de l’apprenant est donc l’un des enjeux de la formation.
Pour cela, le formateur en présentiel ou le pédagogue en distanciel doit jouer sur l’émotion. Les premières minutes sont cruciales pour engager l’apprenant et le mettre dans de bonnes conditions d’attention. En présentiel, le premier contact va permette aux apprenants de se forger une opinion à l‘égard du formateur. A distance, l’ergonomie de l’interface, une bonne présentation du parcours et de ses objectifs, la clarté des consignes constituent des éléments déterminants.

Capter l’attention est un bon début. Puis il faut poursuivre en maintenant un niveau d’attention suffisant. Toutes les 10 à 12 minutes, l’activité doit varier, qu’il s’agisse :
d’une ressource pédagogique de format différent (insérer une vidéo ou un audio pour permettre à l’apprenant de reprendre son souffle attentionnel),
d’une séquence d’évaluation gamifiée (permettant de challenger les apprenants),
d’un témoignage ou d’un retour d’expérience pour permettre à l’apprenant de se projeter…

Le témoignage présente l’avantage de raconter une histoire et de jouer sur l’émotion. L’évaluation permet d’intégrer un peu de pression. L’important est de rompre le rythme et d’intégrer un élément nouveau : le cerveau n’aime pas la routine.

Aider l’apprenant à prendre conscience des capacités et limites de son attention en listant les distracteurs et les bonnes pratiques fait partie des leviers à disposition du formateur.

Pour mémoire…

La mémorisation des connaissances ne peut se faire sans attention soutenue. Une bonne concentration de l’apprenant permet de mobiliser ses neurones sur une durée ou avec une intensité suffisante pour donner du sens à l’information reçue et créer une trace mémorielle dans notre mémoire de travail (mémoire à court terme). La mémoire de travail dispose d’une capacité de stockage (l’empan mnésique) limitée (environ 7 éléments) sur une durée courte.

Et si vous testiez votre empan mnésique ? Extrait du MOOC « Apprendre et enseigner avec les sciences cognitives ».

La mémoire de travail est le passage obligé de l’information avant mémorisation. Mieux vaut donc éviter de multiplier les savoirs non pertinents et se concentrer sur l’essentiel. Il convient également de peaufiner la structuration et la hiérarchisation des informations. Ce travail permettra à l’apprenant de classer les informations et de donner du sens à toute nouvelle information. Pour renforcer le sens et aider l’apprenant à structurer sa pensée, il est intéressant de replacer systématiquement toute nouvelle notion dans le contexte dans lequel elle s’inscrit.

Par ailleurs, la sollicitation des différents sens de l’apprenant en alternant vidéo, texte, audio et le déclenchement d’émotions par l’introduction d’effets de surprise ou par des récits particulièrement imagés vont consolider la mémorisation.

L’art de la répétition

Enfin, pour faciliter l’ancrage mémoriel et alimenter la mémoire à long terme, la répétition de l’information est indispensable. Plus la répétition sera étalée dans le temps, meilleure sera la rétention à long terme de l’information. La répétition à intervalle de temps croissant consiste à faire varier sa périodicité. Très rapprochée au début pour consolider la trace mémorielle (répétition immédiate au terme de la notion sous une forme différente), puis dans les 24H, puis plusieurs jours successifs puis à une semaine, un mois, 6 mois…

5.
Imitation, visualisation :
je pense donc j’agis

Nous faisons régulièrement cette expérience de voir quelqu’un bailler et de nous mettre à bailler immédiatement. Il semble que ce phénomène soit le fait des neurones miroirs… Leur existence a été découverte en 1996 par un chercheur italien. Au terme de nombreuses études, si leur présence dans le cerveau humain est confirmée, leur rôle précis reste encore flou. Toujours est-il que des circuits neuronaux du mimétisme existent dès la naissance.

En formation, ce mécanisme permet d’apprendre par l’observation ; observation permettant l’imitation.
L’action observée est alors représentée par le cerveau qui se projette dans l’action. Réaliser un geste ou visualiser simplement ce geste activent les mêmes zones du cerveau. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreux coureurs de haut niveau repassent inlassablement leur course dans leur tête avant le départ : leur cerveau est déjà dans l’action.

L’apprenant acquerra d’autant plus facilement des savoirs s’il peut s’identifier à celui qui le dispense. En formation à distance, incarner une formation par un expert, un tuteur qui sera la figure humaine du parcours est un élément important. La relation interpersonnelle de l’apprenant et du formateur ou du pédagogue est un gage d’appropriation efficace de la connaissance.

De même, la communauté des apprenants tire bénéfice à travailler ensemble et à observer un de ses pairs réaliser une tâche et même commettre des erreurs. Il a été montré que lorsqu’un apprenant se trompe, les autres ont plus de facilité à s’identifier et à en tirer les leçons. L’apprentissage par l’erreur est très formateur.

De l’observation à la vicariance

Pour le psychologue canadien, Albert Bandura, l’apprentissage par l’observation va au-delà d’un simple mimétisme. Il s’agit d’une observation active, qu’il qualifie d’apprentissage vicariant. De cette observation active, l’apprenant va dégager les règles qui régissent la démonstration, les assimiler pour créer de nouvelles compétences et aller au-delà du comportement observé.

Pour conclure

Les neurosciences de l’éducation et le neurolearning sont des champs de recherche en perpétuelle évolution. Loin de dicter au formateur sa conduite, le neurolearning constitue une démarche d’accompagnement pédagogique et une source d’inspiration pour la construction de parcours de formation centrés sur les besoins de chaque apprenant.