Quand j’étais petite…
1984 (je n’étais pas née) : Dans le monde futuriste de 1984, le monde est gouverné par une dictature, représentée par la figure de “Big Brother”…

Brainstorm : Michael et Lillian sont deux scientifiques ayant créé un casque permettant à la personne qui le porte de partager les émotions et les souvenirs d’autrui ! …

Tron : Flynn, un concepteur de jeux vidéo qui s’est vu voler ses jeux par son ex-employeur, veut à tout prix récupérer une preuve qui lui ferait valoir ses droits. Il infiltre alors le MCP (Maître Contrôleur Principal), un ordinateur avide de pouvoir à l’intelligence artificielle surdéveloppée…

Minority report : En 2054, les meurtres peuvent être prédits et leurs auteurs arrêtés avant de commettre leurs méfaits…

Je suis sûre que ces films (ou certains d’entre eux) évoquent des souvenirs. De films de science-fiction, ils sont devenus films d’anticipation et maintenant, pour certains, la réalité ou ce que l’on en entrevoit. Et tout cela en quelques années seulement. Beau parallèle avec l’IA, non ?

Hou, ça va vite, c’est :

  • Grisant
  • Flippant
  • Passionnant
  • Intrigant
  • Angoissant

Aussi passionnés que nous soyons sur le sujet, nous sommes passés par tous ces états (et cela semble bien naturel). Chez TIPS n’ LEARN, nous nous sommes finalement laissé intriguer, captiver (et parfois même griser) par le sujet de l’IA en formation. Pour la simple et belle raison qu’il stimule tout autant la réflexion, que l’imagination et la créativité !

IA, Machine Learning, Deep Learning, réseau neuronal, si vous avez envie d’en savoir plus avant de poursuivre cet article, cliquez sur ce lien : Les poupées russes.

L’IA en formation : conjuguée au futur

L’IA est une révolution 4.0, mais qui peut dire avec précision ce qu’il en résultera demain et quels seront ses impacts ? ! Même s’ils se font déjà sentir sur le marché du travail et nécessitent des changements dans l’éducation comme dans la formation continue (là, tout de suite, maintenant ).

Pourtant votre assistante pédagogique, pas virtuelle du tout (moi), a lu pas mal d’articles sur le sujet (en français, en anglais et même en espagnol). Force est de constater que le temps le plus souvent utilisé est encore le futur. Le secteur de la formation et de l’éducation traîneraient-ils un peu la patte (en comparaison avec d’autres secteurs) ? Tentons de conjuguer l’IA en formation au présent et au futur dans les domaines de la diffusion et conception de contenus, dans l’accompagnement des apprenants, mais aussi dans la gestion de projet (composante essentielle de nos projets digitaux et blended).

Diffuser

Aujourd’hui : La diffusion de contenus se fait via une LMS, une application de Mobile Learning, un portail de contenus sur étagère et parfois même (quand on ose) via le réseau social de l’entreprise. De plus en plus souvent, les 4 coexistent au sein d’une même entreprise (dans les grands groupes on peut même trouver 2 LMS qui cohabitent). Et à ce jour, ces outils exploitent peu ou pas l’IA. Certains intègrent de la data analytics qui permet de pousser les formations à suivre, recommandées par la communauté ou populaires. Certaines LMS intègrent une LEP (Learning Experience Platform**) et le LRS (Learning Record Store***) pointe enfin le bout de ses algorithmes.

Demain : L’IA connaîtra mieux un apprenant et sa formation sera ainsi plus pertinente et personnalisée dans ses propositions de parcours ou micro-modules. Elle mettra en relation deux apprenants au profil similaire pour qu’ils puissent s’entraider. Ceci est déjà possible (et se pratique) mais ce n’est pas encore un standard, loin de là ! Imaginez (à la Comcast) tous les contenus formels et informels d’une entreprise (modules digitaux, vidéos, documents PDF, images, etc.) automatiquement découpés en unités de sens et résumés afin que chacun puisse rapidement trouver et accéder à l’information, voire la formation utile, à l’instant T (une formation et une information bien sûr organisées en fonction de critères suggérés par l’IA ou demandés par l’utilisateur). Quant à la reconnaissance vocale, elle rendra l’interaction avec nos devices bien plus spontanée (on peut se poser la question de l’usage des claviers) et donc un accès encore plus rapide à l’information et la formation. Dans la même veine, la traduction simultanée mettra à notre disposition de plus vastes ressources (dans une multinationale les sources – formation et information – pourront être utilisées par tous quelle que soit sa langue maternelle).

Mon grain de sel : Si l’IA est un algorithme permettant à une machine de prendre une décision, alors le premier obstacle que je vois au développement de l’IA en formation c’est la nécessité d’atteindre une masse critique de données pour qu’elle donne sa pleine puissance. Or le volume de données à disposition d’une entreprise et notamment les PME (je ne parle même pas des TPE) n’est pas toujours suffisant pour permettre aux algorithmes d’être pertinents. L’interopérabilité et l’ouverture à d’autres systèmes/outils sont essentielles. L’apprentissage ne passe pas que par le Digital Learning et ne se limite pas aux frontières de l’entreprise.

Nous testons bien sûr le potentiel de Google Home. Au-delà de l’amusement que cela nous procure, nous en observons les apports :

  • Un accès plus rapide à l’information que le passage par une application.
  • La nécessité***** pour repousser les limites de Google Home d’utiliser le service IFTTT afin de créer des scénarios et d’automatiser diverses tâches quotidiennes entre différents services Web et donc de mieux comprendre son fonctionnement.

Mais aussi les limites :

  • Demandez à Google Home de vous lister tous les pays d’Amérique Latine et sa réponse sera « Le Brésil, l’Argentine et tous les autres ». Quant au second degré n’en parlons pas ! Peut mieux faire (et fera mieux à n’en pas douter).

Accompagner

Aujourd’hui (ou presque) : Quand on parle d’accompagnement (sous la forme de tutorat ou de coaching) et d’IA, on pense aux chatbots (ou robots conversationnels). En formation, ils commencent timidement à être utilisés en support et comme tuteur, pour répondre à des questions fonctionnelles, d’organisation, relancer l’apprenant, lui proposer des apports supplémentaires ou complémentaires (Coorpacademy et son interface vocale sur Google Assistant), voire l’entraîner (Duolingo en langues). Bref, c’est un outil que l’on imagine trouver très rapidement dans chaque LMS (mesdames et messieurs les éditeurs au boulot ).

Demain : L’IA et l’analyse faciale (aujourd’hui déjà LCA Learning et Nestor), pour déterminer le niveau d’attention des apprenants mais aussi leur niveau d’intérêt, pourra permettre aux formateurs/professeurs/tuteurs virtuels de s’ajuster. Dans un dispositif de formation (notamment sur la durée), les données collectées permettront au parcours/système de s’ajuster (le niveau de complexité ou de simplicité d’un apprentissage est un élément de (dé)motivation, de même que sa (dé)corrélation avec des attentes ou besoins concrets, etc. Autant de points qui pourront être analysés et ajustés par l’IA).

Mon grain de sel : Dans la formation aux langues, à la relation client (ou toutes autres formations) nécessitant de s’entraîner à l’oral et/ou à l’écrit, le chatbot pourrait servir d’entraîneur, au même titre que les simulations utilisées jusqu’alors. Le chatbot en est une version plus élaborée car permet des scénarios plus riches, et ouverts. Ce qui est souvent reproché à un parcours composé uniquement de modalités asynchrones, c’est le manque d’interaction et d’accompagnement. Sur ce deuxième point, le chatbot pourrait proposer un service de tutorat (ce qui par manque de moyen n’est pas souvent fait actuellement car nécessitant des ressources humaines).

Un prof tout à la fois aventurier et plein d’humour : Ashok Goel, qui enseigne l’intelligence artificielle à l’Institut de Technologie de Géorgie, aux États-Unis, s’est fait aider d’une intelligence artificielle pour l’assister auprès de ses étudiants. Elle a pris à sa charge 40 % de l’ensemble des questions et réponses. Et aucun des élèves n’a jamais réalisé qu’il s’agissait d’une IA. Regardez plutôt son TEDx sur le sujet : faites connaissance avec Jill Watson.

Concevoir

Aujourd’hui : L’intelligence artificielle n’intervient quasiment pas dans la conception pédagogique de parcours ou modalités d’apprentissage. A ce jour, la seule application possible se situe au niveau de l’extraction d’expertise, donc l’extraction de la matière brute à transformer en module ou parcours de formation. A cette étape, cette matière brute nous est fournie par un expert mais souvent nous faisons de la curation afin de mieux appréhender le sujet et parfois de compléter ce qui nous a été fourni. Dans le cadre de cette curation, nous sommes en train de tester au sein du projet Flint (par Benoît Raphaël et Thomas Mahier) un assistant robot personnel ; une intelligence artificielle que l’on peut entraîner pour trouver des articles de qualité (on en vous reparlera très vite).

A contrario, dans le domaine de la conception graphique l’IA est déjà relativement présente avec de nombreuses applications : Storyboard (transformer une vidéo en planches BD), Photolemur ou Snapseed (retoucher des photos) et bien d’autres.

Demain : la traduction automatique évolue vite, et dans le bon sens (on en veut pour preuve Google et Microsoft Translator), elle va enrichir notre curation, mais aussi faciliter (réduire les délais et les coûts) les projets à localiser en plusieurs langues. L’analyse sémantique va permettre de synthétiser la masse de données que nous devons consulter.

Mon grain de sel : La conception pédagogique (transformer de la matière brute en matière qui donne envie d’apprendre, raconter une histoire, etc.) et graphique est une activité créative par excellence. Cependant comme toutes activités, elle a leur lot de tâches à plus ou moins forte valeur ajoutée. Cependant, même cette notion risque d’évoluer dans les années à venir (et n’est-ce pas déjà le cas ?). Jusqu’où l’IA va-t-elle aller sur un terrain qui semble être le propre de l’homme (et de la femme aussi ) : l’imagination, le rêve, etc. Dans un autre domaine créatif, la musique, cet article pose déjà des questions qui amènent à réfléchir et ne laissent pas indifférents : œuvre créée par intelligence artificielle.

La Gestion de Projet

Aujourd’hui et demain : L’assistant de projet virtuel qui prend en charge les tâches répétitives d’un projet, ça existe déjà. Howdy dans Slack (en court de test chez TIPS n’ LEARN, nous vous raconterons), PMotto, Lili.ai (start-up française : cocorico) et d’autres, l’IA investit le champ de la gestion de projet. Dans la mesure où un projet est en partie composé de tâches répétitives (planification, relance, tests, etc.), l’IA semble tout indiquée pour nous en soulager dans les années à venir.

Mon grain de sel : J’aime la gestion de projet pour sa dimension humaine (collaborer avec des personnes aux compétences et aux profils variés, être une facilitatrice, m’assurer que le projet est et restera dans les esprits un succès et un bon moment) ; en revanche, je dois avouer que la partie organisationnelle ne me fait absolument pas vibrer. Par conséquent, vivement des assistants de projet virtuels performants !

L’IA ou l’apologie de l’école buissonnière

Dans cet article, je n’ai sciemment pas abordé tous les fantasmes et questions qui font les grands titres en ce moment et qui se résument (à juste titre) à ceci : l’humain augmenté ou subordonné à l’IA ? Qui pourrait à ce jour répondre avec certitude à cette question ? Assurément pas moi ! Par contre, à ceux qui se poseraient la question suivante « Pourquoi continuer à apprendre si l’IA fait tout pour nous ? », j’aurais envie de répondre « Tout simplement pour apprendre à nous adapter aux évolutions technologiques. ».

Voici pour poursuivre la réflexion 10 principes pour survivre à l’accélération du futur proposés par Jeff Howe et Joi Ito dans Whiplash : How to survive our faster future :

  • Désobéir plutôt que se conformer ;
  • Tirer plutôt que pousser (pull over push) ;
  • Proposer des boussoles plus que des cartes ;
  • Favoriser l’apprentissage plus que l’éducation ;
  • La résilience plutôt que la résistance ;
  • Le risque plutôt que la sécurité ;
  • La pratique plutôt que la théorie ;
  • La diversité plus que la capacité ;
  • Les systèmes plutôt que les objets ;
  • L’émergence plutôt que l’autorité.

En conclusion : oui, l’IA nous oblige à évoluer dans nos apprentissages (et la façon dont nous les appréhendons que nous soyons concepteurs, formateurs, apprenants, etc.). Freiner des 4 pieds (oups y en a 2 de trop…quoique ) ne servira à rien, en revanche anticiper et accompagner oui. Cela nous promet quelques années passionnantes dans le champ de la formation.

Virginie JAULIN

Co-fondatrice de TIPS n’ LEARN

*J’avoue, je suis fan de Paattrriiicckkkk !

** LEP (pour en savoir plus, désolée pas bcp d’articles en français sur le sujet) : https://lab.getapp.com/what-is-learning-experience-platform/

*** voir notre semaine sur les LMS et LRS : https://www.linkedin.com/feed/update/urn:li:activity:6384808906127863808

**** : La performance du Deep Learning s’améliore de façon exponentielle lorsque l’on donne plus de données d’entraînement. Il adopte une approche de réseau neuronal pour rechercher des modèles et des corrélations qui sont plus subtiles que ce que l’apprentissage statistique révèle.

***** : Je considère que s’initier à l’automatisation de certaines tâches, et donc comprendre les fondamentaux du fonctionnement de ce type d’IA, est un apport car cela nous permet de nous projeter dans ce qui va devenir un standard.

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