Sophie Pélicier-Loevenbruck, avocate et spécialiste en droit du travail, est associée dans le cabinet Fromont-Briens au sein duquel elle a créé le pôle Droit de la formation professionnelle. Diplômée de l’IEP-Paris et de Paris Dauphine, elle est l’auteur ou co-auteur de nombreuses publications juridiques sur les dispositifs d’adaptation de l’emploi, la formation et la mobilité professionnelle. Elle répond à nos questions sur la réforme de la formation professionnelle contenue dans la nouvelle loi « Avenir Professionnel ».
La réforme constitue-t-elle véritablement un « big bang » ?
Il n’y a pas véritablement de rupture, contrairement à ce qui était annoncé : nous ne sommes pas en présence d’une révolution, mais dans la poursuite d’évolutions remontant au moins à la loi du 24 novembre 2009. La rupture s’est davantage exprimée sur la forme que sur le fond. Il y a en effet un véritable changement dans la méthode : les objectifs de la réforme sont clairement assumés, ce qui a le mérite de la clarté pour les acteurs. Si je peux risquer ce parallèle, je dirais que jusqu’ici, le législateur a procédé comme pour la circulation routière à Paris : on réduit l’espace de circulation par différents moyens qui ne poursuivent pas directement cet objectif et les Franciliens sont censés réagir en prenant moins leur voiture, découragés par les embouteillages. Cela ne marche pas très bien ! Les réformes de la formation ont souvent procédé de façon similaire : le législateur cherchait à faire en sorte que l’employeur récupère moins de sommes issues de la collecte des fonds mutualisés, pour que celles-ci bénéficient d’abord aux plus petites entreprises, aux chômeurs, aux moins qualifiés, aux projets individuels des salariés. Mais on ne le faisait pas ouvertement et donc cela ne fonctionnait pas non plus très bien.
En quoi la réforme est-elle différente des précédentes ?
La réforme de 2009 a eu pour objectif premier de mettre sous tension les collecteurs et refinanceurs, c’est-à-dire les Opca et les Opacif. Il faut se souvenir qu’on est passés très rapidement de plus de 80Opca à une vingtaine. C’était également la fin annoncée du préciput et le contrôle par l’Etat des fonds mutualisés avec l’extension des missions du Fonds de péréquation rebaptisé à l’occasion Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)… Les partenaires sociaux ont été mis à rude épreuve.