“La tristesse de l’intelligence artificielle est qu’elle est sans artifice, donc sans intelligence.”
Les enjeux
Il y a 5 grands enjeux de l’intelligence artificielle pour la formation.
Le premier concerne le regard que nous lui portons. Soit l’intelligence artificielle est une prothèse qui vient combler un manque, auquel cas nous considérons toujours qu’apprendre consiste à être complété comme si nous étions des handicapés du savoir. Soit nous envisageons l’intelligence artificielle comme une orthèse, une forme d’exosquelette qui vient rehausser notre pouvoir de penser, auquel cas nous envisageons le fait d’apprendre comme une augmentation continue de nos capacités.
Le deuxième enjeu est éthique. Il concerne la façon dont les IA sont conçues et empiètent progressivement sur nos capacités de décisions à partir de paramètres dont nous ignorons tout. Elles viennent tout d’abord finir nos phrases quand nous saisissons du texte puis nous place sous influence dans un capitalisme “nudge” qui construit des chemins et des glissements d’un argument à un site, d’une proposition à un choix et progressivement nous voilà guidé d’interface en interface dans nos façons de nous lier au monde
Le troisième enjeu est économique. L’irruption de ChatGPT sur le marché a conquis 3 millions d’utilisateurs en 1 semaine et la barre des 100 millions a été franchie en 1 mois. Du jamais vu. C’est un bouleversement chez les grands opérateurs numériques que l’on croyait bien installé, par exemple, pour les moteurs de recherche. C’est une double prise de position sur un marché des techniques intellectuelles et une façon d’accélérer l’édification de raisonnement mais également sur celui de la création et la fluidification de contenus.
Le quatrième enjeu est pédagogique. Tout se passe comme si une “pédagogie fossile” faite de sédiments accumulés par le fleuve de la connaissance, qui année après année dépose une couche de savoir dans lequel chacun puise pour vivre son monde, est désormais défiée. L’IA générative se contente de puiser dans le passé et de réagencer des données entre elles pour produire des informations probables. L’IA a le bonheur de nous rappeler qu’apprendre, c’est plus que se remémorer et articuler les faits du passé entre eux. C’est aussi et surtout s’appuyer sur son expérience singulière et projeter ses désirs vers le futur pour construire le monde qui vient.
Le cinquième enjeu est technologique, il concerne l’inclusion de l’IA dans les modèles sociaux-économiques. À cet égard, il est intéressant de rappeler que l’IA consomme plus d’énergie que le cerveau pour traiter des calculs, un peu à la façon d’une feuille et du principe de photosynthèse car le vivant, à l’inverse des machines, fonctionne de façon économe et en recyclage continu.Les circuits synaptiques sont moins gourmands que les centrales électriques. Il y a donc un coût électrique à payer pour produire des calculs et des données dont l’utilisation n’est guère frugale.