À l’heure de la continuité pédagogique et de la digitalisation à marche forcée de la formation, les attentes et les enjeux sont forts. Les structures et les acteurs de la formation doivent donc se professionnaliser. Les clés du succès sont, bien sûr, la pédagogie et la maîtrise technologique. Alors, comment tirer vers le haut sans tirer dans le tas ?

 

Un état des lieux

Les organismes sont principalement des gestionnaires, et les formateurs des experts de leurs sujets. Tous sont pleins de bonne volonté pour dispenser une formation de qualité. 

La situation dans laquelle la formation a été plongée en 2020-21 a révélé un manque cruel de savoir-faire fondamentaux : l’ingénierie de formation pour les organismes, l’ingénierie pédagogique pour les formateurs et le numérique pour les deux.

Ce n’est pas un reproche ou un jugement mais une simple constatation.

Cet état de fait est principalement dû à la fossilisation de pratiques quasiment inchangées depuis les années 30 (date d’apparition de la formation professionnelle avec CGOST). En 3 générations successives de formateurs, la représentation de la formation n’a pas évolué. Ceci explique pour beaucoup les difficultés actuelles d’en sortir et pas seulement pour ceux qui forment mais également pour les formés.

Alors, quand il s’agit d’imaginer et mettre en place des parcours de formation qui ne sont pas centrés sur le formateur, sa salle et ses supports, repenser une pédagogie appuyée principalement sur les capacités d’autodidaxie et les échanges informels, déployer des outils digitaux d’administration, de production, de diffusion et d’accompagnement, ça coince un peu. 

Cette nouvelle représentation de la formation est à l’opposé de la précédente mais encore bien ancrée pour la majorité des acteurs. Ceux-ci ont compris qu’un retour en arrière ne serait pas possible, et qu’il allait falloir changer ses pratiques. Bien plus facile à dire qu’à faire. En 1920, quand Niels Bohr introduisit le concept de saut quantique, il n’imaginait peut-être pas que 100 ans plus tard, les scientifiques seraient toujours en train de défricher cette nouvelle représentation de la matière.

Les formateurs sont eux aussi confrontés à leur mutation quantique : comment être là sans être là !

Et ce changement d’état va prendre un  « certain » temps.

 

Un changement pragmatique

Quand on se rend compte qu’il va falloir prendre une trajectoire radicalement différente, et qu’elle engendre un changement de représentation et de comportement conséquent, la sagesse devrait conseiller de :

  • dresser un plan d’action solide et réaliste ;
  • parier sur l’accompagnement plutôt que sur l’injonction.

Mais souvent, face à l’urgence et au danger, la facilité conduit à :

  • désigner des coupables ;
  • fixer des objectifs en négligeant de définir les moyens*.

Les acteurs de la formation professionnelle ont conscience que des changements profonds devaient être opérés à court, moyen et long termes. Ces 3 temporalités doivent être traitées de façon distincte :

  • à court terme : s’appuyer sur des prestataires plus agiles et plus  « modernes » qu’eux ;
  • à moyen terme : investir sur la recomposition de nouveaux programmes et se doter de nouveaux outils ;
  • à long terme : organiser une montée en compétence globale en pédagogie et en digital.

 

* Quels sont les plans d’action et les moyens des gouvernements qui se fixent les objectifs de réduction de C02 les plus ambitieux ?

 

Une ambition modérée

Beaucoup se rengorgent de leurs bons conseils, montrent du doigt les mauvaises pratiques et déclament à l’envi les procédés des  « pros ».

Ils oublient un petit détail qui change tout : la majorité des acteurs de la formation n’ont pas de formation en formation.

C’est avec beaucoup plus de bienveillance et de modération qu’il conviendrait de considérer ces mauvaises pratiques. Elles sont généralement mues par de bonnes intentions.

Pour pouvoir tirer vers le haut les organismes et les formateurs, il faut s’assurer que les bases sont solides. Pour changer d’approche pédagogique encore faut-il connaître les grands principes de :

  • l’apprentissage (exploration, mimétisme, représentation, encodage, mémorisation, appropriation…)
  • la conception pédagogique (déstructuration, granularisation, classification, dépendance…)
  • la médiatisation (représentation, narration, conceptualisation…)
  • l’accompagnement (observation, proactivité, remédiation…)
  • l’évaluation (référentiel de connaissances, de compétences, l’art de questionner…)

Ensuite seulement, il est possible de s’appuyer solidement sur ces compétences pour bâtir des approches, procédés et dispositifs pédagogiques en phase avec le contexte et les besoins du moment.

 

Comme pour beaucoup d’autres domaines que la formation, la tentation est grande de mettre la charrue avant les bœufs.

 

 

 « Tout est possible, dans la ligne du parti. » — Ilham Aliyev

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