Pour éclairer les questions de conception attentionnelles, autour du programme Retro-Design de l’Attention lancé par la Fing, il nous a semblé essentiel de recevoir un éclairage provenant des neurosciences et de la psychologie comportementale. C’est pourquoi nous nous sommes associés à Chiasma (FB, blog, @chiasmaparis) une association qui organise des débats pour éveiller à la pensée critique. C’est cette approche pédagogique qu’a choisie son cofondateur, Albert Moukheiber, chercheur en #neuroscience et psychologue clinicien pour expliquer au petit groupe d’étudiants que nous encadrons à l’Ensci ce qu’était l’attention.
Pourquoi notre attention est-elle une ressource limitée ?
Pour comprendre pourquoi notre attention est une ressource limitée, il faut prendre beaucoup de recul. Jusqu’à notre sédentarisation, il y a environ 12 000 ans, le plus grand danger que nous ayons connu était les prédateurs. En tant qu’espèce, qu’Homo Sapiens, nous avions besoin de mécanismes pour assurer notre survie dans un environnement dangereux, alors que nous n’étions ni l’espèce la plus forte, ni la plus rapide. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs devaient gérer des dilemmes. Quand on entend un bruit dans la forêt, il fallait savoir si c’était le vent ou un prédateur. Or, nous avions un bénéfice à faire un choix plus qu’un autre. Manquer une alerte était bien plus coûteux que de s’alarmer pour rien. On a développé une hypervigilance… en préférant nous tromper que mourir. Et cette hypervigilance réflexe nous est restée. C’est ce qui explique notre hypervigilance attentionnelle : qu’on sursaute face à un événement imprévu, qu’on continue de mobiliser notre attention à partir de signaux faibles. « Le problème est qu’on ne vit plus dans le même environnement ». Contrairement aux robots qui analysent tout très vite, notre cerveau fait des approximations pour favoriser la réaction. Aujourd’hui, les robots savent récupérer une balle qu’on leur lance en faisant une analyse de trajectoire. Nous aussi, mais d’une manière bien plus approximative, ce qui explique que parfois on ne l’a rattrape pas. Contrairement aux robots, nous avons pour cela des modèles approximatifs, des modèles heuristiques qui sont basés sur nos expériences passées. Nous apprenons à récupérer une balle, à utiliser un robinet ou une porte par l’expérience, ce qui ne nous conduit à parfois faire des erreurs.
De nos biais cognitifs et de leurs impacts sur nos prises de décision
À l’image de ces biais de décision, nos biais cognitifs sont nombreux. On en recense des centaines que l’on classe en quatre grandes familles. Ceux liés au fait que nous recevons trop d’information et qui nous poussent à faire des raccourcis. Les biais de sens, qui nous poussent à surinterpréter quand nous n’avons pas assez d’information. Les biais de rapidité qui nous poussent à agir vite. Les biais de mémorisation qui nous font reconstruire nos souvenirs depuis ce que l’on croit le plus probable ou possible. « Les biais n’ont rien à voir avec l’intelligence ou le niveau de culture ! Nous y sommes tous sensibles ! »
« L’attention est un jeu à somme nulle »
Outre la raison liée à l’évolution, le second facteur qui explique que notre attention soit limitée est structurel. La capacité de nos cerveaux a des limites, explique Albert Moukheiber en nous invitant à regarder une petite vidéopour tenter de voir ce qui change.