André Tricot est professeur de psychologie à l’Université Paul Valéry Montpellier 3, EPSYLON Lab. Son travail de recherche concerne les apprentissages et la recherche d’information avec des documents numériques, selon une approche cognitive et ergonomique. Il s’intéresse à la théorie de la charge cognitive et à l’ergonomie des interfaces homme-machine.
Nous l’avons interrogé pour vous à propos de la théorie de la charge cognitive et de ses conséquences pour l’éducation.
Pouvez-vous nous définir maintenant ce qu’est la charge cognitive?
La charge cognitive correspond à la quantité de ressources cognitives investies par un individu lors de la réalisation d’une tâche. Elle dépend
- de la complexité de la tâche (le nombre d’éléments à traiter et à mettre en relation)
- des ressources de l’individu (ses connaissances à propos de cette tâche)
- et de la manière dont la tâche est présentée.
Par exemple, « calculer 3 paquets de 10 gâteaux » ou « calculer 10 paquets de 3 gâteaux » ne présente pas la même exigence pour des élèves de CE1. Calculer 10 + 10 +10 est peu exigeant, par rapport à 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3 + 3. Passer par la multiplication fait baisser la charge, dans les deux cas, encore faut-il maitriser la multiplication. Ceci a été montré par deux chercheurs en psychologie cognitive (Brissiaud & Sander, 2010).
La charge cognitive est un concept qui date des années 1960, elle est utilisée dans diverses disciplines de la psychologie (notamment cognitive, sociale, du développement, neuropsychologie) et dans de nombreux domaines d’application : sécurité des transports, ergonomie des systèmes d’information, effets du stress sur les performances sportives, etc. ainsi donc que, pour ce qui nous intéresse ici, l’éducation.
Quand et pourquoi la théorie de la charge cognitive a-t-il été élaboré ?
La « théorie de la charge cognitive » a été introduite par un chercheur en psychologie de l’éducation, John Sweller. Elle désigne une théorie qui a utilisé le concept de charge cognitive dans le domaine de l’éducation. Elle est présentée dans un article publié en 1988 dans Cognitive Science, mais fondée sur des travaux du même auteur publiés depuis 1982. La question de départ est extrêmement simple : la résolution de problèmes interfère-t-elle avec l’apprentissage ? En effet, chercher à résoudre un problème représente une tâche cognitive.
Apprendre, c’est-à-dire modifier ses connaissances, en est une autre. La résolution de problèmes est le moyen. L’apprentissage est le but. La résolution de problèmes et l’apprentissage sont donc deux activités différentes, chacune comportant sa charge cognitive propre. Comme notre capacité à traiter l’information est limitée, si le moyen est trop exigeant, il n’y aura peu ou pas de ressources pour apprendre.
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Repéré depuis https://synapses-lamap.org/2020/01/07/interview-quest-ce-que-la-charge-cognitive/