Je suis loin d’être hostile à l’instauration de la qualité dans le domaine de la formation, pensant, bien au contraire, que la production de normes peut donner des repères et des aides aux choix, qui plus est dans un marché où les apprenants peuvent désormais, depuis la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel faire eux-mêmes leurs démarches d’inscription pour utiliser leur compte personnel de formation. Du point de vue des acteurs, les démarches qualité ont permis une professionnalisation accrue, en s’inspirant des modèles industriels et de l’ingénierie. Les concepts d’études de besoins, de cahiers des charges, de dispositif, de ressources pédagogiques, d’évaluation de la satisfaction ont joué un rôle majeur dans la structuration des activités de formation et ont permis de passer progressivement d’une pratique informelle et artisanale, notamment héritée des pratiques sociales de l’éducation permanente, à une activité plus professionnelle.

Toutefois, la formation est avant tout « une affaire de vie » comme le dit joliment Denis Cristol dans son article “ni Dieu, ni maitre, ni certification !” qui prétend que « les métiers de formation sont des métiers de vitalisation et ne sauraient être si fortement référencés que la tendance actuelle le souhaite ». Les études sur les processus d’apprentissage des adultes, notamment les courants traitant de l’autoformation ou de la formation expérientielle, montrent clairement la place prépondérante de l’apprenant dans la réussite et l’efficacité de ses apprentissages. Comme le dit encore Denis Cristol « apprendre est une coproduction entre un esprit et un environnement. Va-t-on certifier les apprenants et leur cerveau ? […] J’aime coconstruire avec les apprenants et partir d’une page blanche, je nomme cela « pédagogie du cadre-flou » cela devient inadmissible, pourtant je me sens héritier de Rogers et d’une pédagogie non-directive ». Au-delà d’un simple phénomène de servuction de nature économique, on sait depuis toujours que l’acteur central d’une action de formation est l’apprenant lui-même et non le formateur, et que des cadres trop stricts bloqueront l’apprentissage plutôt qu’ils ne le faciliteront. Je suis fermement convaincu que se former est avant tout un acte dont le résultat dépend de la personne elle-même, de l’énergie qu’elle déploie, de sa manière de réagir face à la difficulté, mais aussi de la dynamique de groupe qui se met en place en formation, autant en présentiel qu’en distanciel.

En résumé, si je peux aisément concevoir la mise en œuvre de dispositifs de formation articulant avec rigueur ressources pédagogiques, technologies et encadrement formatif, je ne pourrais jamais mettre en cases la totalité de mon activité de formateur sans considérer dans le même temps que ce cadre ne peut être ni totalement prescriptif, ni vérifiable à postériori.

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Repéré depuis http://www.haeuw.com/2021/08/normaliser-la-formation-sans-perdre-son-ame.html

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