Former juste assez, juste à temps, c’était la promesse du e-Learning dans les années 2000. « Fini d’être bloqué en salle pendant 2-3 jours, les stages vont être remplacés par quelques heures devant son écran. » Une vingtaine d’années plus tard, l’Adaptive Learning vante les mérites de l’IA pour individualiser la formation et l’adapter au juste nécessaire. Dans les faits, la formation s’est-elle réellement mise à la diète ?
Juste assez
Se former juste assez, c’est passer du prêt-à-porter au sur-mesure. Pas si facile quand les programmes, les principes pédagogiques, les procédures, la logistique, les outils, mais surtout les représentations et les habitudes sont tournées depuis des décennies vers des formations génériques globalisées.
L’argument du « juste assez » porté par le e-learning s’apparente plutôt à « beaucoup moins ». En effet, l’écart de temps habituellement constaté est qu’une même formation traitée en e-learning dure 3 fois moins longtemps que son équivalent en salle.
Le vrai « juste assez » n’est pas de former plus vite, mais de ne former qu’aux notions nécessaires et utiles à chaque apprenant. Former plus vite est utopique, la formation ne « s’injecte » pas en un instant, elle « infuse » sur un temps long.
Pour être capable d’individualiser la formation, il faut savoir tenir compte de 3 champs personnels :
- le niveau initial ;
- le niveau visé ;
- les préférences d’apprentissage.
Les champs 1 et 2 nécessitent des moyens d’évaluation qui mesurent avec fiabilité les aptitudes et les compétences plutôt que les connaissances, le champ 3 implique de connaître un large historique de formation et les mécanismes d’apprentissages personnels.
Pour tenir réellement ses promesses d’Adaptive Learning, les IA dédiées à la formation doivent avoir comme paramètres d’entrée les données de ces 3 champs personnels.
Juste à temps
Se former juste à temps, c’est avoir accès à la bonne formation juste avant d’avoir la possibilité ou le besoin de la mettre en pratique. Cela peut sembler une évidence, malheureusement c’est rarement le cas. Soit elle est programmée bien trop tôt, et faute de mise en pratique, elle s’évapore dans le temps, soit elle arrive trop tard, et ne sert qu’à constater qu’on aurait pu faire mieux en ayant été formé au bon moment.
Le nœud du problème est bien la programmation des sessions de formation, le fameux « plan de formation ». Historiquement élaboré d’une année sur l’autre, il semble évident que si l’échelle de temps est l’année, il y a de très fortes chances d’arriver à contre-temps.
C’est pour quand ?
En ce qui concerne le « juste assez », il va falloir attendre que les discours marketing deviennent des réalités. Cela nécessite de gros progrès technologiques, car la formation est un domaine complexe qui mêle savoirs, savoir-faire, formalisation, représentation, cognition, mémorisation… Les meilleures IA peinent encore à proposer des traductions automatiques fiables, alors de là à savoir aussi bien qu’un formateur comment expliquer et faire comprendre des notions complexes, la route va être longue.
Pour le « juste à temps », c’est là aussi un problème de logiciel, celui des responsables formation. Ceux-ci sont formatés depuis des années à la gestion des budgets par anticipation et contrôle des dépenses. Ce sont eux qui administrent la formation, qui décident de qui se forme, à quoi et quand. Une gestion centralisée de la formation ne peut pas conduire à l’agilité nécessaire au « juste à temps ». Pour y arriver, il faut déléguer une grande partie du travail aux managers, et faire confiance aux formés pour choisir quand et à quoi ils veulent être formés. Parier sur l’intelligence plutôt que sur la discipline, voilà le nouvel algorithme que doivent intégrer les services formation.
« Il faut savoir s’arrêter à satiété. » — Jean-Michel COHEN