Il est courant d’entendre que se former, c’est engranger du savoir, mémoriser, encore et encore mémoriser. En 288 av. J.-C. s’élevait la bibliothèque d’Alexandrie. À notre époque, où tout va (trop) vite, cette idée d’accumuler est-elle suffisante ?
Se tromper
Se former, apprendre, n’est possible qu’avec une bonne dose de motivation. L’une des plus fortes est l’envie de réussir. En bons humains, nous sommes dotés d’un système de récompense qui nous pousse à renouveler les actes qui nous procurent une drogue naturelle à laquelle nous sommes accros : la dopamine. Et chaque réussite, même petite (telle que réussir à aligner 4 bonbons virtuels sur nos smartphones) nous procure notre dose de dopamine. Heureusement, nous sommes producteurs et consommateurs de cette hormone du bonheur, notre capacité à nous inciter à réussir est donc sans limites.
Mais qu’est-ce que la réussite sans l’échec ?
Si nous arrivons à faire quelque chose du 1er coup sans nous tromper, la réussite est bien fade, et notre dose trop faible pour nous donner envie de recommencer.
Le plaisir est bien plus grand s’il a fallu essayer, réessayer, et enfin réussir après plusieurs tentatives infructueuses.
C’est pourquoi, pour inciter à apprendre, laisser explorer, expérimenter et se tromper sont de très bonnes approches. Vouloir la réussite du premier coup, c’est interdire l’erreur, presque interdire d’apprendre.
Radoter
Il y a une grande différence entre mémoriser et se souvenir. Être capable de comprendre et de stocker une information est la base de l’apprentissage. Tester à chaud si une information est mémorisée ne garantit pas que le souvenir sera durable. En effet sans une répétition espacée de l’information, le chemin pour la retrouver sera trop fragile pour être durable.
Pour qu’une information soit accessible solidement dans le temps, il faut réactiver son souvenir plusieurs fois de façon répétée et espacée. Idéalement, 4 fois : le lendemain, 4 jours plus tard, 10 jours plus tard, 30 jours plus tard.
Oublier
Pour progresser, s’améliorer, il faut savoir évoluer, changer. À nouveau, en bons humains, nous sommes dotés d’un brillant mécanisme d’économie d’énergie. Ce mécanisme gère deux systèmes de réflexion. Le premier système, dit « analytique », est celui qui nous permet de réfléchir, d’analyser, de comprendre et de décider ; il consomme beaucoup d’énergie. Le deuxième système, dit « intuitif », repose sur des automatismes, dans lequel est logé tout ce que nous maîtrisons parfaitement et que nous savons faire « sans réfléchir » de façon automatique. Notre centre de contrôle nous oriente bien sûr, le plus régulièrement vers ce système très peu consommateur d’énergie.
La mauvaise nouvelle, c’est que ce principe d’orientation vers le système intuitif rend difficile la modification de nos façons de faire. Il faut ainsi apprendre à désapprendre pour être capable de changer nos automatismes, nos habitudes, nos convictions.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, pour être pleinement capable d’apprendre tout au long de la vie, il faut savoir oublier.
« Quoi ? je ne suis pas bon élève ? » — Sébastien Martinez