1.
Apprendre, savoir, connaître…
FAUDRAIT SAVOIR !

2.
WIKIPÉDIA contre GUTENBERG :
c’est dans la tête tout ça !

3.
Du SAVOIR en BOÎTE ?

4.
Séquence ÉMOTION

5.
Au nom des PAIRS

Clap de fin

Didier NAUD

Didier Naud | diplômé du Centre d’Étude Diplomatiques et Stratégiques de Paris et Docteur en épistémologie

Au cœur de la révolution Internet, elle revient, toujours aussi prégnante, vertigineuse tant elle est et demeure vaste et structurante pour nos sociétés humaines. Elle, c’est bien LA question, cette interrogation millénaire qui réapparaît à chacune des révolutions qui ont fait avancer l’humanité.

Révolution de l’écrit : si Socrate vous était conté ici, le mythe de Theuth aurait toute sa place. Révolution de l’imprimerie : Gutenberg a-t-il entraîné le déclin de l’occident ?

La voici donc à nouveau, leitmotiv existentiel revisité par l’écran : « Est-il encore nécessaire d’apprendre au XXIe siècle ? ». Au-delà de ce qui ressemble à un sujet du BAC de philo, c’est la bataille de la société de l’information et l’exigence de la formation tout au long de la vie qui sont résumées dans cette proposition.

Pour vous éviter l’expérience régressive sur le mode « Prenez une feuille et un stylo, vous avez 3 heures », nous avons demandé à Didier Naud, diplômé du Centre d’Étude Diplomatiques et Stratégiques de Paris et Docteur en épistémologie de s’y coller pour nous… sans feuille et en moins d’une heure, au cours d’un épisode des Learning Happy Hours.

Ce dossier s’appuie sur les clés fournies par Didier Naud, lors de son intervention, pour comprendre les ressorts et les enjeux de l’ « Apprendre à l’heure d’Internet ».

1.
Apprendre, savoir, connaître…
FAUDRAIT SAVOIR !

Vous reprendrez bien un peu de Thalès ?

On va donc vous épargner l’épreuve de la dissertation de philo. En revanche, pour entrer dans le vif du sujet, allons saluer Thalès et son fameux théorème. Combien d’entre nous sont en capacité de le réciter puis de l’expliciter par la simple mobilisation de sa mémoire ? Et pourtant, aucun de nous n’a pu passer à côté de ce classique de la géométrie collégienne.

 

Est-ce important ? Notre quotidien a-t-il à pâtir de cet oubli géométrique ? À moins d’être prof de maths ou parent d’un élève de 4e, la réponse est sans doute négative. Qu’importe donc que nous ayons la réponse, Google est là pour ça, véritable mémoire externe. Nous avons le savoir au bout des doigts. Mais ne nous réjouissons pas trop vite. Le savoir, l’information sont à portée de clic, mais où est la connaissance ?

Le poète T.S. Eliot s’interrogeait déjà il y a plusieurs décennies : « Où est passée la sagesse que nous avons perdue avec la connaissance ? Où est la connaissance que nous avons perdue avec l’information ? » (ELIOT T.S., The Rock, 1934)

Savoir ou connaître ? Va savoir…

Alors Thalès… savoir ou connaissance ? Si en lisant les lignes précédentes, un triangle vous est apparu nettement et dans son sillage, l’équation idoine permettant la démonstration, alors il s’agit pour vous d’une connaissance. Sinon, c’est un savoir.

De façon générale, le savoir est externe à l’individu. Il est un ensemble objectif de données, de concepts, de procédures répertoriés au temps « t ».

La connaissance est l’appropriation du savoir par l’individu. Une forme de digestion de l’information, propre à chacun.

Philippe Meirieu, spécialiste des sciences de l’éducation et de la #pédagogie, explique qu’il est possible d’empiler des savoirs mais pas des connaissances. « Les connaissances se transforment, se combinent en fonction de chaque individu, des représentations qu’il se fait des savoirs et de son socle de connaissances. Ainsi en sortant de formation, chacun aura retenu des concepts différents même si le plan de cours est à la base identique. »

2.
WIKIPÉDIA contre GUTENBERG :
c’est dans la tête tout ça !

L’arrivée d’Internet a modifié notre rapport au savoir, à sa transmission et donc à l’Apprendre.

La révolution jusque dans nos fonctions cognitives.

Petit rappel : la cognition est l’ensemble des opérations permettant à un apprenant de construire un savoir. Le simple fait de lire engage de multiples fonctions cognitives.

Le numérique oblige le cerveau à s’adapter. Par exemple, la vitesse de lecture sur écran est réduite de 25 % par rapport à la lecture sur un support papier. Le flux continu d’information et l’hypertextualité excluent la linéarité de l’apprentissage.

Thierry Baccino, spécialiste de psychologie cognitive et ergonomique, explique que la lecture sur écran est une révolution équivalente à l’introduction des blancs entre les mots aux XIVe. Une analyse de la lecture numérique à retrouver dans un numéro de Sciences et Vie de septembre 2009.

Source : Sciences et Vie – septembre 2009

Source : Sciences et Vie – septembre 2009

3.
Du SAVOIR en BOÎTE ?

Vous m’en mettrez une boîte de 12… 12 Giga ? 12 Tera ? Qu’importe puisque la mémoire informatique n’est plus un problème aujourd’hui.

Nous sommes donc en train d’externaliser notre mémoire et nos savoirs sur le net. Les différents devices (ordinateur portable, tablette, smartphone, objets connectés) perdent leur statut d’outils pour devenir de véritables prolongements de nous-mêmes.

Pour s’en convaincre, une petite expérience amusante à faire chez soi (âmes sensibles s’abstenir). Pour les besoins de la démonstration, vous avez besoin d’un adolescent ou d’un jeune adulte habitué à occuper sa chambre des heures durant et d’une connexion wifi. Coupez le wifi sans sommation ! Tout à coup, c’est la panique. Les portes s’ouvrent à la volée, des hurlements se font entendre. Et le jeune de débarquer séance tenante, incrédule et affolé, au chevet de la box, comme si sa vie en dépendait. Savourez ! Mais soyez conscients que sa vie (sociale, scolaire, culturelle,…) en dépend.

Nous avons donc mis notre savoir et nos relations sociales en boîte, est-ce à dire que nous avons le cerveau vide ? Absolument pas répond le philosophe Michel Serres pour lequel nous n’avons pas le cerveau vide mais le cerveau libre.

Ça ne vous rappelle rien ? Montaigne qui préférait une tête bien faite à une tête bien pleine et qui fustigeait ses contemporains « remplisseurs de crânes » :

« Il fallait s’enquérir qui est mieux savant, non qui est plus savant. Nous ne travaillons qu’à remplir la mémoire, et laissons l’entendement et la conscience vide. Tout ainsi que les oiseaux vont quelquefois à la quête du grain, et le portent au bec sans le tâter, pour en faire becquée à leurs petits : ainsi nos pédants vont pillotant la science dans les livres, et ne la logent qu’au bout de leurs lèvres, pour la dégorger seulement, et mettre au vent. (I, 24, 208.) »

Dans son ouvrage « Condition de l’éducation », Marcel Gauchet revient sur la tête bien faite de Montaigne : « Le savoir cesse d’être ce qui est constitutivement à soi. Il devient ce qui est fondamentalement hors de soi, le problème, à partir de là, étant d’apprendre à le mobiliser et à le manier. L’idéal était de disposer du savoir par le dedans, la “tête bien faite” étant précisément celle qui avait les moyens de l’intérioriser, et, partant, de l’organiser. L’idéal est devenu de le laisser à l’extérieur de l’individu en se contentant de lui fournir les clés d’accès. Rien de plus frappant à cet égard que l’effacement de la figure du savant au profit de la figure du chercheur : l’opérateur du savoir a remplacé son détenteur. » (Source : Condition de l’éducation, Stock, 2008).

Nous voici donc libre d’apprendre à utiliser le savoir, le structurer, le manier en vue d’un objectif, de comprendre plus que de retenir. La réponse à la question s’impose donc : « Oui, il est encore nécessaire d’apprendre au XXIe siècle ». Alors avant d’aborder la question suivante et cruciale du « Comment apprendre ? », sous-tendue par cette première réponse attendue, revenons avec Didier Naud sur les motivations de l’apprentissage.

Source : Digital Learning Academy

Source : Digital Learning Academy

4.
Séquence ÉMOTION

Apprendre aujourd’hui ne nécessite plus les seules capacités de base (calcul, synthèse…) mais impose de solliciter toutes les facultés cérébrales en même temps.

Engager physiquement l’apprenant en créant le contact dans une communauté apprenante, intégrer l’émotion et l’expérience individuelle dans les apprentissages rationnels, telles sont les stratégies d’apprentissage alternatives pour replacer l’apprenant au centre du dispositif et en faire un acteur engagé de sa formation.

L’émotion au centre de l’Apprendre ?

L’émotion participe à l’apprentissage. L’émotion serait donc un moteur d’adaptation à notre environnement, dont la puissance a été démontrée par Antonio Damasio, dans son ouvrage « l’erreur de Descartes ».  Il y défend l’idée que l’émotion concourt à anticiper et à élaborer des plans d’actions.

L’émotion est donc un outil décisionnel. A tel point que les recherches sur les systèmes d’intelligence artificielle ont conclut qu’intégrer de l’émotion dans les systèmes intelligents serait un facteur de prise d’une décision correcte par ces systèmes.

Des études ont également montré une corrélation entre l’émotion et les mécanismes de l’attention sélective et la mémorisation.

Retour d’expérience

Le docteur Pierre Poles, médecin hospitalier a mené une expérience auprès de 6 étudiants en échec pour analyser leur parcours et leur état émotionnel pendant l’apprentissage puis durant l’évaluation.

Les 10 premières minutes de la vidéo sont particulièrement intéressantes 

5.
Au nom des PAIRS

Internet a supprimé les frontières spatiales et temporelles. Faire collaborer les apprenants devient facile. Mais quels sont les avantages d’un apprentissage #collaboratif ?

La multitude de groupware (collecticiels en français), en associant hommes et machines, permet des interactions et une co-construction des savoirs par les apprenants eux-mêmes, en tant qu’individu mais également en tant que groupe. Le formateur s’inscrit alors en facilitateur de l’acquisition des savoirs et le groupe devient source d’information.

L’interaction des apprenants entre eux permet d’opposer les points de vue et peut les amener à faire évoluer leur position et leur perception d’un problème, de façon plus efficace. Cette communauté apprenante constitue le contexte social de la formation. Structurer les interactions entre les apprenants amène à une compréhension commune. Les outils (indicateurs de présence permettant des échanges synchrones, par exemple) sont là pour favoriser la perception de l’autre et renforcer la communication et la collaboration. Les outils constituent pour leur part le contexte matériel.

Contexte social et contexte matériel forment l’environnement de la #formation. Selon la théorie de la #cognition située, cet environnement est une des composantes de l’activité cognitive.

Dans ce contexte, Didier Naud pointe l’importance de fournir des repères à l’apprenant pour qu’il puisse avoir conscience de son ressenti face aux apprentissages et des savoirs qu’il intègre.

L’apprentissage collaboratif comme mode de formation alternatif permet donc de faire émerger, outre la perception individuelle, une communauté qui augmente la richesse et l’efficacité de la formation.

Clap de fin

Au final, et si apprendre au XXIe siècle c’était avant tout développer des capacités d’adaptation à un monde en évolution permanente dans lequel l’obsolescence non programmée du savoir porte en germe l’incertitude ?

Nos atouts ? Apprentissage, émotion, motivation.

Pour conclure en image…

Source : https://blog.educpros.fr/Jean-Michel-Zakhartchouk/files/2015/05/cahiers-péda-500-dessin-01-3.jpg

Source : https://blog.educpros.fr/Jean-Michel-Zakhartchouk/files/2015/05/cahiers-péda-500-dessin-01-3.jpg