Dès la naissance, notre cerveau est capable d’apprendre plus vite et plus profondément que la plus puissante des machines. Le jeu, la concentration ou le sommeil peuvent augmenter nos capacités d’apprentissage, selon Stanislas Dehaene, professeur de psychologie cognitive, dont le dernier ouvrage vient de paraître.
Le Temps: Tous les élèves – et leurs parents – rêvent de connaître ce secret: apprendre à mieux apprendre…
Stanislas Dehaene: Personne, malheureusement, ne nous a appris les règles qui font que notre cerveau mémorise et comprend – ou qu’il oublie et se trompe! C’est dommage, car les interventions pédagogiques qui marchent ont été recensées par un site anglais, l’Education Endowment Fund (EEF). Verdict: savoir apprendre est l’un des plus importants facteurs de réussite scolaire. Tous les enfants démarrent dans la vie avec une architecture cérébrale analogue. Leurs compétences innées pour le langage, l’arithmétique, la logique ou les probabilités révèlent leurs intuitions précoces et abstraites, sur lesquelles l’enseignement doit s’appuyer.
Un apprentissage réussi repose sur quatre piliers… Quels sont-ils?
Le premier est l’attention. Aucune information ne sera mémorisée si elle n’a pas d’abord été amplifiée par l’attention et la prise de conscience. Cela impose de ne pas se laisser distraire par des informations non pertinentes – donc, pour les enseignants, d’écarter toute source de distraction: classes trop décorées, etc. Notre attention sélective doit être orientée vers le bon niveau d’informations. Quand un élève dit aux enseignants «Je ne vois pas ce que vous voulez dire», il est sincère: il n’a pas l’image mentale correspondante. Il faut donc être patient avec lui.
Deuxième pilier de l’apprentissage: l’engagement actif…
L’enfant n’apprend bien que lorsqu’il génère en permanence des hypothèses nouvelles. Un élève passif n’apprend guère. L’enjeu est de le faire participer en cours pour que son esprit pétille de curiosité, pour qu’il anticipe sur ce qu’il croit avoir compris… En pratique, les bons enseignants utilisent déjà cette notion en alternant des périodes de cours magistral avec celles où ils sollicitent les enfants à l’aide de questions. Un bilan des études sur le sujet le montre: les enfants qui bénéficient d’un enseignement favorisant l’engagement actif ont des résultats supérieurs d’un tiers.
Le retour sur erreur est le troisième pilier de l’apprentissage. Mais il implique d’accepter les erreurs…
En effet. L’enfant qui s’engage doit rapidement recevoir un «retour sur erreur». S’il a juste, rien à changer, sinon il doit «remettre à jour son modèle mental». L’erreur est la condition même de l’apprentissage. J’estime que les notes ne sont pas un bon système d’évaluation: elles ne donnent pas une information précise sur l’endroit où l’élève s’est trompé. Elles n’ont pas vraiment d’intérêt pédagogique, mais génèrent du stress. Or on sait que les émotions positives nourrissent la curiosité et l’enthousiasme de l’enfant, mais que les émotions négatives bloquent les apprentissages: elles figent les réseaux de neurones. Je plaide donc pour décomplexer l’erreur, notamment dans l’apprentissage des mathématiques, trop souvent source de stress.