En 1789 lorsque James Watt a modernisé la machine à vapeur de Thomas Newcomen, il ne savait certainement pas qu’il venait de siffler le début de la révolution industrielle qui fit passer la société de l’ère agraire et artisanale à l’ère industrielle et commerciale. La formation elle aussi vit sa révolution industrielle, en passant de l’ère du formateur et du groupe aux dispositifs individualisés et au marketing. Petite analyse de cette révolution.

 

Les apports des technologies

Le 19e siècle fut celui des premières grandes voies ferroviaires, celles-ci ont permis de réduire les temps de déplacement et d’augmenter considérablement le volume de marchandises transportées.

Aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, le principal frein à la formation du 20e siècle fût l’obligation de se déplacer vers le formateur, ou le formateur vers les formés. Comme les trains pour les marchandises, Internet a eu un effet sur le transport d’information et par conséquent de formation. Mettre à disposition sur le réseau des modules de formation, ou bien faire des classes virtuelles a ouvert la voie au déploiement rapide et en masse de formation.

Tout comme le développement d’une grande quantité de machines capables de tisser, de creuser, d’usiner, d’imprimer, d’assembler, jour et nuit et à toute allure, l’utilisation de l’informatique en formation a permis de concevoir des « machines à former ». Celles-ci se substituant pour tout ou partie aux formateurs, elles ont donné la possibilité de former en continu un grand nombre de personnes.

En 1914, Henry Ford disait « Le client peut choisir la couleur de sa voiture, pourvu que ce soit noir. »  On pourrait même ajouter, « du moment que c’est une Ford T ». Quand la dix millionième T sort de chaîne après seulement 90 min d’assemblage, 9 voitures sur 10 dans le monde étaient une Ford. À 300 $ la voiture quand toutes les autres coûtent plus de 3 000 $, on comprend mieux cet incroyable succès.

À ses débuts, le e-Learning a apporté les mêmes avantages, avec les mêmes inconvénients : proposer des formations à 50 € alors qu’une journée de stage coûtait au moins 10 fois plus, si l’on était prêt à sacrifier la personnalisation de sa formation.

Chez Ford, 100 ans après la T, grâce au perfectionnement des chaînes logistiques et de montage n’importe quel modèle peut être façonné à son goût, le sur-mesure est presque devenu un standard. En formation, les outils, les algorithmes et une petite dose d’intelligence artificielle permettent de proposer de l’adaptive learning.

 

Les apports de la science

La formation n’a pas seulement bénéficié des progrès technologiques, mais aussi de la recherche scientifique, et plus particulièrement des neurosciences.

La pédagogie a toujours été au cœur de la formation, mais celle-ci était soit empirique, soit maîtrisée par un tout petit nombre d’universitaires. Les neurosciences cognitives (neuropédagogie ou neurolearning) ont permis de mieux connaître nos mécanismes naturels d’apprentissage, et de formaliser quelques principes neuro-pédagogiques.

Intégrer et appliquer ces principes aux contenus et aux parcours de formation permet de renforcer leur efficacité tout en diminuant l’effort à fournir pour se former.

 

Les apports du marketing

Ces apports même s’ils ne sont pas les plus glorieux n’en sont pas pour autant visibles et importants.

À notre époque, la formation en plus d’être une nécessité, devient un bien de consommation courante, presque une commodité. Elle entre dans une période très concurrentielle où les différentes offres ont non seulement besoin de jouer des coudes entre elles, mais aussi contre toutes les autres activités qui grignotent notre précieux temps libre.

Les as de la pub n’ont pas hésité à nous vendre un Omo qui lave plus blanc que blanc, l’industrie agro-alimentaire nous a proposé les alicaments censés prendre soin de notre santé, voire la rendre meilleure.

Face au même contexte concurrentiel, la formation adopte les mêmes principes marketing, vendre (ou sur-vendre) les vertus de ses principes actifs, inventer tous les 4 matins un nouveau concept, un nouveau gros-mot (si possible anglais).

La formation est devenue un produit. Ce n’est pas un problème en soi, car sa sur-consommation n’est pas dangereuse pour la santé.

 

 

« La formation fait sa crise d’adolescence. » — Adolphe Blanqui

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