De quelle manière les professionnels de l’ingénierie pédagogique – par ailleurs impactés par de nombreuses évolutions – vivent-ils la transformation numérique ? Au moment où certaines pratiques se trouvent réinterrogées, nous avons recueilli le témoignage éclairé de deux professionnels. Et mesuré l’ampleur des changements qui nous attendent, en lien avec l’essor de l’IA générative.
Tous les métiers impactés par l’innovation numérique
Depuis une vingtaine d’années, les métiers de la pédagogie se trouvent impactés par la transformation numérique. De l’architecte du dispositif au formateur, du concepteur pédagogique au réalisateur qui produit les ressources médias, sans oublier le tuteur qui travaille sur la phase de diffusion, de suivi et d’accompagnement des apprenants, toutes ces professions ont été amenées à évoluer dans leurs pratiques.
IA : nous passons du « faire » à une situation de donneur d’ordre et de contrôleur
Entre 2020 et 2022, la pandémie vient donner à cette dynamique un coup d’accélérateur. « La digitalisation s’est accentuée, mais pas toujours dans de bonnes conditions », se rappelle Laetitia Coutelette. « Certains de mes collègues formateurs ont soudain été amenés à effectuer 7 heures de formation en mode distanciel… Cela a pu occasionner certains traumatismes, mais également une prise de conscience : on s’est soudainement rendus compte que transposer une formation présentielle en 100% distanciel sans l’adapter n’était pas une bonne chose. Personnellement, j’ai animé certaines sessions de formation visant à expliquer ce qu’était véritablement une formation dynamique. Il me semble que nous avons collectivement appris de cette période ». Samuëlle Dilé le confirme. Experte en pédagogie multimodale, cette professionnelle l’observe : « grâce à cette période de pandémie, notre rapport au présentiel a évolué ; celui-ci sert beaucoup moins à délivrer des informations descendantes. Il se présente désormais comme un espace de collaboration, de co-développement et d’intelligence collective. C’est en quelque sorte un événement à part, qui a pris ses lettres de noblesse ». Interrogés à l’occasion du 10e baromètre de l’ISTF, la grande majorité des professionnels du secteur se retrouve d’ailleurs dans ce mouvement général.
« La création de valeur amenée par l’IA est déjà là »
Cette évolution, pour ne pas dire cette révolution, est en marche. Car l’IA générative est partout, de plus en plus utilisée dans nos vies quotidiennes mais aussi au sein des organismes de formation. Le cas de Laetitia Coutelette est à cet égard éloquent. Pour elle, l’intelligence artificielle est un outil d’ores et déjà intégré dans sa pratique journalière. « Je l’utilise principalement pour les textes, pour reformuler certaines choses mais aussi pour rédiger des petits scripts et des scénarios pour mes storytelling ou mes motion design. Je sollicite également Chat GPT pour affiner des objectifs, pour me soumettre des titres de formation, pour rédiger des feedbacks d’apprenants… voire parfois pour réaliser du codage HTML. » Dans ces cas précis, l’IA ne se substitue pas au travail de l’être humain : elle vient le soutenir. « Chat GPT ne fait pas tout. : je relis ses propositions, je lui demande de préciser ses réponses, d’aller plus loin en fonction de ce que je recherche. Puis, une fois le texte à peu près stabilisé, je l’amende, je reformule et précise ce qui est suggéré. »
Pour les métiers de l’ingénierie pédagogique, les changements ne font peut-être que commencer…