Pour redonner à la formation professionnelle la capacité de soutenir l’émancipation des individus et préparer une société apprenante, il est nécessaire de sortir des visions à court-terme, comptables comme organisationnelles, pour aller vers un secteur qui valorise l’éthique des acteurs, régule sainement la concurrence et lui donne les moyens nécessaires pour remplir ses missions.

Les mauvais signes budgétaires s’accumulent

Au croisement des intérêts d’émancipation individuelle, de compétitivité macro-économique et de cohésion sociale, la formation professionnelle a bénéficié d’une attention particulière depuis 2015 accrue encore après la crise sanitaire. Les moyens investis, massifs, ont d’ailleurs prouvé leurs bénéfices dans tous les indicateurs statistiques de la vitalité de l’économie nationale. Mais, l’accumulation, ces derniers mois, des mauvais signes budgétaires, notamment l’introduction du reste à charge pour le CPF, la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, la diminution des financements par les conseils régionaux qui ont la compétence de la formation professionnelle des demandeurs d’emploi, le désengagement de l’État via le PIC (et ses déclinaisons régionales dans le cadre des PRIC) ou encore le retrait de l’effort d’autres acteurs comme l’AGEFIPH font craindre un retournement durable de la priorité donnée à la formation comme levier du développement économique et social.

Réguler le secteur pour assurer sa qualité

Une autre difficulté majeure tient dans l’absence de régulation du secteur, pensé depuis 2017 par les pouvoirs publics comme un vaste marché qui s’auto-régulerait par la concurrence entre ses acteurs, qui subit de plein fouet le déficit d’une politique publique clairement établie et fondée sur des objectifs qualitatifs.

Au regard des enjeux économiques globaux auxquels doit répondre le champ de la formation professionnelle, l’État doit jouer son rôle de régulateur, soutenu par des politiques de contractualisation plus fortes et plus équitables au niveau des régions. En effet, comment accepter que sur le territoire national, la Région Nouvelle-Aquitaine bâtisse une politique publique de formation professionnelle basée sur la qualité et dotée d’investissements forts quand la Région Auvergne Rhône-Alpes, la deuxième plus peuplée du pays, divise par deux ses financements depuis 2015 ?

Ouvrir un cycle de concertation étroit pour sortir des logiques strictement mercantiles

Une nouvelle logique pour la formation professionnelle appelle également à rouvrir un cycle de concertation étroit entre organismes de formation et financeurs, notamment les acheteurs publics.Notons qu’à ce stade, les CREFOP ne jouent plus suffisamment et efficacement ce rôle, et que toutes les attentes se portent sur le nouveau Conseil National pour l’Emploi et ses déclinaisons territoriales.

Ces pistes de réforme de la formation professionnelle continue, en réinvestissant la logique sur laquelle elle est bâtie, favoriseront non seulement les objectifs politiques fixés par le gouvernement, mais aussi le retour à l’emploi et l’émancipation des individus, pour faire de la formation professionnelle l’un des outils les plus performants pour soutenir l’économie nationale.

Philippe Genin, président du Synofdes et Muriel Pecassou, Vice-présidente déléguée

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