L’expression « tête bien pleine, tête bien faite » est attribuée à l’écrivain Michel de Montaigne qui l’aurait employée au XVIème siècle. Par là, il voulait dire que la qualité de la pensée est bien plus importante que la quantité de connaissances dont un individu dispose. Cependant, cette phrase est mal interprétée par certains qui affirment que la forme de la tête (et notamment ses excroissances) permettrait de déterminer les aptitudes intellectuelles d’une personne, voire ses traits de caractère.
Aux origines : la phrénologie
En 1781, à Vienne, en Autriche, un jeune étudiant en médecine, Franz Joseph Gall, scrute avec minutie ses camarades, et plus particulièrement la forme de leurs yeux. Il a une théorie : plus les yeux d’une personne sont proéminents (ou globuleux), plus celle-ci est douée en maths.
Et il se dit alors : et si la partie du cerveau nécessaire à manier avec brio les chiffres était exactement placée derrière les yeux ? Et si cette zone du cerveau, qui serait donc plus développée chez ceux ayant des facilités en mathématiques, poussait sur les orbites au point de faire déborder les globes oculaires des orbites ?
De nombreux autres individus s’intéressent ainsi à une certaine classification des hommes fondée sur leurs caractéristiques physiques (le criminologue italien Cesare Lombroso, le photographe Alphonse Bertillon, etc.). D’autres enfin, avancent (à tort, sauf dans les cas rares de microcéphalie) qu’il y a une corrélation entre la taille du crâne, celle du cerveau et l’intelligence (Friedrich Tiedemann, Paul Broca, etc.), ce qui servira à beaucoup pour “prouver” la supposée supériorité intellectuelle de certains peuples sur d’autres, voire de l’homme sur la femme.
L’imagerie médicale m’a tuer (presque)
Il faut attendre le développement de l’imagerie médicale à la fin du XIXème siècle, et de façon plus assurée au début du XXème siècle, pour que la phrénologie soit véritablement discréditée aux yeux du grand public. Grâce à cette technologie, on peut démontrer qu’il y a différentes aires cérébrales qui sont simultanément utilisées pour chaque fonction cérébrale, par exemple pour la résolution d’un problème mathématique. Aussi, une personne douée en mathématiques active les mêmes zones qu’une personne peu douée en mathématiques, qui ne sont pas plus développées chez la première personne que les autres, sauf que c’est de manière moins active.
Alors oui, la phrénologie est bien un neuromythe et même (et ce n’est pas le cas à chaque fois) une théorie totalement dépassée de la science cognitive. Pourtant, comme souvent (tout le temps ?) avec les neuromythes, celui-ci perdure et mute, les individus étant naturellement attirés par des explications simplistes des choses, surtout lorsque le sujet est complexe, comme le cerveau.