Ma fille déboule dans la cuisine, un livre à la main. « Peux-tu me chronométrer ? Il faut que je lise un extrait de deux minutes à ma classe ». Voici la littérature, celle-là même qui, comme le rêve, suspend le temps, assujettie au diktat du chronomètre. Faut-il chronométrer toutes les tâches relatives au travail ? Si la réponse est bien intuitivement « non ! », encore faut-il comprendre pourquoi, et quelles tâches peuvent bénéficier d’être chronométrées.
Effet de deux styles
Le temps ordonne les événements. Nous nous penchons sur chacune de nos activités quotidiennes l’une après l’autre, en les échelonnant le long d’un continuum s’étirant du passé au présent, et du présent au futur. Cette loi fondamentale de la physique et de l’interaction sociale s’exprime de plusieurs façons dans les sociétés humaines. En particulier, notre espèce a recours à deux styles afin d’organiser ses activités : le temps horloger et le temps événementiel.
Deux paires de lunettes pour percevoir le monde
Lorsque nous nous demandons s’il faut chronométrer toutes les tâches des employés, nous postulons que la domination du temps horloger tombe sous le sens. Ce n’est pas étonnant : l’amour de l’horloge est tangible dans nos sociétés modernes occidentales. L’horloge accompagne les ouvriers comme les créatifs de tous horizons. Elle éperonne les chefs d’entreprises alors qu’ils guident celles-ci dans des marchés de plus en plus turbulents, navigant souvent à vue. Des données récentes révèlent que nous sommes exposés à l’heure au moins 150 fois par jour.
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