Pas seulement en été, la tendance actuelle est au court. Commenter l’actualité ou étaler ses états d’âmes en moins de 280 caractères (espaces compris) sur Twitter, exposer son intimité en 60 secondes maximum sur Tiktok, tronçonner sa communication en bribes de 15 secondes sur Instagram, tout doit être court, aller vite. Et la formation, qu’on disait être en temps long n’y coupe pas. Elle doit se faire toute petite, se concentrer, se prendre comme un shoot de savoir. Faisable ?
La taille n’ayant paraît-il pas d’importance, ce billet sera, contrairement à ce que son titre pourrait laisser supposer, un tantinet long à lire.
Diminuer sa durée
Il fut un temps où la formation se comptait en jours, elle se déroulait en salle, le formateur pouvait prendre le temps de reformuler ou de ré-expliquer un passage à un stagiaire à deux doigts de décrocher. Il pouvait également piocher dans ses savoirs et son expérience pour répondre aux questions complémentaires. D’une durée moyenne de 3 jours, les formations ont dû se plier aux contraintes budgétaires et d’agenda pour entrer au chausse-pied dans un petit espace de 2 jours. La course contre la montre était lancée.
Puis vint le e-Learning, avec la promesse de diviser par 2 ou par 3 le temps de formation pour un même résultat. « Mieux même ! » disaient certains RF, pressés de répondre aux injonctions budgétaires, ou de trouver des solutions pour former rapidement les masses sans faire exploser les coûts. Sauf que voilà, les formés, alors qu’ils auraient dû être reconnaissants de pouvoir économiser un précieux temps — en n’étant plus obligé de bloquer plusieurs jours pour se former aux nouvelles règlementations qui pullulent — ont boudé (et pas qu’un peu) cette nouvelle façon de se former. Les résultats des études étaient formels, la formation était 1. encore trop longue, 2. oui, peut-être un peu pénible, mais bon, avec une certaine pression, ça pouvait passer !
On a gardé la pression, et on a cherché à faire encore plus court.
Le rapid-learning (en petit malin) à fait une double promesse : produire vite, former vite. Wouah ! Fastoche, il suffisait de prendre les Powerpoint des formateurs, de faire « enregistrer-sous > format e-Learning » et le (vilain) tour était joué ! On gagnait des 2 côtés : conception et diffusion.
Mais ça a fait « pschitt » comme disait Jacques.
Le micro-learning, lui, promet un dernier tour de vis. Passer de jours en heures n’étant pas suffisant pour satisfaire les attentes des apprenants de réduire encore le temps devant son écran pour se former, hop ! voilà la micro-formation.
A l’heure du bilan, la micro-formation tient non seulement sa promesse : les séquences de formation sont plus courtes (et l’espacement dans le temps renforce l’ancrage durable), mais permet également d’aller à l’essentiel. La voie est ouverte pour le nano-learning où la formation se comptera en secondes.
Diminuer sa difficulté
En y réfléchissant bien, est-ce uniquement le temps qui manque pour se former ?
Il serait idiot de nier que nous avons tellement de choses hyper importantes à faire avant de se former : lire ses mails, poster des billets à sa gloire sur LinkedIn, lire des trucs rigolos et s’indigner sur Twitter, et dernièrement, causer avec machin sur Clubhouse.
Le manque de temps n’est pas que le seul frein à la formation des temps modernes, il faut aussi y ajouter l’envie que tout soit simple, facile à comprendre, efficace, « right to the point », « easy to use », « user friendly », « simply quickly » et autres anglicismes racoleurs.
Alors, pour être en mesure de répondre à notre faible appétence pour l’effort, la formation doit revoir sa difficulté à la baisse, faisons fi de la compréhension ou de l’appropriation, la mémorisation sera bien suffisante. Preuve à l’appui, on mémorise 3 fois plus avec du rabâchage plutôt qu’avec une bonne réflexion.
Diminuer ses ambitions
Développer les compétences des collaborateurs, faciliter leur mobilité et leur employabilité, sont quelques-uns des objectifs visés par les récents épisodes de la réforme de la formation. Datadock puis Qualiopi en sont les instruments de la qualité. Le CPF enfonce le clou, pour y être éligible, la formation doit être certifiante.
On aurait pu imaginer que cela aurait comme conséquence une montée en gamme généralisée des formations. Pour beaucoup d’entre-elles oui, elles sont de qualité, largement accompagnées par des tuteurs ou des experts, et permettent effectivement de développer des compétences opérationnelles.
Mais… 2020 est passé par là, et patatra ! La formation doit maintenant se tenir à distance via un petit écran. Et se former 2 jours d’affilée les yeux rivés sur son écran n’étant pas humainement supportable, la tentation de simplifier la formation est à nouveau la solution qui semble gagner du terrain.
Alors, apprendre un nouveau logiciel se fera en regardant des tutos, découvrir un nouveau produit se contentera d’un webinaire de présentation, améliorer son management se passera devant teams, et développer son expression orale se fera en regardant des capsules vidéos de 3 minutes.
Recentrer la formation sur les savoirs théoriques, et laisser les apprenants se débrouiller seuls pour la mise en pratique, la voilà la martingale ! 1,2,3 souriez… vous êtes formés !
D’ailleurs, le modèle 70-20-10 l’explique bien, c’est avec ses pairs ou en cherchant par soi-même des solutions à ses problèmes qu’on apprend le plus et le mieux.
La formation mérite mieux que d’être expédiée en un minimum de temps, (à moins qu’elle ne soit pas utile). Elle doit résister aux incitations à se faire toute petite pour passer dans les trous de souris de nos agendas, elle doit revendiquer une place légitime et importante dans nos activités quotidiennes, dans nos listes de tâches, dans nos descriptions de poste.
Elle doit résister à la pression de se réduire, et proposer des formes et des modalités efficaces (et il y en a !), elle doit réclamer des investissements et des moyens humains dignes de ses enjeux. La formation est utile et nécessaire, quoi qu’il en coûte !
“Réduire la formation ? Facile !” — Un chef Jivaro