[Newsletter 190] Les 3 grandes valeurs du Digital Learning

Si le Digital Learning n’était qu’introduire des activités numériques dans la formation, il aurait été plus raisonnable de continuer à utiliser les termes « Blended Learning (formation mixte) » ou « e-Learning (formation à distance) ». Derrière cette nouvelle formulation se cache finalement autre chose que du Digital, de nouvelles valeurs pour la formation : la personnalisation, le droit à l’erreur, l’autonomie. La bonne formulation serait plutôt « Human Learning ». (1)

 

La personnalisation

Dans les rêves ou les projections un peu hâtives du Digital Learning, il arrive de lire ou d’entendre des descriptions de dispositifs plus (selon les offreurs) ou moins (selon les utilisateurs) intelligents sachant observer et analyser les comportements des apprenants pour s’adapter automatiquement et avec pertinence à leurs goûts, leurs préférences et leurs façons d’apprendre.

Dans les faits, des systèmes sont en cours de développement, et pour certains déjà commercialisés. Mais concrètement, à part être capable de répéter à l’infini de façon plus ou moins variée les sujets mal maîtrisés, et finissant par avoir à l’usure les plus réticents à apprendre, ces systèmes sont loin d’être ce qu’on en espère tout en étant déjà plutôt performants.

Pratiquement aucun acteur (même parmi les plus gros) n’a assez de données pour faire du Deep Learning capable de comprendre les différents comportements d’apprentissage et donc de déterminer et d’appliquer les stratégies pédagogiques individuelles les plus efficaces. Au mieux, ce sont les sujets qui sont mis en correspondance avec le profil des apprenants ce qui conduit assez rapidement à tourner en boucle autour des mêmes contenus (un peu comme Amazon qui propose de nouvelles machines à laver alors qu’on vient d’en acheter une).

Cependant, l’erreur serait de croire que seules les plateformes peuvent être intelligentes. N’importe quel humain normalement constitué est tout à fait capable d’utiliser selon ses besoins, ses envies et ses choix un dispositif pédagogique si tant est qu’on lui laisse la liberté de la faire. Or, la plupart des dispositifs actuels reposent sur la notion de « parcours » (une collection structurée de contenus) que l’apprenant est tenu de suivre, souvent dans l’ordre et de façon exhaustive pour achever ledit parcours.

Les plateformes peuvent pourtant ne pas contraindre les apprenants à suivre l’exhaustivité des contenus d’un parcours, ou ne pas en imposer l’ordre des modules.

Alors, concepteurs de parcours, responsables formation, ingénieurs pédagogiques et autres Digital Learning Manager, pariez sur l’intelligence des apprenants, et laissez-les personnaliser par eux même leurs parcours tant que les systèmes ne sauront pas le faire de façon réellement intelligente.

 

Le droit à l’erreur

En théorie, il n’y a pas de différence entre la théorie et la pratique, mais en pratique si !

C’est ce que se disent tous ceux qui se lancent dans la réalisation d’une mayonnaise.

En théorie, il suffit de battre un jaune d’œuf avec une cuillère de moutarde, un peu d’huile, du sel et du poivre. Apprendre cette recette des plus basiques ne doit pas prendre plus de 5 minutes, et réussir le quiz encore moins.

Pourtant, en pratique, les résultats sont… comment dire… déroutants :) et ce n’est qu’après plusieurs échecs que les petits riens qui font toute la différence s’acquièrent : sortir les ingrédients du frigo bien avant pour qu’ils soient tous à la même température, trouver la vitesse adaptée à l’ustensile utilisé pour battre, le bon récipient, etc.

Comprendre et mémoriser la bonne information, la bonne méthode, la bonne attitude, rien de plus simple. Savoir mettre en pratique est une tout autre difficulté. D’autant plus que l’envie de faire « à sa façon » est inévitable !

Il n’y a qu’en expérimentant toutes les variations si tentantes (ces petits riens qui changent tout) que se fait véritablement l’apprentissage, l’appropriation (faire sien) des savoirs.

Le Digital Learning permet justement de faire, de re-faire, de re-re-faire autant de fois que désiré et nécessaire pour passer de la compréhension à l’acquisition. Il est donc inutile (voire contreproductif) de ne favoriser et récompenser que la réussite, donner le droit à l’erreur, inciter à expérimenter, se tromper, corriger, recadrer, accompagner vers la réussite est une bien meilleure voie.

 

L’autonomie

La plus forte des clés de l’engagement n’est pas la dimension sociale d’un dispositif de formation, mais l’autodétermination.

Dans le cas d’une formation obligatoire, l’autodétermination est souvent absente, et se sont plutôt les contraintes externes (obligations, injonctions, récompenses…) qui prennent le dessus. Mais pour toutes les autres, il faut favoriser l’autodétermination par un contexte propice, des enjeux motivants, une réponse à un besoin réel, la reconnaissance des progrès…

C’est en rendant les apprenants autonomes et responsables de leurs formations que l’engagement est le meilleur. Attention, autonomie ne veut pas dire isolement ou solitude, car ne pas se former seul, aider et être aidé par les autres contribue également fortement à la réussite des formations.

 

  1. Merci Pierre (Monclos) pour cette jolie proposition.

 

« La formation est essentiellement humaine et essentielle à l’humain. » — Claude LÉVI-STRAUSS

 

 

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