Le Digital Learning se porte bien, très bien même si l’on en croit les grands sourires affichés lors des derniers salons. Les offres n’ont jamais été aussi alléchantes, le marché semble mûr et les acteurs confiants. Alors tout va bien dans le meilleur des mondes ? Les nouveaux concepts sont-ils réellement matures ou bien la réalité est-elle un peu plus nuancée ?
L’intelligence artificielle
Le discours : elle est méga puissante, elle apprend vite, elle va dépasser les humains, elle va être partout et surtout, elle va remplacer le support et le tutorat de premier niveau.
La réalité : les Chatbots dont on nous promet l’arrivée imminente sont rares et sont pour l’instant souvent de simples robots conversationnels donnant accès à des bibliothèques de FAQ ou de quiz. Certains reposent parfois sur des algorithmes complexes (dont l’apparition remonte à 1950 tout de même), mais très peu voire pas sont réellement propulsés par du machine-learning et du deep-learning. Même Apple avec ses moyens colossaux est à la peine avec Siri qui ne sait toujours pas expliquer comment on calcul PI.
Et demain : la puissance de l’IA repose principalement sur l’analyse d’une masse énorme de données. L’intelligence artificielle en formation n’aura réellement de pertinence qu’avec une accumulation d’une très grande quantité d’interactions avec les apprenants, mais surtout des agents intelligents (comme DeepMind) capables d’en déterminer le sens. Les grands acteurs devront donc s’associer avec les GAFAM pour avoir accès à des outils réellement performants.
Gamification
Le discours : c’est la clé de la motivation et de l’engagement, elle peut rendre passionnant n’importe quel sujet, elle repose sur des principes qui marchent à tous les coups.
La réalité : la gamification n’est pas une recette de cuisine inratable, ou un topping magique qu’il suffit de déposer sur une formation pour la rendre attractive et addictive. Elle est plus riche et donc plus complexe que de simples badges, ou des battles. Même si ces deux principes sont efficaces, ils ne sont pas suffisants pour gagner à coup sûr.
Et demain : sans être une science, la Gamification nécessite d’être maîtrisée et intégrée totalement dans le dispositif de formation et surtout d’être ajustée finement pour être réellement efficace. Elle repose sur des stratégies, des scénarios, des ressorts cognitifs qui actionnent les leviers de la motivation. Comme l’UX, elle va devenir une compétence attendue et nécessaire pour dépasser le boring learning.
Adaptive learning
Le discours : les formations vont devenir personnalisées, elles vont s’adapter à votre façon d’apprendre et augmenter leur efficience.
La réalité : peu de technologies sont réellement matures. Le moteur d’Ancrage Mémoriel © de Woonoz est l’un des plus sophistiqués et performants, et garantit une réelle augmentation du taux de mémorisation à long terme, mais on ne peut tout de même pas (encore) parler de formation totalement personnalisée.
Et demain : au-delà du macro adaptive, (c’est à dire la sélection et l’ordonnancement personnalisé des modules constituant un parcours individuel de formation), c’est bien dans le micro adaptive (la personnalisation du contenu même de chaque grain d’apprentissage) que l’adaptive learning apportera sa réelle contribution dans l’amélioration de la performance des dispositifs. Il devra également s’approprier les principes du NeuroLearning.
Mobile-learning
Le discours : le taux d’équipement approche les 100 %, la majorité des accès web se fait depuis un mobile, le micro learning est très efficace, les principaux freins sont levés.
La réalité : à part les grands comptes qui ont pratiquement tous fait au moins une expérimentation réussie du mobile-learning, quelle est l’offre standard réellement accessible à monsieur tout le monde ? Quant aux outils permettant de développer de véritables contenus mobile learning, ils se comptent plutôt sur les doigts d’une main de Mickey.
Et demain : conscients que c’est plutôt la demande qui crée l’offre, les principaux opérateurs se mobilisent fortement pour convertir leur catalogue de contenus et rendre leurs outils compatibles avec les usages et les terminaux mobiles, et seuls ceux qui proposeront une vraie expérience mobile tireront leur épingle du jeu.
Blended Learning
Le discours : C’est l’avenir de la formation, il réunit le meilleur des 2 mondes, c’est la porte d’entrée du Digital Learning.
La réalité : La mise en œuvre de blended learning est encore compliquée, car très peu de plateformes LMS le gèrent totalement, et c’est bien souvent simplement une alternance hétéroclite d’activités en salle et à distance.
Et demain : L’appétence des utilisateurs et l’ouverture à de nouveaux modes d’apprentissage vont entraîner une hybridation naturelle des parcours de formation. La généralisation des ingénieries multimodales de formation et pédagogiques va permettre de concevoir et produire des parcours blended riches, homogènes et cohérents.
MOOC
Le discours : les MOOC sont le format d’avenir de la formation, ils apportent le volet communautaire et social qui manquait au e-learning. Le format vidéo-expert humanise la formation. Le modèle économique souple et ouvert démocratise l’accès à la formation.
La réalité : le format est séduisant, l’offre est très importante et plutôt de qualité. Le format assez uniforme et répétitif n’arrive cependant pas à s’imposer comme le nouveau standard de la formation à distance. Le modèle économique basé sur la vente d’attestation arrive difficilement à financer les coûts de développement de MOOC de qualité.
Et demain : les MOOC vont s’enrichir d’activités pédagogiques plus variées, les vidéos pédagogiques tournées sur fond vert vont devenir plus riches, plus vivantes et vont perdre de leur monotonie. Les MOOC deviendront le fil conducteur des formations blended.
xAPI
Le discours : xAPI permet le tracking d’activités pédagogiques informelles (activités sur les réseaux sociaux, la consultation de vidéos,…) et permet de dissocier les données et les outils par l’apparition des LRS.
La réalité : les grands éditeurs de LMS ou d’outils auteurs ont fait l’effort d’intégrer les bases d’xAPI dans leurs outils, mais les éditeurs de contenus n’ont pas encore franchi le cap d’xAPI, l’offre standard étant très faible, seuls quelques projets sur mesure ont mis en œuvre xAPI, la déferlante annoncée se fait autant attendre que SCORM à son heure.
Et demain : l’intérêt principal d’xAPI étant de pouvoir intégrer aux données de formation formelles les activités informelles, le signal de départ d’xAPI viendra d’un acteur majeur et externe au monde de la formation. Si Microsoft implémente xAPI dans Yammer ou Google dans YouTube, alors le coup d’envoi sera enfin donné.
UGC
Le discours : le web 2.0 a donné la parole aux utilisateurs en leur donnant des outils pour produire et des espaces pour publier leurs propres contenus (blog, vidéo, wiki,…). L’avenir est dans le User Generated Content en complément des contenus proposés par les éditeurs.
La réalité : le monde de la formation a la fâcheuse tendance à penser que les grands courants du marketing sont transposables dans les pratiques pédagogiques. Force est de constater que le décalage temporel est important. :)
Et demain : quand les jeunes générations rodées à l’auto-production de vidéos et aussi à l’aise avec leur Smartphone qu’avec un BIC viendront grossir les rangs des entreprises, alors oui, nous pourrons passer du simple enrichissement des parcours par des commentaires textuels à de vrais contenus pédagogiques proposés par les utilisateurs eux-mêmes.
XR
Le discours : la Réalité Virtuelle, et la Réalité Augmentée permettent de proposer aux apprenants des activités immersives nouvelles, riches et ouvrent la voie à des simulations performantes et impactantes.
La réalité : les casques de réalité virtuelle sont encore rares, un peu lourds et chers. Les supports dans lesquels il faut insérer un Smartphone n’ont pas un confort suffisant pour des sessions de longue durée. Les outils auteurs, bien que de grande qualité, sont encore plus rares que les outils de Mobile-learning.
Et demain : les grands opérateurs (Apple, Samsung, Microsoft, Google, Facebook…) investissent massivement dans la XR, les usages vont rapidement se démocratiser et les équipements s’alléger, se perfectionner, et leur coût va baisser.
Startups
Le discours : les jeunes pousses apportent un regard neuf sur un monde vieillissant. Elles cassent les codes, proposent des idées disruptives, et bousculent les acteurs historiques.
La réalité : agiles, rapides, dopées par des levées de fonds, les Startups de la Edtech misent sur des formats innovants, sur la technologie et les tendances digitales. Attention toutefois à ce qu’elles ne soient pas de simples incinérateurs de cash, mais soient capables de construire des business model pérennes et rentables.
Et demain : croquées par de grands acteurs, ou récompensées par des croissances rapides, elles vont réellement bousculer le paysage de la formation en donnant un bon coup de vieux aux modèles historiques.
« Je vois beaucoup de digital dans l’avenir de la formation » — Marcel Belline