Le potentiel des sciences cognitives est énorme si l’on sait tirer parti de leurs enseignements sur le cerveau des très jeunes enfants et transposer tout ce corpus de connaissances. Que sait-on, précisément ? S’il fallait ne retenir qu’une seule découverte majeure pour ces dix dernières années, explique le professeur Dehaene, c’est que le cerveau, dès l’enfance, est intrinsèquement très organisé. Il contient d’emblée ce qu’on pourrait nommer des algorithmes, et l’apprentissage proprement dit ne fera que les activer et les recycler pour des usages culturels et scolaires. La remarquable plasticité du cerveau humain le rend habile, à tout âge, à apprendre. Encore faut-il savoir en tirer parti. C’est ici que les neurosciences ont leur mot à dire.
À la lumière de ces découvertes, ce que nous apprennent les neurosciences rejoint et étaie les sciences de l’éducation. On comprend notamment pourquoi la « méthode globale » d’apprentissage de la lecture est condamnée à ne pas bien fonctionner. En effet cette dernière attend de l’enfant qu’il reconnaisse un mot entier – « chaise », « vache », « lapin » – et non ses composantes autonomes, associations de graphèmes et de phonèmes, que l’enfant devra décomposer en lettres et en sons. Or ce sont bien sur ces segments, à commencer par les lettres, que travaille le cerveau, quand il mobilise ses algorithmes de reconnaissance des visages. Le « b a ba » dont on s’est tant moqué est ce qui permet le mieux d’activer et de recycler les zones cérébrales adéquate
Avec l’imagerie médicale, on a pu vérifier que l’apprentissage était optimal lorsque l’on alternait acquisition de connaissances et test répété de celles-ci – ce à quoi se prête bien la structure du jeu. Par exemple une période de huit semaines sanctionnée par un test final intériorisera les connaissances de manière bien plus hasardeuse qu’avec un test toutes les deux semaines. Il est essentiel de se tester – de faire tourner le modèle : pour savoir si oui ou non on a compris, et réaliser, le cas échéant, que l’on ne sait pas. Ce qui est en quelque sorte le meilleur des apprentissages. On parle alors de métacognition – une cognition qui est allée par-delà l’échec et l’a transformé en succès éprouvé. Le cas le plus simple étant celui d’un enfant qui empile un tas de cubes : la durabilité, ou la chute, de l’empilement informeront en retour son cerveau sur la pertinence de ses prédictions. Feedback et répétition sont essentiels pour fixer un savoir ou un savoir-faire.
Que retenir de ce parcours ? Tout d’abord que notre cerveau est structuré, dès la naissance, ce qui nous confère des intuitions profondes, il est doté de puissants algorithmes d’apprentissage que pour l’instant personne n’a été capable de dupliquer dans une machine. A lire de toute urgence.
Repéré depuis Les quatre piliers de l’apprentissage – Stanislas Dehaene