L’insertion des objets numériques notamment dans les dispositifs de formation transforme lentement, insensiblement mais sûrement les gestuelles des acteurs de l’éducation, alors même que dans la vie quotidienne les transformations ont été radicales et rapides. Ce constat n’a de sens qui si l’on est capable de l’intégrer dans un ensemble plus large, celui des processus de transmission des savoirs. Le geste est constitutif de la professionnalité des enseignants, de leur posture. En investissant son lieu de travail l’enseignant adapte ses gestes par un processus de plasticité professionnelle. Le geste investi l’espace, l’espace organise le geste. En se déplaçant, en restant immobile, en activant nos bras, en articulant nos mains et nos doigts, en adaptant la posture de nos corps, nous ne faisons rien d’autres que d’habiter le lieu.
Apprendre et enseigner c’est habiter un (des) lieu[x]. À l’intérieur de ceux ci des gestes sont déployés, ils sont la dimension de la posture professionnelle, qui est elle même est la dimension d’habiter son métier.
Quelle est l’étymologie du verbe habiter ? Mon travail m’a amené à lire une thèse de médecine de Lucie Girardon, soutenue le 25 janvier 2011 à l’Université Claude Bernard Lyon 1, intitulée « La place de l’ « habiter » dans le corpus psychiatrique contribution à une approche historique clinique et institutionnelle » [1]
Habiter est une spécificité humaine, ce que Martin Heidegger définit comme une « condition de l’homme »
– «L’habiter peut être abordé comme un des fondements qui permettent de penser l’essence de l’homme, en ceci qu’il n’y a que l’homme qui habite. Et ce, depuis qu’il y a de l’homme» « A l’origine bauen veut dire habiter. (…) Le vieux mot bauen, auquel se rattache bin, nous répond : «je suis», «tu es», veulent dire: j’habite, tu habites. La façon dont tu es et dont je suis, la manière dont nous autres hommes sommes sur terre est le buan, l’habitation. Être homme veut dire: être sur terre comme mortel, c’est-à-dire: habiter [ 3].»