On parle de tectonique des plaques, de tremblement de territoires, de changement de paradigme, de grand switch dans l’organisation de nos sociétés et voici que l’univers bien clos de la classe (n’évoquait-on pas en France il n’y a pas si longtemps une école sanctuaire construite sur des fondamentaux ?) se renverse avec ce « nouveau » concept de « Flipping class ». Cette appellation, qui se traduit à peu près par « formation inversée » trouve son origine dans les expérimentations pédagogiques de deux professeurs de chimie d’une université du Colorado il y a 4 ans, Jonathan Bergmann et Aaron Sams, qui ont d’abord mis en ligne l’enregistrement vidéo de leurs démonstrations et exposés de cours avantles séances de travail en classe (le « prévodcasting » : contraction des mots videoet podcast), puis véritablement une #formation inverse, c’est à dire tous les contenus de cours, sous forme le plus souvent de vidéos, mêlés à un temps de classe exclusivement consacré à des projets en groupe, à des échanges avec l’enseignant et entre pairs et à des travaux pratiques.
Eric Sanchez, dans son blog Subprebtice parle dans un billet récent de « composer avec un environnement pédagogiquement hostile ». Inutile de développer à l’excès : tables mastodontes, rangs d’oignons, impossibilité de créer des conditions décentes de projection (pas de rideaux), vidéoprojecteur pas toujours installé au préalable, absence d’enceintes audio pour les cours de langues, quant on n’aborde pas le problème délicat des mauvaises connections wi-fi, des autorisations casse-têtes pour accéder au réseau. La plupart des salles de classe sont des défis au prof Web 2.0 ! Quant aux salles TICE qui portent encore souvent le nom de salles informatiques, elles tiennent en effet davantage de la salle de travaux pratiques de #technologie, avec de gros postes vétustes bridés par des administrateurs de réseau zélés. Du coup une séance qui pourrait servir à un #apprentissage large sert uniquement à un apprentissage de compétences… technologiques. La classe, c’est encore souvent un animal optimisé pour ses défenses à la vraie vie du dehors, qui n’a pas su évoluer et qui, on ne sait trop pourquoi, a survécu à la sélection naturelle… Il est donc fort peu étonnant que l’enseignant qui a envie d’avancer s’arrache à la force d’inertie des lieux et reporte une partie du temps de travail et d’échange avec la classe dans un espace libre.
L’idée de “#classe inversée” n’est pas comprise de la même façon, selon que l’on a un profil d’enseignant plus traditionnel ou plus “constructiviste”. Comme le dit cet enseignant très actif sur son blog “My Idea of Flipping my classroom”, l’idée est séduisante pour ceux qui ne font pas de la conférence ou du cours magistral le coeur de leur travail : “La majorité des temps de classe sont consacrés à des travaux de groupe et à du travail individualisé au rythme de chacun. Je ne peux parler longtemps parce que croyez-moi, si j’ai le malheur de trop parler, ils me le font savoir !“. L’enregistrement de séquences vidéos à consulter à la maison permet de revenir sur certains points abordés trop vite, de reprendre des aspects plus compliqués à assimiler. Dans ce cas, les connaissances à transmettre sont regardées à la loupe, en fonction d’un public dont on connait les difficultés spécifiques, et non pas administrées par unités formatées.
Bref, si l’idée de renversement est très photogénique et transmet beaucoup d’énergie à la communauté des éducateurs, elle est un peu comme une auberge espagnole, chacun y apporte ce qu’il a déjà !
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