Imaginons un monde sans images vidéo, sans télévision, sans cinéma, ou encore sans écran. Impossible. La vidéo fait partie de notre vie et nous ne saurions nous passer de notre ration quotidienne d’images. Récit, fiction, documentaire, interview, pubs, clips, sport, débats, JT, captation de direct, les formats grands publics sont multiples. Quand KHAN fait un festival avec son Academy et que TED ne s’endort pas sur l’oreiller mais tisse sa toile mondialement, la formation est animée, à dessein. Quels usages ? Quel impact ? Projection privée des usages de la vidéo en formation.
1.
PANORAMA DES FLUX VIDEO : DÉTOUR VERS LE FUTUR
La durée des vidéos est plus courte. On estime à environ 5 minutes la durée optimale maximale d’une vidéo dans un MOOC, par exemple. En revanche, le volume de vidéos produites et diffusées via le net est en constante augmentation. Une projection de Cisco dans son étude « Visual Networking Index (VNI) » sur la période 2015-2020, prévoit que 82 % du trafic IP mondial sera sous forme vidéo en 2020 (contre 70 % en 2015).
Extrait de l’étude Cisco en image :
Selon cette même étude, en 2020, il faudrait plus de 5 millions d’années à un internaute pour visionner l’ensemble du flux vidéo qui transitera via le net en un mois.
Le taux de croissance de la vidéo sur mobile sur la période 2015-2020 sera supérieur à celui des vidéos en ligne ou via la télévision digitale. Parmi les typologies de vidéos dont le flux va croître de façon spectaculaire, la réalité virtuelle, multipliée par quatre en 2015, devrait afficher un taux de croissance annuel moyen de 127 %.
Si les chiffres restent à considérer avec prudence, la prospective n’étant pas une science exacte, la tendance est riche d’enseignements. Cette tendance pose tout l’enjeu de la vidéo comme canal majeur d’information, de communication et donc de formation dans les années à venir.
2.
THE « PICTURE SUPERIORITY EFFECT »
Parlons mémoire… 60 % de la population mondiale est à dominante visuelle pour 30 % à dominante auditive et 10 % à dominante kinesthésique. Au-delà du poids des mots, c’est bien le choc des photos qui crée le meilleur ancrage mémoriel pour la majorité d’entre nous.
C’est ce que l’on appelle le « Picture superiority effect ». Difficile devant une telle suprématie de la mémoire visuelle de se passer d’une explication en image :
Attention, ce chiffre ne signifie pas qu’il faille tout miser sur la vidéo pour un apprentissage donné. Mixer les formats (vidéo, son, texte) permet de jouer sur les différents leviers cognitifs des apprenants.
3.
PROFONDEUR DE CHAMP… PÉDAGOGIQUE
Les études prospectives sur les flux vidéos, la prégnance de la mémoire visuelle et l’arrivée des « digital natives » (cette génération née avec Internet qui utilise Youtube comme un moteur de recherche et qu’on ne présente plus) en entreprise ne suffisent pas à légitimer l’utilité et l’efficacité de la vidéo en formation.
Les sciences de l’éducation, se penchant sur le berceau de la vidéo pédagogique, ont mis en évidence ses nombreux atouts en matière d’éducation et de formation. Dans un article de 2005, “Meaningful learning with digital and online videos : theoretical perspectives”, le finlandais P. Karppinen met en évidence l’utilité de la vidéo en formation pour un « apprentissage significatif » (meaningful learning) défini comme « actif, individualisé, collaboratif et conversationnel, contextualisé, guidé et émotionnellement engageant et motivant ».
L’effet démo…
La vidéo est un support adapté pour démontrer une théorie, décortiquer un processus, analyser les phases d’une opération. L’apprenant aura plus de facilités à retenir une suite d’opérations logiques ou de concepts abstraits si le formateur appuie ses explications d’une démonstration filmée.
D’un point de vue cognitif, l’usage d’images est un atout en matière d’ancrage mémoriel.
No limit
Plonger à l’intérieur du corps humain, se poser sur la lune, explorer des endroits dangereux ou inaccessibles… La dimension expérimentale de la vidéo est indéniable. Disposer de séquences filmées illustrant ces situations d’apprentissage garantit, outre la sécurité de l’apprenant, une meilleure appropriation des éléments descriptifs, l’acquisition d’un savoir-faire ou savoir-être dans des situations à risques, etc.
Une façon également pour le formateur de contextualiser ses apports pédagogiques.
D’une seule voix
La vidéo utilisée pour former à grande échelle l’ensemble des collaborateurs d’une entreprise sur des notions de culture d’entreprise ou de procédures internes, par exemple permet de s’assurer de la cohérence et de la fidélité du message originel. Le support vidéo permet alors d’éviter une quelconque interprétation ou déformation par des collaborateurs chargés de délivrer l’information aux équipes.
Bis repetita
Mixer les formats pédagogiques (texte, son, image) pour répéter périodiquement un même message renforce l’ancrage mémoriel par un processus de réactivation des connaissances chez l’apprenant. Les images de la vidéo peuvent être reprises par mail, dans des opérations de team building, déposées sur l’intranet, insérer dans les supports remis aux stagiaires pour une meilleure mémorisation…
Les vidéos utilisées en formation à distance possèdent en outre cette souplesse permettant à l’apprenant de les visionner à son rythme et autant de fois qu’il le souhaite.
Engagement de l’apprenant
Sur le plan affectif et motivationnel, la vidéo apporte à la formation une réelle valeur ajoutée. Par exemple, fournir aux apprenants un sifflet pour siffler les fautes et erreurs dans les situations visualisées au travers de la vidéo renforce l’attention et l’implication.
De même, deux enseignantes québécoises, Isabelle Cabot et Marie-Claude Lévesque, ont tenté l’expérience de corriger en vidéo (par enregistrement commenté de leur écran), les devoirs du cours de « renforcement en français » de leurs élèves.
Extrait en 3’15 :
Au terme de l’expérience, les deux enseignantes ont noté l’intérêt des élèves pour ce type de correction. Leurs corrigés étaient d’avantage lus que lors de la remise d’une copie papier annotée. Les commentaires oraux, plus détaillés qu’à l’écrit et plus accessibles en terme de compréhension, ont renforcé le sentiment d’utilité de la correction chez les élèves et la prise de conscience de l’amélioration de leurs compétences après avoir écouté et regardé la correction. Enfin elles ont pu apprécier les bénéfices en terme d’engagement des étudiants dans le cours en général et de qualité de la relation pédagogique élèves-enseignant.
Le champ des possibles de la vidéo en formation est presque infini. Mais pour être efficace et favoriser un transfert de connaissances et de compétences, la vidéo doit être intégrée dans un parcours apprenant scénarisé, répondre à des objectifs clairement définis au départ. Selon le public cible et l’objectif, sa qualité devra également être soignée.
De même, quelques termes techniques ou chiffres affichés sur l’écran peuvent enrichir l’image.
4.
DU « TUTO » À LA VIDÉO PÉDAGOGIQUE
S’adresser sur un ton direct à l’apprenant crée une relation de proximité à même de mieux capter l’attention.
Le cas échéant, pensez à afficher l’identité de l’intervenant.
Cahier des charges
Le cahier des charges est variable selon l’objectif visé, le public cible et le matériel utilisé. De façon générale, pour la réalisation d’une vidéo par un professionnel, vous trouverez un guide de production enrichi de modèles de synopsis, de story-board ici :
https://www.usherbrooke.ca/ssf/fileadmin/sites/ssf/documents/pdf/guide_production_video_numerique.pdf
Du « tuto » Youtube à la vidéo pédagogique, il y a une stratégie et un mode opératoire. Comme pour toute ressource pédagogique, l’utilisation de la vidéo doit correspondre à un objectif clairement défini, les scènes doivent être contextualisées, les images commentées pour une meilleure mémorisation et une bonne compréhension.
Définir l’objectif
Définir l’objectif pédagogique de la vidéo constitue la première étape. Cette définition permettra en outre de l’intégrer dans le déroulé pédagogique de la formation. Enfin connaître l’objectif précis déterminera les moyens techniques à engager, le matériel donc. Par exemple, la vidéo de formation destinée à transférer un savoir ou un savoir-faire nécessitera une plus haute qualité d’image alors que la vidéo produite par l’apprenant pour répondre à un exercice pourra se contenter d’un Smartphone.
De même une définition fine de l’objectif permettra de présenter le contexte dans lequel les connaissances acquises à l’issue de la séquence de formation basée sur la vidéo peuvent être utilisées.
Enfin, bien cerner la cible d’apprenants, son niveau d’expertise, sa classe d’âge ou son hétérogénéité va conditionner la durée, l’approfondissement…
Scénariser l’utilisation
La vidéo en formation fait partie d’un parcours apprenant scénarisé. Le positionnement de sa diffusion dans le temps de formation est fondamental. De même que les activités pédagogiques associées à cette diffusion : exposé didactique, débat entre apprenants, évaluation…
Renforcer l’image
Une vidéo visant à détailler un processus ou un mode opératoire sera plus riche de sens avec un commentaire en voix off ou une incrustation pour expliciter la méthode ou les étapes.
CLAP DE FIN
La vidéo en formation tend à se développer. Elle permet :
- d’engager plus intensément l’apprenant ;
- d’illustrer un propos, de donner un exemple ou un contre-exemple parlant ;
- de renforcer l’ancrage mémoriel ;
- de réduire le temps nécessaire pour faire passer un message ;
- une utilisation multicanal et multisupport (réutilisation des images par mail, diffusion sur l’Intranet…) qui rentabilise la production de la vidéo.
Difficile d’imaginer l’avenir de la formation sans la vidéo !