1. Êtes-vous dans la norme ?

2. Du tourne-pages aux interactions pédagogiques et sociales

3. xAPI et Cmi5 : faut-il choisir entre la liberté et l’efficacité ?

CONCLUSION

Depuis 1998 et la mise au point de la première norme « AICC » pour la formation par ordinateur des personnels de l’industrie aéronautique, les standards techniques visant la structuration des contenus de formation, la collecte et l’exploitation des données d’apprentissage et l’interopérabilité des LMS, ont évolué. Cette première tentative de structuration n’a pas survécu aux mutations et à l’essor du e-learning même si nombre de LMS sont aujourd’hui encore compatibles avec cette norme. SCORM, qui a pris sa suite en 2001, est encore largement utilisée quand ses challengers, xAPI et cmi5 mis au point au cours de la dernière décennie, commencent tout juste à s’installer dans le paysage de la formation online. Cette nouvelle génération est portée par l’évolution des outils, des pratiques, la diversité des activités formatives et la salutaire réorientation learner centric de la pédagogie.

Si elles constituent parfois un volet complexe à appréhender pour les équipes pédagogiques, les normes ont le mérite de fournir un cadre qui impose la rigueur dans la structuration d’une formation au travers notamment d’une qualification soigneuse des contenus, de la scénarisation et du séquencement pédagogique indispensables pour un parcours pleinement orienté vers l’apprenant. Ces éléments sont autant de réflexes indispensables pour industrialiser les process de création, de gestion et d’exploitation des ressources pédagogiques. Ils servent en outre le principe de formation ATAWADAC (Any Time, AnyWhere, Any Device, Any Content).

Tour d’horizon des spécificités, atouts et freins de trois grands standards du digital learning…

1.
Êtes-vous dans la norme ?

Une norme est un « cadre de référence qui définit des lignes directrices, des prescriptions techniques ou qualitatives pour des produits, services ou pratiques au service de l’intérêt général. » La norme émane généralement d’un organe officiel de normalisation. En e-learning, si le terme de norme est largement employé, il serait plus juste de parler de standard, c’est-à-dire d’un ensemble de recommandations édictées et promues par un groupe qualifié d’utilisateurs.

En matière de digital learning et suivant le standard considéré, l’objectif vise notamment le partage de ressources entre plusieurs environnements autrement dit l’interopérabilité des contenus sur les LMS mais également l’interopérabilité des contenus entre eux, le tracking des actions de l’apprenant pour une personnalisation des parcours et le packaging de contenus pour créer une formation adaptable et sur-mesure.

Il existe de nombreux standards en digital learning, que l’on s’intéresse aux contenus, aux quiz… Parmi les standards les plus importants, trois sont particulièrement utilisés aujourd’hui :

  • SCORM, le standard historique actuellement largement accepté par les LMS du marché ;
  • xAPI, dont la flexibilité permet de prendre en compte de nombreuses actions online et offline de l’apprenant que SCORM ne peut pas gérer mais qui nécessite le recours à un LRS (learning record store) pour communiquer avec le LMS ;
  • et cmi5, qui se veut un pont entre SCORM et xAPI : le meilleur des deux mondes en quelque sorte.

Là où SCORM permet de justifier de l’assiduité, de l’échec ou du succès et de la complétion et facilite la portabilité des ressources pédagogiques d’une plateforme LMS à une autre, xAPI ouvre le champ des possibles en diversifiant les données récoltées et les situations dans lesquelles ces données sont collectées (online mais aussi offline). Ce standard constitue, entre autres, un support aux learning analytics. Le modèle de données xAPI répond ainsi aux besoins des analyses descriptive, diagnostic et prédictive qui soutiennent l’adaptive learning. Quant à cmi5, il vise à encadrer et à simplifier le modèle de données xAPI en conservant la flexibilité qui fait tout son intérêt.

2.
Du tourne-pages aux interactions pédagogiques et sociales

Depuis les débuts du e-learning à la fin du XXe siècle, l’autoformation a vécu et avec elle, les modules en forme de « tourne-page » qui transformaient la distance en isolement de l’apprenant.

Apprendre à distance aujourd’hui revient (ou au moins devrait tendre) à recréer au travers de l’interactivité des ressources multi-formats (serious-game, vidéos, textes enrichis, réalité augmentée), des parcours adaptés (au niveau et à la progression individuelle via les algorithmes d’adaptive learning, par exemple) et des interactions sociales (social-learning, classes virtuelles, apprentissage entre pairs), un écosystème pédagogique engageant. Cet écosystème vise à responsabiliser l’apprenant et à le rendre pleinement acteur de ses apprentissages.

Au niveau accessibilité, là encore, l’évolution des habitudes de navigation a poussé les équipes formation à proposer des connexions sur l’ensemble des terminaux (desktop, tablettes, smartphones) dont sont désormais équipés la quasi-totalité des Français. La mobilité et le télétravail érigés en norme depuis plusieurs mois ont encore accéléré la tendance.

Dans ce contexte, SCORM a montré ses limites et ses faiblesses qui peinent désormais à se voir compenser par sa simplicité d’implémentation au regard des standards plus récents comme xAPI.

Favoriser la communication et renforcer le sentiment de présence à distance, mixer les modalités (synchrone, asynchrone, présentielle) nécessite une infrastructure technique permettant d’identifier toutes les actions de l’apprenant dans son environnement LMS comme dans un environnement web extérieur (suivi de webinaires, consultation de contenus et curation web…) voire un environnement présentiel (sessions de regroupement ponctuelles, on the job learning…).

La structuration des données et les spécifications fonctionnelles et techniques de l’infrastructure peuvent s’appuyer sur de nouveaux standards plus flexibles. C’est également une nécessité pour développer des parcours en adaptive learning à partir des analyses de données collectées et pour assurer une continuité pédagogique online et offline. L’apprenant qui commence sa formation online au bureau sur son PC doit pouvoir poursuivre avec ou sans connexion internet sur son smartphone dans les transports puis reprendre son parcours sur son ordinateur personnel chez lui en télétravail sans perdre ses données d’avancement, ses résultats aux évaluations, ses échanges avec la communauté apprenante…
Sa proactivité via une participation à des évènements online ou présentiels doit également être valorisée dans son parcours.

Tous ces paramètres sont autant d’éléments qui guident la conception pédagogique et la structuration des parcours. Le service formation ou l’organisme de formation a besoin de données sur lesquelles s’appuyer pour répondre aux attentes individuelles et collectives des apprenants, fournir un support d’analyse aux fonctions tutorales, ajuster le parcours au profil de l’apprenant…

3.
xAPI et Cmi5 : faut-il choisir entre la liberté et l’efficacité ?

xAPI (Expérience API) a été développé pour incarner l’expérience apprenant dans la diversité de ses situations d’apprentissage. Elle permet de collecter des données sur les différentes activités online et offline citées précédemment, d’un apprenant ou d’une communauté d’apprenants. Lorsqu’une activité a été définie comme devant être enregistrée, l’application envoie une « déclaration » (Statement en anglais) au LRS. Ce LRS peut être autonome ou intégré à un LMS. Ces données collectées peuvent être partagées avec d’autres LRS puisque le format et la structuration des données suivent des spécifications répondant au standard xAPI. Elles peuvent également être envoyées vers un LMS.

Le format des « déclarations » respecte une grammaire précise. En français, une phrase affirmative simple se compose d’un sujet, d’un verbe et d’un complément. Dans le format xAPI une déclaration se compose systématiquement d’un Utilisateur, d’un Verbe et d’un Objet. En revanche le vocabulaire (notamment les verbes acceptés) n’est pas contraint. Cette liberté constitue toutefois une des problématiques d’implémentation de xAPI : trop de liberté peut-elle nuire à l’efficacité ?

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Eric Dubois est un apprenant, inscrit sur un parcours de formation.
Son parcours se compose de modules comprenant des ressources asynchrones variées (vidéos d’experts, podcasts, textes, saynètes de mise en situation…), des classes virtuelles, des liens vers des ressources externes, un intranet contenant des retours d’expérience de ses collègues sur le télétravail, des évaluations formatives et sommatives…

Quelles activités d’Eric souhaitez-vous suivre ?

  • La consultation des ressources sur le LMS : en reprenant la grammaire spécifique, Utilisateur + Verbe + Objet, on obtient dans le cas présent :
    Eric Dubois + a visionné + le module 1 sur le LMS
  • La consultation de ressources sur le web :
    Eric Dubois + a regardé + une vidéo sur Youtube
  • L’activité de curation au sein de la communauté apprenante :
    Eric Dubois + a partagé + un article sur le forum
  • La réalisation des évaluations
    Eric Dubois + a réalisé + le quiz d’évaluation du module 1
  • Les rendez-vous avec le tuteur
    Eric Dubois + a pris rendez-vous + avec son tuteur

En la matière « Sky is the limit » mais attention à ne pas partir dans tous les sens pour se retrouver noyé sous une pluie de données qu’il faudra ensuite exploiter pédagogiquement. A chaque instruction, doit correspondre un objectif (pourquoi est-il nécessaire de suivre cet indicateur ?) et une action (que va-t’il se passer si Eric Dubois a pris rendez-vous avec son tuteur plus de 3 fois, par exemple ?).

” Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde “

Cette phrase d’Albert Camus pourrait résumer la difficulté qui résulte de la flexibilité d’xAPI. En l’occurrence, le problème avec xAPI porte plus sur les verbes que sur les objets.

La flexibilité et la liberté de tracking d’xAPI en fait un socle structurant majeur pour les learning analytics et l’adaptive learning. Mais cet atout peut se révéler un frein et présenter des difficultés d’implémentation si toutes les déclarations ne sont pas enregistrées ou le sont incorrectement ou encore si elles utilisent des verbes différents pour désigner la même action. En effet le risque est de freiner l’interopérabilité par l’emploi d’un vocabulaire non harmonisé. Pour encadrer cette liberté de xAPI et éviter l’écueil de la tour de babel, cmi5 a été mis en place et se développe.

L’objectif de cmi5 est de bâtir des cas d’usage d’xAPI pour encadrer la nomenclature et les verbes à définir, avec pour résultat une utilisation possible d’xAPI dans un LMS traditionnel. On parle de « profils » xAPI.
Autrement dit, des « règles complémentaires » (appelées “profils”) voient le jour pour garantir l’interopérabilité « plug and play » dans un cas d’usage donné entre le contenu d’apprentissage et les plateformes LMS.

Le cas d’usage pour lequel le profil cmi5 est spécifiquement conçu est celui où l’apprenant lance l’activité d’apprentissage depuis l’interface utilisateur du LMS. cmi5 se veut un pont entre SCORM et xAPI.
Des règles d’interopérabilité spécifiques ont ainsi été édictées parmi lesquelles :

  • Lancement du contenu : la plateforme de lancement la plus fréquente est un navigateur web mais les applications mobiles, les objets connectés peuvent également être gérés.
  • Authentification : les informations d’authentification sont fournies une seule fois.
  • Gestion des sessions : une « déclaration » spécifique permet de collecter les détails de la session et les événements saillants intervenus durant la session (réussite/échec ; complétion ; durée ; score).
  • Lancement dans une fenêtre unique : Une fois lancé, le contenu se superpose au LMS qui passe en second plan pour éviter les pop-up. Une fois le contenu consulté par l’apprenant, le LMS réapparaît, sans action supplémentaire nécessaire.
  • Distribution des contenus : alors que SCORM privilégie le stockage du contenu sur le même serveur que le LMS, cmi5 importe uniquement la structure du cours. Les contenus peuvent donc être hébergés sur des serveurs distincts. Les apprenants géographiquement dispersés se connectent automatiquement sur le serveur le plus proche.

Pour finir

Les standards ont été pensés pour répondre à plusieurs objectifs, le principal étant l’interopérabilité des contenus. Avant de choisir de migrer sur un standard ou un autre, il est donc primordial de définir l’objectif visé à court ou moyen terme.

SCORM est un standard historique, facile à utiliser car le plus largement géré par les plateformes LMS. Il peut être une solution pour transformer, dans un délai court, des sessions présentielles en modules distanciels avec des ressources pédagogiques classiques sous forme de textes ou de vidéos. Toutefois à moyen terme, la volonté d’enrichir les dispositifs de serious game, réalité augmentée, d’accroître l’interactivité et le social learning peut se heurter aux limites d’actions prises en charge.

xAPI incarne la flexibilité et la liberté, à la fois dans la conception des parcours et dans leur diffusion. Toutefois il nécessite de définir précisément des indicateurs de performance et des verbes d’action en lien avec les objectifs du tracking. L’étendue des données récupérées ne garantit pas l’exploitation de ces données et leur traduction en actions concrètes. Être capable de déterminer si un apprenant a partagé un contenu ou s’il a réalisé un échange synchrone avec un tuteur ne renseigne pas sur l’impact de ces actions sur la pertinence du parcours dans l’atteinte des objectifs de l’apprenant. Toutes les données doivent être traitées et servir de support à la mise en place d’actions proactives ou correctives tout au long du parcours.

Le standard cmi5 n’est pas à opposer à xAPI puisqu’il en est un protocole d’exploitation et de cadrage pour éviter justement ces écueils de bonne définition des verbes d’action en orientant les possibilités d’xAPI vers des scénarios d’usage classiques mais efficients et diversifiés.

Et demain…
Un projet de R&D, baptisé TLA pour « Total Learning Architecture », est actuellement en cours pour définir les possibilités infinies d’un apprentissage fluide, tout au long de la vie, véritablement partout, tout le temps et par tout moyen.

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« Mené en collaboration avec des parties prenantes de la communauté de la défense, des organismes de normalisation professionnelle, de l’industrie et du monde universitaire, il comprend un ensemble de spécifications techniques, de normes et d’orientations politiques qui définissent une approche uniforme pour l’intégration des technologies d’apprentissage actuelles et émergentes dans un écosystème pédagogique. Dans cet écosystème, de multiples services et possibilités d’apprentissage (de diverses modalités) peuvent être gérés dans un environnement “plug and play” intégré et interopérable. »

Un résumé en 5 minutes de vidéo de ce que pourrait être un véritable écosystème pédagogique dans le monde d’Après…

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