« Les solutions d’hier ne résoudront pas les problèmes d’aujourd’hui. »

À l’ère des IA génératives (IAG), les agents conversationnels, moteurs de génération d’images, d’audios et de vidéos sont-ils en passe de devenir le nouveau bras armé du concepteur pédagogique pour créer des contenus pédagogiques engageants et alignés avec les objectifs de formation et les objectifs pédagogiques, en lieu et place des outils auteur ?

Personnalisation, individualisation, contextualisation, les contenus pédagogiques doivent évoluer et s’ajuster en continu aux besoins spécifiques des entreprises et des services formation et aux attentes précises des apprenants. Le concepteur pédagogique du XXIe siècle sera donc agile et innovant ou ne sera pas. Il en va de même de ses outils.

Pour apporter aux concepteurs l’assistance désormais incontestée de l’IA, la plupart des outils auteurs ont intégré les IA génératives dans leurs solutions.

SOMMAIRE :

1. L’IAG en stand alone ? Oui si…

Oui, il est désormais possible de générer en quelques lignes de prompt ou en quelques échanges vocaux, avec une IAG, des contenus pédagogiques voire des contenus pédagogiques de qualité (on commence ici à dépasser les quelques lignes de prompt).

Mais à condition de… maîtriser suffisamment les techniques de prompt et le fonctionnement des différentes IAG (texte, audio, vidéo, slides)… être capable de juger de la qualité pédagogique des productions des LLM[1]… configurer ses agents conversationnels pour garantir une cohérence, une pertinence et l’homogénéité des différents contenus générés par l’IA… avoir pensé à définir dans ses prompts tous les partis-pris pédagogiques et éditoriaux « maison »… nourrir le modèle de nombre de documents de base sur la pédagogie.
Sur ce dernier point et pour vous en convaincre, essayez de générer des objectifs pédagogiques sans expliquer ou fournir en pièce jointe à ChatGPT la taxonomie de Bloom, vous ne serez pas déçus ! Le LLM n’a aucune idée de la pauvreté des objectifs «  comprendre », « faire » et « connaître » par rapport à la richesse de « analyser », « évaluer », « déployer »… D’ailleurs, il ne comprend pas ce que vous lui avez demandé, il se contente d’utiliser des modèles statistiques pour prédire les mots les plus pertinents qui répondent à votre requête.

Et toute cette méthodologie ne vous épargnera pas l’intégration dans des templates à la charte …

Au final, vous finirez donc sans doute par intégrer tous les éléments produits dans un outil auteur, ne serait-ce que pour garantir l’interopérabilité de vos modules et une génération à la norme Scorm, pour utiliser des templates personnalisés, obtenir des formats de sortie cohérents en termes de durée, de style, de charte, de partis-pris pédagogiques…

Dans ces conditions, autant jouer la synergie gagnante dès le départ et vous dispenser des nombreuses licences unitaires ou business qu’il va falloir acquérir pour chacun des outils d’IA. Les outils auteur, qui intègrent (ou sont en passe d’intégrer) les IAG, ont anticipé les limites des modèles de génération de texte, d’images, de vidéos pour vous proposer le meilleur compromis entre l’ergonomie, la créativité, la véracité et la productivité.

Avant de poursuivre, voici l’évolution sur 1 an de votre ressenti par rapport à l’IA et à ses usages en formation. Nous vous avions interrogés au 1er trimestre 2023, puis au 1er trimestre 2024 sur votre perception de l’IA.

La photo avant/après (les chiffres parlent d’eux-mêmes) :

2. Outil auteur et IAG : quels bénéfices ?

Commençons par le commencement… Qu’est-ce qu’un outil auteur ?

Un outil auteur est une application ou un logiciel conçu spécifiquement pour faciliter la création, la gestion et la publication de contenus pédagogiques. Il offre une interface intuitive et conviviale (on apprécie le drag and drop !) qui facilite, structure, harmonise la conception des ressources pédagogiques. Il propose des templates personnalisables, des formats variés (texte, audio, vidéo..), adaptés à la finalité pédagogique du contenu (apports théorique, opérationnalisation et contextualisation à la situation de travail, évaluation formative ou sommative…).

Mais jusqu’à très récemment, l’outil auteur n’était pas en mesure de générer du contenu. Il adressait la forme mais pas le fond. Avec l’intégration des IAG, c’est la création du fond qui vient enrichir la proposition de valeur, tout en conservant l’interface intuitive et conviviale qui exonère l’utilisateur d’une maîtrise avancée des IAG. En effet, les agents conversationnels intégrés sont déjà configurés et les prompts définis dès le départ. Les fonctionnalités génératives deviennent transparentes pour l’utilisateur.

Un concepteur augmenté ?

Pour le concepteur, l’intégration des IAG dans les outils auteurs offre un gain de temps pour la production de tous les contenus non délivrés par l’expert. On pense notamment aux quiz, au liant pédagogique, aux objectifs et sous-objectifs pédagogiques, aux illustrations, mais également aux traductions, aux adaptations dans des formats alternatifs (pour favoriser l’accessibilité par exemple ou jouer sur les préférences d’apprentissage des apprenants), aux contextualisations pour des cibles spécifiques, des secteurs ou des industries précis, des niveaux…

Il peut alléger la tâche du concepteur lors du travail sur les contenus fournis par l’expert ou l’UGC (user generated content).

L’IAG intégrée peut éviter la redondance des contenus et garantir l’unicité de contenus et de versions. Les doublons altèrent en effet la qualité d’une base de contenus.

On se réjouit enfin d’une actualisation des ressources pédagogiques, facilitée par l’IA et directement intégrée dans l’outil auteur, car on le sait bien, le véritable enjeu réside moins dans la création que dans le maintien et l’actualisation dès que l’on gère un volume conséquent de contenus.

Enfin, la personnalisation des contenus au secteur de l’entreprise, aux profils et aux postes des apprenants maximise l’impact de la formation, en optimisant coûts et délais.

Et pour l’entreprise ?

L’intégration de l’IA générative au sein des outils auteurs permet de rationaliser le nombre d’outils utilisés, avec, à la clé, une économie en termes de licences sur les différentes IAG et de gestion de ces licences, de leur renouvellement et de la validation de la conformité par le service informatique.

Cette rationalisation simplifie l’accès à l’écosystème techno-pédagogique (moins de temps de formation, un onboarding accéléré) et optimise les workflows et l’homogénéité des productions au sein d’une plateforme collaborative augmentée par IA. En outre, une limitation du nombre d’outils et de plateformes réduit l’exposition des données confidentielles.

Le gain de temps de production et de gestion offre naturellement des gains de productivité sur les projets de formation et accélère le time-to-market de l’organisation avec des formations développées et déployées plus rapidement pour s’adapter à l’évolution de ses objectifs.

3. Quelle posture pour le concepteur pédagogique ?

L’intégration de l’IAG dans les outils auteurs marque un tournant dans la posture du concepteur pédagogique. Doté d’un assistant pédagogique, sur le fond (les fonctionnalités IAG des outils auteur) comme sur la forme (les fonctionnalités traditionnelles des outils auteurs), libéré de certaines tâches répétitives et chronophages à faible valeur ajoutée, son rôle peut désormais évoluer vers une prise de hauteur et des missions de véritable chef de projet éditorial. Il devient un chef d’orchestre qui dialogue, via les outils auteur, avec l’intelligence artificielle sans compétence technique particulière, pour co-créer des expériences d’apprentissage personnalisées.

Autant curateur de contenus multi-sources (dont l’IAG, les experts métiers, l’UGC) que producteur, le concepteur, s’il était déjà le garant de la qualité, de l’exactitude et de l’actualisation des contenus développés, doit toutefois plus que jamais :

  • assurer la cohérence éditoriale et l’homogénéité des productions tant au niveau du ton, que du style ou des partis-pris pédagogique,
  • vérifier l’adéquation de chaque ressource et de son format avec le niveau, le contexte, la localisation, le profil d’apprenant considéré,
  • se montrer réactif dans l’adaptation des contenus existants, sous des formats plus interactifs ou engageants.

Premier interlocuteur des experts métiers, il assure désormais l’interface entre l’expert mais également l’UGC et l’IAG, une intelligence artificielle enrichie par ces multiples productions internes. Les ressources mises à disposition par l’UGC ou l’expert, dans le cadre de productions commandées mais également de retours d’expérience, d’événements de l’entreprise, deviennent des données d’entrées susceptibles de nourrir les modèles d’IA pour une meilleure contextualisation et une plus forte opérationnalité des ressources pédagogiques.

Dans le cadre de la production de contenus de formation par l’expert, l’outil auteur augmenté peut se révéler une aide précieuse pour challenger l’expert, harmoniser le style, enrichir le propos, diversifier les formats de sortie. Il peut également constituer un gain de temps pour l’expert métier qui produit souvent des contenus sur des périodes opérationnelles plus calmes ; mais qui ne bénéficie que rarement de temps dédiés à la transmission de ses savoirs- savoir-faire et savoir-être. Dans ce cas, la génération d’un document de base par l’IA constituera un socle à amender, compléter, restructurer puis valider par l’expert.

Nous sommes d’accord : tout sera naturellement soumis à validation de l’expert avant diffusion ? Et nous n’oublierons pas, si besoin, d’adapter le contrat de cession de droits de l’expert en prévoyant l’intégration de ses réalisations dans un outil d’IA ?

4. Prévenir la standardisation éditoriale

L’utilisation intensive des IA génératives pour la création de contenus pédagogiques soulève toutefois une question importante : ne risque-t-on pas une uniformité stylistique et informationnelle qui pourrait entraîner la lassitude des apprenants ? Cette standardisation peut nuire à l’engagement des apprenants et à l’efficacité de la formation.

En effet, les modèles d’IA ont été entraînés sur des vastes corpus de données, notamment anglo-saxons. Cela peut conduire à :

  • une uniformité stylistique des contenus : les contenus générés peuvent manquer de diversité, d’émotion, de surprise (éléments cruciaux en pédagogie) et entraîner un désengagement et une fatigue cognitive de l’apprenant.
  • une redondance des informations : sans intervention humaine, le risque de redondance est avéré. Si vous avez déjà utilisé des agents conversationnels vous l’avez certainement constaté.
  • un manque de nuance : les IAG peuvent atténuer les spécificités culturelles ou contextuelles, propres à différents groupes d’apprenants et se complaire dans une « moyenne de préférences ou de comportements », trop éloignée de la réalité terrain pour faciliter le transfert des compétences en situation de travail. Elles peuvent également être enclines aux stéréotypes (demandez la génération d’une image ou d’une photo d’une personne dirigeant une entreprise et vous obtiendrez généralement un homme…)

Ces problématiques sont de nature à entamer l’engagement et la motivation des apprenants.

Le concepteur devra se montrer particulièrement attentif à cette génération automatique et apporter toute son expertise éditoriale et pédagogique pour contrebalancer ces biais. Il pourra également s’appuyer sur l’UGC pour une diversité de points de vue ou sur l’expert métier pour apporter de la profondeur dans les développements.

Une articulation des différents acteurs de la production peut ainsi enrichir les contenus créés :

  • l’IAG fournit la base du contenu, en couvrant les concepts clés et en assurant une structure cohérente ;
  • l’UGC enrichit le contenu avec des exemples concrets, des questions et des discussions issues des apprenants ;
  • l’expert métier apporte une expertise approfondie, des perspectives particulières et valide l’exactitude des informations ;
  • le concepteur apporte sa vision pédagogique, optimise la hiérarchie et l’ordonnancement des informations.

Autre option, l’enrichissement des contenus créés par l’UGC :

  • l’UGC produit des contenus de diverses natures et divers formats ;
  • l’IAG harmonise, corrige et étaye les contenus ;
  • l’expert métier valide les contenus ;
  • le concepteur orchestre les contenus dans un parcours pédagogiquement logique et progressif.

Il est possible de faire varier l’ordre d’intervention des acteurs dans le workflow selon la thématique et le niveau d’expertise requis, le ton souhaité, les formats de sortie privilégiés, les producteurs de contenus…

Et pour s’arrêter quelques instants sur les workflows, n’oublions pas que, même intégrés dans un outil auteur, l’IAG peut « halluciner » (se tromper donc), la phase de validation sur le fond reste bien évidemment cruciale.

Autre précaution, analyser les modalités de traitement des données dans l’outil est une étape clé lors du choix d’un outil intégrant des IAG, pour garantir la sécurité et la confidentialité des éléments d’identification des experts et de l’UGC. Il en va de même si vous intégrez des documents internes, des informations relatives à votre organisation ou à celle de vos clients. Prudence donc !

Et n’oubliez pas de recueillir le consentement des experts métiers et UGC pour intégrer leurs productions dans un outil auteur qui pourra potentiellement les transformer, grâce à l’IAG.

5. Au final…

La création de contenus pédagogiques est désormais facilitée par l’intégration de l’IAG dans les outils auteurs. Les gains de productivité sont aujourd’hui mesurables.

Ce qu’il faut retenir sur la synergie outils auteurs et IAG :

  • Gain de temps dans la production de contenus tout en maintenant une cohérence dans la forme et la structure.
  • Contextualisation et personnalisation, à la demande, aux besoins spécifiques des apprenants sans sacrifier la qualité pédagogique.
  • Diversification accélérée des formats de sortie (texte, audio, vidéo, interactifs) qui favorisent l’engagement des apprenants.

Ce qu’il faut vérifier :

  • Le modèle tarifaire de l’outil auteur intégrant l’IAG.
  • La limitation ou non des requêtes sur les IAG via l’outil auteur.
  • Les formats de données d’entrées acceptés par l’outil auteur (si vous voulez intégrer des contenus produits par l’UGC et les faire modifier par IAG, par exemple)
  • La variété des formats de sortie des contenus (texte, vidéo, audio, slides…)
  • La sécurité des données d’entrée (contenus intégré dans l’outil) comme des données de sortie (contenus produits)

Ce qu’il faut préparer en amont :

  • Les cas d’usage précis d’utilisation de la conception par IAG.
  • Une formalisation détaillée et partagée des workflows de création de formation et de conception pédagogique.
  • Une sensibilisation aux limites et risques de l’IAG pour toutes les parties prenantes de l’équipe pédagogique.

Pour terminer, lors des grands débats du digital learning 2024, nous vous avions interrogé sur l’impact des IA sur votre stratégie formation. Il ressort du sondage qu’une majorité d’entre vous a déjà amorcé une réflexion stratégique.

Les outils auteur constituent l’un des éléments à examiner pour déployer votre stratégie. A l’heure des choix et des arbitrages, n’hésitez pas à faire appel aux différents éditeurs de solutions, à tester les outils pour en apprécier les bénéfices et limites.

  1. Large Language Model, LLM – est un programme d’intelligence artificielle capable notamment de reconnaître et de générer du texte.