Parce qu’elles s’opposent au paradigme de la rationalité, les émotions ont longtemps été ignorées par la pensée managériale et organisationnelle. Pourtant, elles sont omniprésentes dans la vie des organisations. Toute situation sociale est structurée de manière à exiger des individus, selon leur rôle, genre ou statut social, l’expression et le ressenti de certaines émotions et la suppression active d’autres émotions. Les organisations comprennent donc des « règles émotionnelles » et s’y conformer demande du « travail émotionnel », un travail psychiquement coûteux pour les personnes.

Dans le cadre du changement organisationnel permanent (technologique, culturel, etc.), l’incertitude et l’instabilité suscitent des réactions émotionnelles intenses chez les collaborateurs, pouvant déboucher sur la concrétisation de risques psycho-sociaux (burn-out, dépression, voire à l’extrême suicide). En outre, les émotions négatives entraînent des conséquences organisationnelles. Les individus auront tendance à fuir l’organisation, à s’en isoler ou à entrer en conflit avec elle. Il en résulte une certaine conscience par les entreprises d’un besoin de régulation émotionnelle.

Toutefois, cette régulation prend trop souvent la forme d’une tentative de contrôler les émotions dans une perspective instrumentale : éviter ou inhiber l’expression des émotions négatives, et favoriser les émotions positives qui soutiennent l’adhésion au projet de changement, à travers différentes techniques de change management. Cette approche top-down de la régulation des émotionsrencontre d’évidentes limites, dès lors qu’on écoute le terrain. Elle pourrait être considérablement enrichie, voire profondément modifiée, par une approche bottom-up, centrée sur l’écoute des sources d’émotions des collaborateurs, qui se situent dans le travail réel « ici et maintenant » et dans les événements qui viennent perturber le travail quotidienEn somme, comprendre le travail réel et comprendre les émotions vont de pair, et c’est en progressant dans cette voie que les émotions générées par les changements du travail pourront être sérieusement prises en compte dans la conduite des transformations.

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