Le rapport entre intelligence artificielle et emploi nécessite de repenser en profondeur l’analyse des tâches dans une entreprise. Il se joue à deux niveaux : dans la compréhension des chaînes de valeur de l’entreprise et dans la capacité des dirigeants à l’appréhender. L’enjeu ? Identifier avec précision où et comment injecter l’IA. Car celle-ci peut mentir, inventer des références et se tromper.
Et si la véritable question n’est pas ce qui peut être substitué, mais par où et comment cette substitution crée ou détruit de la valeur pour l’entreprise ? C’est que nous soulignons dans notre étude réalisée par le Global Partnership on AI (GPAI) et le Centre d’expertise international de Montréal en intelligence artificielle (Ceimia).
Scandale Deloitte Australie
Le scandale Deloitte d’octobre 2025 illustre cette problématique. Deloitte Australie a dû rembourser partiellement une facture de 440 000 dollars australiens (environ 248 000 euros). Pourquoi ? Un rapport commandé par le gouvernement s’est révélé avoir été produit avec Azure OpenAI GPT-4o… sans divulgation initiale.
Le travail contenait des références académiques inexistantes, des citations inventées, et des experts fictifs. Qui plus est, une fois ces problèmes détectés, le cabinet a substitué aux fausses références d’autres bien réelles, qui ne soutenaient pas les conclusions initiales du document.
Cerner la tâche automatisable avec l’IA
À l’ère de l’IA, il faut dépasser les seuls critères de destruction d’emplois ou de potentiel d’automatisation pour évaluer chaque tâche selon trois dimensions complémentaires.
- Dépendance opérationnelle
- Connaissance non codifiable
- Réversibilité
Quatre compétences clés pour un manager
Le manager devient alors l’architecte de ces chaînes de valeur hybrides, et doit développer quatre compétences clés pour les piloter efficacement.
- Il lui faut maîtriser l’ingénierie de workflows cognitifs, c’est-à-dire identifier avec précision où et comment injecter l’IA de manière optimale dans les processus.
- Il doit être capable de diagnostiquer les interdépendances opérationnelles propres à chaque contexte, plutôt que d’appliquer mécaniquement des grilles d’analyse externes focalisées uniquement sur le coût du travail.
- « Désintermédiation cognitive » : il s’agit d’orchestrer les nouveaux rapports au savoir créés par l’IA tout en préservant la transmission des compétences tacites qui font la richesse d’une organisation.
- Le manager doit porter une éthique de la substitution, en arbitrant constamment entre l’efficience immédiate qu’offre l’automatisation et la préservation du capital humain sur le long terme.
Bien conduite, cette transformation peut enrichir l’expérience humaine du travail, au lieu de l’appauvrir.





