On ne peut se passer ni du social ni de l’éducation, ni des technologies qui nous connectent. C’est ce que cette crise pandémique nous montre et que ceux qui pratiquent la formation à distance soutiennent depuis longtemps. Celle-ci s’est radicalement transformée en « e-learning » ces dix dernières années, en fusionnant éducation ouverte et connectée avec médias sociaux, que ce soit sous la forme de MOOC ou de portails ouverts comme TEDx, Khan Academy, accessibles via YouTube notamment.

Des enjeux spécifiques

Il ne faut pas se focaliser seulement sur la continuité pédagogique, mais prendre en compte aussi la continuité éducative. La continuité pédagogique vise à permettre à chaque élève de poursuivre ses apprentissages sans rupture pénalisante entre la fin d’une année scolaire et la suivante..

Cultiver l’e-présence : l’apprentissage autrement

Dans l’échange entre hors ligne et en ligne, se pose la question des décisions que l’on doit prendre pour apprendre :

  • se demander l’utilité du temps assigné aux bases, aux taches
  • se demander la réelle finalité des « devoirs » (le commentaire de texte et la dissertation sont-ils les seuls modes d’accès au « texte » ? Que « doit-on » ?)
  • se demander si d’autres formes d’engagement sont possibles que la simple évaluation finale avec une note sanction.

Cultiver l’e-présence : la proximité autrement

Dans l’échange entre hors ligne et en ligne, l’empathie pour se connecter aux autres à distance est indispensable pour faire preuve de présence ou de co-présence. L’interpersonnel a un rôle à jouer plus fort et suscite l’utilisation des formes de participation active rendues possibles par toutes sortes de médias sociaux et d’applications. Se pose crucialement la question de l’interaction entre enseignants et parents, dans un contexte français où les deux types d’acteurs ont chacun des places disjointes dans le dispositif :

  • se demander comment ils peuvent s’équiper pour collaborer
  • se demander comment devenir un accompagnant d’apprentissage sans faire concurrence à l’enseignant
  • se maintenir dans la logique du support émotionnel et du soin plutôt que dans le programme.

Cultiver l’e-présence : les contraintes du design autrement

Dans l’échange entre hors ligne et en ligne, les questions techniques peuvent obscurcir les envies ou ralentir les projets mais elles tendent à se réduire à un diagnostic assez simple, de gestion et taille de fichier, de droits d’accès à des applications ou logiciels (et oubli de mots de passe !). Mais se pose la question de l’IA dans l’émergente l’éducIAtion :

  • se demander quelles mesures de protection utiliser pour minimiser les conséquences possibles de l’usage des données des jeunes en milieu scolaire ;
  • se demander quels scripts sociaux et cognitifs mobiliser pour que les jeunes puissent contrôler leur performance en ligne et leur interaction avec les autres ;
  • se demander quelles représentations de l’autorité de l’enseignant vs l’autorité de la plate-forme et des outils numériques peuvent les aider à mieux les plier à leurs propres besoins et à ceux des enseignants.

Une question de maturité et de réflexivité

La situation actuelle, malgré ses tensions entre interface humaine et interface numérique, crée de la réflexivité et souligne des gains d’expérience afin que enseignement à distance et en présence deviennent des espaces conjoints, pas disjoints :

  • Réaliser que beaucoup de nos cours en présence sont menés « par défaut », par habitude, par routine, par héritage et prise de relais d’un collègue à un autre, par pression des programmes… C’est une forme d’inertie et de reproduction qu’il faut interroger au regard de la pratique en ligne.
  • Aller à l’essentiel et utiliser la réflexivité dans le design de cours en ligne pour l’appliquer aux cours en face à face. Les blogs peuvent être plus utiles que les e-mails, surtout si les étudiants sont invités à y contribuer : laisser le temps aux conversations de se développer, en asynchrone, pour obtenir une réelle participation.
  • Expliquer le processus et pas seulement l’objectif final, en développant les étapes pour éviter de croire que les élèves lisent dans nos têtes et peuvent résoudre les incertitudes de nos consignes et devoirs. Ce qui donne une exigence de transparence mais aussi de progression cognitive où les étapes sont mises en place selon divers parcours.
  • Dire le pourquoi et pas seulement le comment : faire apparaître le curriculum caché (les biais, les attentes implicites) derrière le curriculum officiel (les consignes, les routines, les programmes).

Changer de paradigme

Ces allers et retours peuvent être fructueux. Il est temps de changer le regard sur l’e-learning et ne pas voir en lui un mode de gestion du personnel, souvent associé à la menace de suppression de postes : quand il est bien fait, il suscite au contraire de nouveaux emplois – designer pédagogique, développeur d’application, modérateur de communautés d’apprentissage…

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Repéré depuis https://theconversation.com/pedagogie-a-distance-les-enseignements-du-e-confinement-137327

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