Des responsables formation de grands groupes nous disaient il y a quelques jours : « avec la crise, des barrières ont sauté, les chakras se sont ouverts » et « le retour en arrière ne sera pas possible » (entendre par là « en salle »). En 2000, la DGEFP déclarait : « les organismes de formation doivent se moderniser ». 20 ans plus tard, la crise sanitaire a pourtant révélé que de gros progrès peuvent encore être faits par les OFs dans 4 domaines : l’organisation, la pédagogie, la technologie, les compétences. Alors, prêts à relever les défis ?
Les défis de l’organisation
Se moderniser, c’est changer de culture, sans renier ses valeurs. Il ne s’agit pas de simples ajustements ou aménagements par-ci par-là, mais de repenser véritablement tous ses modes de fonctionnement :
- Avoir une vision claire. Cette vision ne doit pas obligatoirement venir de la direction, mais celle-ci doit la comprendre, l’intégrer, et la traduire en stratégie et en plan d’action, afin d’y aligner toute l’organisation.
- Adapter son modèle économique. C’est le nerf de la guerre. L’erreur la plus classique est de calculer le prix de vente d’un produit/service en fonction de son coût et de la rentabilité attendue. Il faut au contraire adapter ses processus (et donc ses coûts) en fonction des prix du marché. Cela oblige parfois à de gros sacrifices, mais c’est souvent une question de survie.
- Gérer la transition. Sauf à être une petite startup capable de pivoter en 1 mois, les organismes doivent viser une transformation en 2 ans au minimum, il faut donc se préparer à faire cohabiter en parallèle le modèle d’avant et le modèle d’après.
Les défis de la pédagogie
La digitalisation des activités de formation n’est pas une introduction du numérique en substitution des pratiques traditionnelles. La travail porte principalement sur l’approche pédagogique qu’il faut profondément changer. Le numérique n’est que le moyen d’y arriver.
- Déplacer le barycentre de la formation du formateur vers le formé. « Placer le client au centre du dispositif ». Et si on le faisait vraiment ? Il ne suffit pas de l’écrire dans des rapports et de la clamer en conférence. Le formé (le client final) n’est plus un spectateur discipliné qui suit les consignes d’un programme préétabli, il veut de la liberté, de l’autonomie, et qu’on soit à son service.
- Oublier le vieux modèle hérité de l’école « un prof, des livres, des cours » devenu « un formateur, des supports, des stages ». Il est temps de parier sur l’intelligence plus que sur la discipline, et sur les capacités d’autodidaxie plutôt que sur la mémoire.
- Effectuer 3 translations :
- du synchrone vers l’asynchrone ; une formation, ce n’est plus 9 h-17 h avec 2 pauses et un déjeuner. C’est quand on veut, où on veut. Il faut donc proposer des activités qui ne nécessitent plus d’être synchronisé sur le rythme du programme et du formateur, mais sur celui décidé par le formé.
- du groupe vers l’individu ; là encore il faut dépasser la facilité procurée par la gestion « par groupe », il faut savoir gérer individuellement la progression pédagogique de chaque apprenant.
- de la réaction à l’anticipation ; un formateur aguerri ne craint pas tout ce qui peut se passer dans une salle, il sait qu’il peut compter sur son savoir-faire et son expérience pour gérer toutes les situations. Et quand il n’est pas là ? Quand l’apprenant est devant son écran avec un grand point d’interrogation au-dessus de la tête ? Sur quoi et qui peut-il compter ? Il faut donc identifier, analyser, et mettre à disposition tous les outils et les moyens permettant de traiter et de surmonter les inévitables difficultés de l’auto-formation.
Les défis de la technologie
Digitaliser un organisme de formation ne se fait pas par petites touches. C’est l’ensemble des processus qu’il faut digitaliser.
- Se doter d’un SI Formation et d’une plateforme de diffusion. De la communication digitale, la conception des offres, la prise d’inscription, la gestion administrative, la mise à disposition des formations, le suivi pédagogique et la relation client, tous les processus doivent être reliés et s’échanger les mêmes informations en temps réel. Il faut donc savoir composer le cocktail idéal mêlant CRM, ERP, TMS, LMS et autres acronymes barbares qui font le quotidien des DSI.
- Digitaliser ses contenus en base de données pédagogiques. Pas de formation sans l’humain, mais aussi sans contenu. Quand il faudra modifier une référence dans un ensemble de formation y faisant référence, ajuster un exercice utilisé dans plusieurs parcours… si les contenus sont toujours enfouis dans des documents PDF ou pire des Powerpoints, l’exercice d’actualisation risque vite de se transformer en cauchemar. Les contenus sont le capital durable des OFs, autant en prendre soin.
- Réaliser sa transformation digitale. La digitalisation d’une activité se déroule généralement en 3 étapes (de la plus simple, à la plus compliquée) :
- se doter d’outils ;
- adapter les processus ;
- changer les états d’esprit.
Les défis des compétences
La modernisation d’une entreprise ne peut pas s’accomplir sans une montée en compétence de l’ensemble de ses services. Cette montée en compétence peut se faire :
- soit en formant les équipes ou en intégrant ces nouvelles compétences par des recrutements ;
- soit en faisant appel à des prestataires extérieurs.
La première approche est plus longue, mais plus durable, la deuxième plus rapide, mais moins pérenne.
- Accompagner le changement de pratiques et d’état d’esprit. Cet accompagnement au changement ne doit pas être négligé, l’expérience montre que les forces de rappel sont très fortes dans le secteur de la formation.
- Monter en compétence pédagogique et en NeuroLearning. C’est ici le cœur de la transformation. Sans renier les bonnes pratiques historiques, il faut savoir les enrichir, les élargir à celles plus adaptées aux besoins actuels.
- Rester en veille permanente. Former est une activité qui a été longtemps épargnée par les bouleversements. Mais ça, c’était avant… Ce n’est peut-être pas une bonne nouvelle, mais la formation n’échappe pas à cette course en avant qui contraint à se remettre en cause tous les matins.
Les organismes de formation ne sont pas les seuls à devoir évoluer, les apprenants également doivent relever quelques défis :
- planifier ses périodes de formation ;
- s’organiser et se discipliner ;
- apprendre à se former à distance.
Ils ont démontré récemment qu’ils savaient le faire.
« Et maintenant, au travail ! » — Eurysthée.