La formation est un temps long dit-on. Cet adage n’a jamais été aussi vrai, et ce temps risque même de durer toute notre vie ! Levons un peu les yeux pour regarder ce qui se prépare à l’horizon de la formation.

Je me forme un peu, beaucoup, passionnément…

Quelle différence y a-t-il entre apprendre sa langue maternelle, apprendre à marcher, à empiler des cubes, à compter, à résoudre des problèmes de robinet ou encore apprendre à établir un compte de résultat ? A priori rien, il s’agit bien dans chacun des cas de mobiliser nos capacités d’apprentissage pour acquérir de nouveaux savoirs ou savoir-faire. Notre parcours de formation personnel est pourtant découpé, organisé, et qualifié de façon bien différente : on l’appelle « développement » pour les bébés, « éducation » pour les enfants, « études » pour les ados et « formation » pour les adultes. Au précédent millénaire, l’activité de se former tendait à se ralentir au fur et à mesure de notre avancement dans la vie. Aujourd’hui, qu’elles soient naturelles, volontaires, encadrées ou obligatoires, nos activités de formation seront bien présentes tout au long de notre vie.

Notre époque et son prochain avenir vont nous conduire à confirmer l’hypothèse de la reine rouge, celle qui pousse à nous former sans relâche.

des « machins » pour (ne plus) se former

Il y a peu de chance que les enfants de nos enfants soient obligés d’apprendre à conduire, ils auront un permis certainement, mais n’auront plus l’obligation de savoir utiliser pédales et volant pour être mobiles, encore moins de savoir lire une carte routière.

Des assistances nouvelles vont nous libérer de nos obligations actuelles, nous aurons certainement un rapport différent avec les « machins » à qui nous parleront, qui nous comprendront et même nous répondront avec une voix de velours, ils seront plus connectés, à notre poignet, devant nos yeux ou sous notre peau.

Pour compter les points à la fin d’une partie de Tarot ou de Belotte, il suffira de passer les cartes devant nos lunettes pour qu’en surimpression un compteur nous libère du calcul mental.

Et quand bien même notre enregistreur personnel de conversation nous ferait défaut pour retrouver un numéro de téléphone, notre mémoire dopée aux implants magiques elle ne faillira pas.

Effrayant non ?

Levons un peu les yeux de notre écran pour regarder l’horizon, au-delà de notre fenêtre, de notre quartier, de nos frontières symboliques, là-bas, le reste du monde à soif de connaissance, il dévore à pleine vitesse les sources intarissables de savoirs, il n’aura pas de lunettes de réalité augmentée, d’implants ou de « machin » pour doucement l’anesthésier, il sera juste le champion de l’apprentissage.

Au moment où les intelligences artificielles apprennent seules, de façon neuromorphique, et digèrent à toute allure les données et les connaissances que nous lui offrons à analyser, celui où elles seront au service de notre apprentissage individuel n’est pas très loin.

Nous pourrons choisir notre professeur personnel, pourquoi pas Barack Obama ? Nos sujets préférés, nos méthodes pédagogiques et fixer nos objectifs, notre coach formation se chargera de nous former au bon moment, au bon rythme et individuellement, presque sans qu’on se rende compte.

L’envie d’apprendre même si elle se fait moins pressante, moins indispensable ne doit pas nous lâcher, au risque de rester sur place, donc de reculer.

À moins que tout cela ne soit qu’une course folle et qu’en chemin on se rendre compte qu’on fait fausse route, et qu’il faut au contraire ralentir.

 

Je (me) forme, (avec) les autres

Maintes fois cité « on apprend toujours seul, mais jamais sans les autres », le Pr Philippe Carré nous explique ici que nul ne peut apprendre à la place de l’autre, et doit faire preuve d’autonomie, de détermination et d’initiative, mais que si que chacun est responsable de son propre apprentissage, c’est grâce aux autres que l’on progresse.

Vrai aujourd’hui, mais encore plus demain quand la formation sera prise en charge par davantage de « machins », sans partage d’expériences, d’enrichissements mutuels, de combinaisons de savoirs, de sérendipité, d’erreurs ou d’incompréhensions révélatrices de nouveaux angles de vue, les sources d’apprentissages risquent de se rabougrir, pour devenir du savoir sec, sans âme et sans intérêt.

Le savoir s’obtient, la compétence s’exerce, s’observe, se partage et se vit. Le défi est de ne pas perdre de vue les compétences et les moyens de les obtenir devant l’abondance des savoirs et leurs facilités d’accès.

 

« Chaque jour j’apprends et j’imagine quelque chose de nouveau » — Professeur Maboulette

 

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