1. Qui suis-je ?

2. Activez le micro

3. Ne confondez pas sans couture et décousu

4. Remettez le savoir à Flow

Pourquoi le mobile learning n’est pas mort du COVID ?

Mars 2020, le monde confiné déclare l’e-mobilisation générale. L’ordinateur, distancé par le smartphone depuis quelques années, retrouve ses lettres de noblesse. Ses ventes s’envolent. La formation est uniquement distancielle et la visioconférence devient à la fois open-space, salle de réunion, lieu de formation et machine à café.

Dans les appartements, chacun tente de s’aménager un espace de travail. Les ventes de mobilier de bureau sont au plus haut. Nous apprenons à travailler différemment, e-mobiles sédentaires et connectés. Le mobile learning a perdu une partie de sa promesse : une formation accessible partout, dans la mesure où le partout a été transféré dans l’ici.

En 2022, l’hybridation du travail est en marche. Le bureau est pour partie sur site et pour partie à domicile. Le 100 % télétravail choisi et non subi commence à poindre et à être accepté par les DRH et les managers, pragmatiques devant la pénurie de certains profils (notamment techniques ou commerciaux). La fuite de Paris de nombreux cadres sédentaires qui, multipliant les kilomètres ont également multiplié les mètres carrés et pu s’offrir un bureau agréable doté d’un poste de travail, au moins aussi fonctionnel qu’en entreprise, redessine les déplacements et leur fréquence. A noter toutefois que des pans entiers de l’économie ne sont pas délocalisables : retail, santé pour une grande partie, bâtiment, pour n’en citer que quelques-uns.

Côté digital learning, la place du synchrone, au travers des classes virtuelles devenues incontournables pendant près de 2 ans, s’est accrue. Les temps live se structurent et offrent, si tant est qu’ils soient correctement scénarisés et animés, une interaction formateur-apprenant enrichie.

En 2022, après 2 ans de recherche d’équilibre entre distanciel et présentiel, la formation s’oriente vers des parcours multimodaux qui intègrent temps synchrones et temps asynchrones, présentiels et distanciels. Dans le monde d’avant, les parcours présentiels longs comprenaient des travaux intersession, véritables prérequis aux heures de formation en salle. Aujourd’hui émerge une demande de scénarisation des temps « intermodalité » voire intersession de formation hybride dans une optique de formation véritablement continue et attractive du collaborateur. Parallèlement, la disponibilité des salariés pour se former est un problème majeur. Les temps formatifs courts articulés entre eux et étalés sur l’année fleurissent dans les offres et les plans de développement des compétences.

C’est donc sur l’envie, la diversité des formats et l’attractivité des ressources que peuvent agir l’entreprise et l’organisme de formation.

Dans ce contexte le mobile learning a des atouts à faire valoir. Son format contient les variables d’ajustement qui permettent de répondre à la notion d’intersession, à la problématique de disponibilité par le micro-learning, au multi-site (non tertiaire surtout) par un apprentissage sans couture (seamless learning) et par une plus grande facilité à intégrer des éléments de gamification pour engager l’apprenant. Le mobile learning peut ainsi constituer une modalité intéressante à articuler de façon pertinente avec des ressources plus longues, des temps synchrones voire des temps présentiels.

Tour d’horizon des trois grandes variables d’ajustement qui confèrent encore aujourd’hui au mobile learning une plus-value dans les parcours de formation :

  • Le temps (la disponibilité) au travers du micro-learning
  • L’espace pluriel au travers du seamless learning (apprentissage sans couture)
  • L’engagement au travers de la gamification.

Mais avant de plonger au cœur d’une formation sur mobile, reprenons contact avec l’apprenant post-COVID.

1.
Qui suis-je ?

Je suis un hamster dans ma roue, sur-sollicité ! Mon mode de travail hybride et l’hyper connexion qui me caractérise induisent, encore aujourd’hui, une difficulté à prioriser mes tâches, notamment entre présentiel et distanciel, à distinguer urgent et important. Et ma capacité de concentration sur écran tend à décroitre avec une belle tendance à me laisser distraire par mille sollicitations extérieures. Le cabinet Deloitte considère aujourd’hui qu’il est illusoire de vouloir me présenter une vidéo de plus de 4 minutes en espérant que je la regarde jusqu’au bout.

Au final, je n’ai plus guère de temps ni d’énergie à consacrer au développement de mes compétences.

Conclusion : Faites court.

Je suis impatient : de grâce venez-en au fait ! Du Hamster à ma souris, mon échelle de temps est celle d’un clic. Vous avez 10 secondes environ pour capter mon attention et m’engager à poursuivre sur un contenu court, granularisé et qui répond à ma problématique.

Conclusion : ciblez mes objectifs et séduisez-moi.

Aristote avait raison ! Je suis un animal social. Je retiens mieux, j’assimile mieux, je suis plus performant lorsque je partage mes acquis avec mes pairs et que nous progressons ensemble. Ma motivation s’en trouve renforcée et je décroche moins vite. La preuve : je viens de passer les 2 dernières années derrière un écran à enchaîner les visios, parfois les cafés virtuels et même les apéros… Parfois je prétends en être lassé mais je textote, je tchate et je « whatsappe » toute la journée sur mon smartphone ! C’est vrai, je suis quelquefois paradoxal.

Conclusion : ne me laissez pas tout seul face à mes apprentissages.

Je suis un « serial screener » ! Je passe de l’écran 15 pouces de mon ordinateur au 6 pouces de mon mobile sans même m’en rendre compte, et ce, des dizaines de fois par jour, en fonction de mes interactions et de mes besoins, du lieu où je me trouve ou de l’heure de la journée.Conclusion : variez les formats, sauvegardez mes données d’un « device » à l’autre, offrez-moi une expérience fluide et sans couture.

Je suis celui qui devrait toujours être au cœur de vos formations. Je suis l’apprenant 2022.

2.
Activez le micro

Mon agenda devient obèse, mon temps de cerveau disponible est désormais une ressource rare. Me former ? Mais j’adorerais… La question est quand ? Comment ? J’y cours si vous m’offrez du court.

Indissociable du mobile learning, le micro-learning est un levier d’ajustement de la variable « temps ».

Un module de micro-learning peut prendre des formes variées. Seules limites à la créativité du concepteur pédagogique, la concision, l’accessibilité et une définition claire d’un objectif et un seul de chaque module. L’impact des contenus textuels peut être soutenu par des images, des infographies, un enrichissement du texte avec du gras ou de la couleur…

Parmi les formats stars du micro-learning, citons :

  • la vidéo de 3 à 5 minutes, engageante et animée, qui répond à nombre de critères pour illustrer une notion précise, un concept, un geste technique, une procédure ;
  • la check list, en post formation qui reprend en synthèse les points à retenir, les difficultés à appréhender, les questions clés à poser ou à se poser ;
  • la play list de contenus (curation de contenus pertinents, identifiés sur le net) en prérequis d’une formation pour homogénéiser le niveau des apprenants, préparer une session synchrone ou en post formation pour aller plus loin et approfondir les acquis ;
  • le sondage qui permet de mesurer le niveau d’utilisation des nouvelles fonctionnalités d’un outil par exemple ou interroger les apprenants sur des questions à aborder durant une séance synchrone ;
  • le micro-doing qui va séquencer une ou deux actions cibles par semaine à réaliser en situation de travail et inviter l’apprenant à pratiquer ;
  • les quiz (les vrai/faux sont particulièrement adaptés à la concision requise sur smartphone) pour mesurer le niveau de mémorisation et/ou de compréhension de l’apprenant.

Pour éviter de franchir la frontière qui sépare la formation de l’information, l’ingénierie pédagogique des capsules de micro-learning doit être à la fois unitaire pour viser un micro-objectif très précis mais également plus globale et structurée pour que chacune des capsules s’articule dans un parcours dont les objectifs pédagogiques sont plus larges. La scénarisation doit tenir compte du moment de diffusion le plus approprié pour maximiser les chances d’atteindre l’objectif.

Côté conception des contenus, soyez synthétique et choisissez les termes les plus appropriés sans sacrifier pour autant un style percutant indispensable pour capter et retenir l’attention. En manque d’inspiration ? Visionnez les séquences du concours « Ma thèse en 180 secondes ». Vous trouverez chez les lauréats : de l’impact, de la métaphore, de l’analogie, bref tout ce qui peut, nous raccrocher, nous, pauvres béotiens, à un élément qui nous parle, voire qui nous interpelle.

A voir absolument ! 180 secondes d’inspiration et de maestria par Yohann Thenaisie, 1er prix du jury de la finale 2021

Prêt à relever le défi et à pitcher le savoir ?

Quel bénéfice côté apprenant ?

Le temps d’abord ! La courte durée des modules (pas plus de 5 minutes) et leur accessibilité sur tout support (ordinateur, smartphone et tablette) permet de se former entre deux réunions ou dans les transports. Même si les transports domicile-travail-domicile sont moins fréquents, ils existent encore et nombre de professions sont encore en travail sur site à 100 %. Flexibilité donc !

La mémoire ensuite… Des petites capsules de savoirs, de savoir-faire ou de savoir-être favorisent la trace mémorielle dans la mesure où elles sont souvent riches d’images et de son voire d’interactivité. Elles incitent à un visionnage répété. La granularisation en courtes séquences pédagogiques étalées dans le temps peut s’entendre également comme une rapide mais régulière révision des acquis, enrichie d’une notion nouvelle à chaque nouvelle capsule. De véritables piqûres de rappel sur une notion pour infléchir la fameuse courbe de l’oubli et assurer un ancrage dans la durée.

Le “just in time” aussi… L’accessibilité partout, tout le temps, l’indépendance des modules et un micro-objectif par capsule en font une véritable boîte à outil : aide à la décision, soutien d’un argumentaire avant un rendez-vous client en visio, vérification lors de l’application d’une procédure de sécurité.

  • L’objectif : permettre à l’apprenant d’aller directement à l’essentiel, en situation de travail.
  • La promesse : pas de rupture entre l’activité productive du collaborateur et la situation de formation.

L’autonomie et la responsabilisation enfin… Les capsules de micro-learning sont généralement indépendantes les unes des autres quand bien même leur articulation représente un parcours pédagogiquement cohérent. Leur libre accès à tout moment offre à l’apprenant la liberté d’aller piocher dans une bibliothèque de modules, au gré des besoins qui se font jour au quotidien.

Quelle stratégie côté service formation ?

Le micro-learning favorise une nouvelle façon de penser la formation dans la mesure où les apprentissages peuvent être intégrés au quotidien professionnel de l’apprenant sans nécessiter de longues plages loin de sa boîte mail ou de sa messagerie interne. Mais attention, court ne veut pas forcément dire simple à produire. Aller chercher l’indispensable demande une réflexion approfondie et des partis pris forts et assumés de la part des ingénieurs pédagogiques pour renoncer à la complétude.

D’un point de vue learning analytics, le micro-learning permet un reporting fin et individualisé du parcours de chaque apprenant : le nombre de visualisations de chaque module, le moment d’utilisation dans la journée ou hors temps de travail constituent des données pour ajuster le parcours ou développer des compléments. Un système de notation des modules du type « Ce module vous a-t-il été utile ? » avec une échelle de notation de 1 à 4 par exemple constitue un indicateur et un levier d’amélioration continue pour le service formation.

Il n’a toutefois pas vocation à se substituer à un parcours de formation. Il vient soutenir, apporter une réponse à court terme, un renforcement… Le micro-learning a tout intérêt à être inclus dans un écosystème pédagogique multimodal riche et pensé par objectif.

3.
Ne confondez pas sans couture et décousu

« Seamless learning » ou apprentissage sans couture. Le mobile learning peut constituer un maillon fort de l’apprentissage sans couture et offrir à l’apprenant un véritable continuum pédagogique dans la mesure où :

  • le passage d’un device à l’autre, d’une modalité présentielle à une modalité distancielle est transparent pour l’apprenant,
  • les capsules de micro-learning s’intègrent en inter-session ou en inter-modalité, en prérequis, en post formation, en élément de remédiation ou d’engagement…
  • les parcours de mobile learning se consomment partout, tout le temps sans rupture et sont particulièrement adaptés aux forces de vente du retail par exemple, qui peuvent, durant les heures plus creuses de la journée, accéder à leur ressources de formation sans nécessairement disposer d’un ordinateur.

Selon L.H. Wong, chercheur au National Institute of Education de Singapour, l’apprentissage sans couture est une expérience continue d’apprentissage dans laquelle l’apprenant parvient à relier toutes les facettes de son parcours de formation, constitué d’une combinaison de lieux, de moments, de technologies ou de contextes sociaux.

L’apprenant navigue de façon totalement fluide du présentiel au digital, du synchrone à l’asynchrone, du conceptuel à l’expérientiel… Au cours de ce parcours, dont il définit lui-même l’enchaînement ou la composition, en fonction de ses besoins à l’instant « t », il trouve la guidance pédagogique nécessaire pour relier les différentes activités entre elles et donner un sens à ses apprentissages.

Le Seamless learning repose sur la collaboration, la production et la créativité de la communauté apprenante dans des environnements variés. Il se caractérise par :

  • l’apprentissage formel et informel ;
  • la dynamique de groupe présentielle et distancielle, synchrone et asynchrone pour réconcilier autonomie et flexibilité avec co-construction des savoirs, savoir-faire et savoir-être ;
  • la personnalisation et le social learning ;
  • l’accessibilité partout, tout le temps, sur tout device et pour tout type de contenu : il se veut ATAWADAC ;
  • les univers physiques comme digitaux ;
  • le passage d’une tâche à une autre et d’un device à l’autre sans rupture (pas de perte des données, de la progression…) grâce à des outils de diffusion interconnectés ou au moins capables de communiquer ;
  • la concision, la clarté et la synthèse des connaissances pour des ressources courtes et attractives capables d’engager et de motiver l’apprenant ;
  • la pluralité d’activités pédagogiques pour rythmer la formation et éviter la lassitude et l’ennui et favoriser la mémorisation et l’opérationnalité.

4.
Remettez le savoir à Flow

La gamification (ou ludification en français) consiste à insérer des ressorts du jeu (points, badges, classements, franchissement de niveaux) dans des dispositifs qui ne relèvent pas du jeu : stratégie marketing, gestion des collaborateurs ou apprentissage. Le format mobile learning se prête particulièrement à la gamification.

Le jeu est un vecteur « d’apprendre à apprendre » et de valorisation de l’adaptabilité et de la capacité de remise en question des collaborateurs. Il procède d’une adaptation individuelle dans lequel apprendre des règles et s’adapter à ses compétiteurs ou à son équipe est indispensable.

Jouer procure une sensation de satisfaction immédiate en exploitant la motivation intrinsèque de l’individu. L’activité n’a alors d’autre but qu’elle-même et permet d’amener le joueur à un état mental appelé « état de flow ». Le flow est un état de plénitude, à même d’abolir la notion de temps, de garantir une concentration totale sur la tâche en cours de réalisation, d’apporter une sensation de plaisir intense. Combien de jeux addictifs collectionnons nous dans notre smartphone ?

Deux composantes majeures sont à l’origine de l’état de flow :

  • l’adéquation entre la compétence de l’individu et le niveau du challenge proposé pour éviter le découragement devant une tâche trop ardue ou l’ennui face à un défi trop simple ;
    le feedback permanent et immédiat qui permet au joueur de connaître en temps réel son résultat dans le jeu et lui permettre d’ajuster ses actions pour s’améliorer.

Pour une formation mobile gamifiée, le parcours doit être progressif et le niveau parfaitement adapté à la cible. L’apprenant doit recevoir des feedbacks réguliers pour orienter ses actions et progresser en permanence. Chaque résultat positif est valorisé par une récompense sous forme de badge, de points, d’avancée dans le classement au sein de la communauté apprenante… Ce classement de l’apprenant par rapport à ses pairs doit l’inciter à faire mieux ou à conserver sa position de leader. Chaque feedback est une occasion pour l’apprenant de se remémorer l’objectif à atteindre et d’identifier les moyens à mobiliser pour y parvenir.

Là encore, la définition claire et précise de l’objectif devient stratégique. Les consignes sont libellées sans ambiguïté et délivrées à l’apprenant avant le début de chaque activité. L’apprenant doit disposer d’une vision globale sur l’enchaînement des séquences dans le parcours.

En situation d’apprentissage sur mobile avec un dispositif intégrant des éléments de gamification adaptés à l’objectif et aux apprenants, les principaux bénéfices constatés ont trait :

  • à la motivation et à l’engagement sur la durée : la flexibilité offerte par le smartphone accroît encore cette motivation puisque l’apprenant peut se consacrer à cette activité en fonction de sa disponibilité ;
  • à la concentration et à une assiduité plus forte si les conditions pour s’approcher de l’état de flow sont réunies ;
  • à la confiance en soi et au maintien de l’intérêt et de l’attention : les feedback et récompenses encouragent à poursuivre la formation et facilitent l’auto-évaluation de l’apprenant.

Pourquoi le mobile learning n’est pas mort du COVID ?

Certes le télétravail a réduit nos déplacements. Mais la crise n’a fait que renchérir les sollicitations auxquelles nous sommes tous exposés, réduisant notre disponibilité. Nous avons plus que jamais besoin de contenus courts et pertinents.

Certes on peut constater une lassitude face aux écrans mais le smartphone est peut-être le moins atteint tant il est vrai que les réseaux sociaux ne semblent pas pâtir de cette lassitude. Notre dimension sociale n’a pas été atteinte par le virus, bien au contraire.

Le smartphone est le bras armé du social learning. Et qui dit social learning, dit interactions entre pairs pour co-construire les savoirs, savoir-faire et savoir-être mais également échanges avec le formateur pour lever tous les freins de compréhension. La communauté d’apprentissage, essence du social learning, constitue le remède le plus efficace contre le sentiment d’isolement qui peut parfois se faire jour en digital learning. Elle est un levier majeur de motivation pour l’apprenant. Les challenges entre pairs créent l’émulation, la dynamique de groupe supporte l’engagement individuel, la confrontation de points de vue et la collaboration participent à l’ancrage et à l’opérationnalité des apprentissages.

Au final, notre éloignement régulier de l’open space nous invite à aller chercher des réponses par nous-même. Pour ce faire, autant que la source soit clairement identifiée et suffisamment pédagogique pour optimiser le temps d’assimilation. Tous les leviers de notre autonomisation sont les bienvenus ! Le mobile learning en est un.

Bonne lecture