1. Faites vos JE

2. Théorie de l’évolution

3. Quelques expérimentations dans le métavers ou pas très loin

Pour finir…

Selon Gartner, d’ici 2026, 25 % des personnes passeront au moins une heure par jour dans le metavers pour travailler, faire des achats, apprendre, interagir avec d’autres personnes ou se divertir.

Une évolution des métavers et de leur attractivité sur les 8 ans qui viennent, proposée par Gartner :

Dans la première escale de notre voyage dans le metavers (ou plutôt les metavers aujourd’hui), nous avons exploré les limites, les obstacles de cette Terra Incognita sur les plans technique, humain, collaboratif, financier et pédagogique. Nous vous proposons aujourd’hui une nouvelle escale dans des expérimentations formatives au sein de différents métavers.

Persistance de l’espace formatif, création d’un univers sécurisé d’expérimentation, atout psychologique de l’avatar, pourquoi et comment pourrait-on, demain, travailler et se former de façon efficace dans le nouveau monde pixélisé ?

1.
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Dans le metavers, l’individu se matérialise par un avatar, plus ou moins réaliste et ressemblant.  Des études montrent que les avatars anthropomorphiques renforcent la crédibilité et la projection de soi sur l’écran. Si la liberté est grande de choisir ses caractéristiques physiques, force est de constater que dans les univers persistants existants aujourd’hui, la majorité des participants conserve leur genre. Cette identité de genre et de caractéristiques physiques facilite la projection de Soi sur son double numérique.

Source : Decentraland – https://youtu.be/FtQ-MBqEfcw

L’avatar devient donc un double digital si l’on considère sa représentation visuelle mais également un prolongement de soi dans la façon de communiquer et d’interagir avec les autres avatars. L’« effet Protée », démontré par de nombreuses études et théorisé par les chercheurs de l’université de Stanford en 2007, met en lumière notre capacité à modifier nos comportements virtuels pour agir conformément à ce qu’attendent les autres avatars qui nous entourent.

Des analyses empiriques de comportements d’avatars dans les métavers ont permis de remarquer que le réalisme et la diversification des fonctionnalités de l’avatar ou encore la communication claire de ses intentions viennent renforcer le sentiment de présence sociale dans l’univers virtuel. Les zones du cerveau mobilisées lors d’une expérience virtuelle restent identiques à celles activées dans la vraie vie. C’est la raison pour laquelle les simulateurs, qu’ils s’agissent de formation de pilotes d’avion, de chirurgiens ou de techniciens de maintenance en centrales nucléaires ont une réelle efficacité. L’imagination agit comme un médiateur entre le réel et le virtuel et permet à chacun de se projeter dans la situation et d’apprendre.

Question de point de vue

Au-delà de l’apparence le choix du point de vue est à considérer, notamment en formation :

  • à la première personne « Je », l’apprenant évolue à travers les yeux de son avatar et ne le voit donc pas évoluer dans l’environnement. C’est le mode caméra subjective du cinéma. Ce point de vue rend l’apprenant pleinement acteur de ses actes. Il est le point de vue à privilégier lorsque la formation porte sur l’acquisition de gestes, de procédés précis à mobiliser en situation réelle ;
  • à la troisième personne « Il », l’apprenant voit son avatar. Il le suit dans l’environnement virtuel et le dirige, en état de superviseur de lui-même. Ce point de vue à la troisième personne est particulièrement efficace dans des scénarios d’apprentissage où l’action collective et la collaboration sont prépondérantes.

Réaliste ou crédible ?

La vue est le sens primordial de toute expérience. Mais intégrer d’autres leviers sensoriels (ouïe ou toucher) renforce le sentiment d’immersion et donc d’engagement de l’apprenant. L’expérience sensorielle doit-elle reproduire fidèlement ce que l’on trouve dans la vie réelle à la réalité ou la suggestion suffit-elle pour que l’imaginaire de l’apprenant agissant en médiateur assure une transposition efficace dans le quotidien professionnel ?

Reproduire le monde réel est une tentation qui se heurte encore parfois à la technologie. La simple crédibilité des situations ou des environnements permet-elle la pleine projection de l’apprenant et son identification aux situations pour garantir l’efficacité pédagogique ?

Selon les objectifs et les sujets de formation, la crédibilité primera sur le réalisme. Ainsi dans l’acquisition des soft skills, la crédibilité de la situation et de l’expérience est déterminante mais suffisante pour un ancrage et un transfert en situation de travail. Les résultats d’une interaction entre l’apprenant et l’environnement simulé doivent correspondre à ce qui est généralement observable dans le monde réel.

En revanche, dans une formation au maniement de matériels dangereux ou fragiles ou de procédés délicats, le réalisme des objets, matériaux à manipuler, des fonctionnalités à activer ou des êtres vivants sujets de l’intervention, devra compléter la crédibilité pour une meilleure transposition de la connaissance ainsi développée en situation réelle de travail.

Les univers de réalité virtuelle favorisent la mémorisation de gestes mais également la compréhension de concepts rendue plus tangible par une mise en contexte. Ils offrent des situations pédagogiques sécurisées en éliminant tout danger propre à certains environnements (intervention sur des matériels électriques, opérations chirurgicales, maniement de matériels onéreux ou dangereux…).

2.
Théorie de l’évolution

Les métavers sont des univers persistants. Autrement dit, ils existent et évoluent en permanence, y compris en l’absence du joueur, du salarié, de l’apprenant, appelés à s’y rendre. En effet, les autres intervenants de l’univers continuent à y agir, réagir et interagir, faisant ainsi évoluer les situations et les environnements.

Cette notion de persistance est intéressante en formation car elle permet des aller-retours entre monde virtuel et monde réel, par exemple pour expérimenter dans la vraie vie des situations, des actions ou des réactions déjà réalisées dans le monde virtuel. L’apprenant peut alors débriefer en temps réel avec ses pairs sur le transfert en situation de travail, mais également bénéficier de la progression virtuelle de la communauté en son absence pour se voir proposer des mises en situation transformés durant ses périodes de déconnexion. L’expérience d’apprentissage peut ainsi, selon les thématiques, se trouver enrichie des interventions de tous et la collaboration être dès lors renforcée. Il assure un continuum pédagogique entre réel et virtuel.

Next step…
L’étape d’après sera rendue possible par l’existence de jumeaux numériques sur lesquels travaillent actuellement nombre de chercheurs et d’entreprises.

Un jumeau numérique est un clone virtuel d’un objet, d’un matériel, d’un système existant dans le monde réel. Basé sur l’IA (intelligence artificielle), il se matérialise par l’Internet des Objets. Ainsi dans la perspective de situations d’apprentissages évolutives en temps réel, le jumeau numérique relié à son double physique et réel intègre en continu les mises à jour et modifications (physiques, spatiales, temporelles) apportées à ce dernier dans la vraie vie. Très prometteurs dans le domaine industriel et en santé notamment, ces jumeaux numériques sont à même de favoriser le maintien et l’actualisation des connaissances tout au long de la vie du salarié dans l’entreprise.

Le jumeau numérique vu par Sanofi pour Hub Institut en moins de 4 minutes (en français), cliquez sur l’image :

Ces jumeaux numériques peuvent apporter une dimension réaliste au métavers et enrichir les actions de formation. Imaginez que demain, une société industrielle, un laboratoire pharmaceutique ou une entreprise de haute technologie implante dans le métavers son laboratoire virtuel de production ou réplique son usine avec tous ces équipements. Les apprenants pourront être formés sur la réplique exacte du matériel mais également suivre les modifications de la chaîne de production pour s’y adapter. Et au-delà des actions de formation, d’un point de vue de la maintenance par exemple, les équipes en charge de ce type d’opération pourront modifier, dans le métavers, les machines virtuelles clonées tout en modifiant dans le même temps les machines réelles, sans avoir à entrer dans des zones potentiellement dangereuses ou entourées de mesures d’asepsies spécifiques, sans nécessité d’être rassemblées sur un même site alors qu’elles sont basées dans des zones géographiques différentes…

Ces briques « jumeaux numériques » ouvrent des possibilités d’expériences de formation évolutives synchronisées avec la réalité et en phase avec les mutations technologiques permanentes sans avoir besoin de réinventer les situations d’apprentissage à chaque modification de process, de configuration ou de matériel.

Présence d’esprit

Réalisme et diversité de fonctionnalités de l’avatar, réplication de matériels, de process ou de situations réelles de travail et de co-activité au sein d’équipes pluridisciplinaires favorisent le sentiment de présence sociale dont on sait l’importance qu’il revêt dans l’engagement de l’apprenant, la mémorisation des connaissances et le transfert des compétences en situation de travail.

De façon générale, le sentiment de présence de l’apprenant dans le métavers est notamment lié :

  • à la fluidité des déplacements et des mouvements de l’avatar dans l’univers virtuel,
  • à l’immédiateté des réponses de l’environnement aux actions réalisées par l’apprenant,
  • à une durée d’exposition dans l’univers virtuel suffisamment longue pour faciliter l’adaptation sensorielle, avec toutefois le risque accru de désagrément physiologique du type nausées ou vertiges.

3.
Quelques expérimentations dans le métavers ou pas très loin

Surfant sur le buzz word, de nombreuses grandes entreprises ont planté leur logo sur le nouveau continent virtuel en partenariat avec des acteurs spécialisés du métavers. Visite guidée pour s’inspirer ou ne pas imiter…

Le metavers sur les rails à la SNCF ?

Au travers de l’immersive studio, la SNCF fait un pas vers le métavers, sans y entrer totalement faute de centralisation à date dans un territoire virtuel propriétaire des divers territoires défrichés et des multiples expériences développées en réalité virtuelle. Reste toutefois que l’immersion est la stratégie de formation des agents de l’entreprise ferroviaire.

Pour un petit tour (moins de 4 minutes) au sein de l’immersive studio de la SNCF, cliquez sur l’image : 

JP Morgan ouvre un bureau dans le fashion district de Decentraland

Deux étages, deux salles, une même ambiance : l’absence d’ambiance ou de vie virtuelle à l’exception d’un tigre qui fait les cent pas au rez-de-chaussée. La visite guidée (un peu plus de 4 minutes en anglais) ne vaut que par l’expérience Decentraland qui permet de relativiser le fait de ne pas y être. Cliquez sur l’image pour embarquer vers le nouveau monde.

Amazon lance un serious game ouvert à tous, pour former à sa solution cloud AWS

« AWS Cloud Quest : Cloud Practitioner » le jeu de rôle en ligne d’Amazon vise les professionnels qui débutent dans le cloud. Le joueur parcourt un territoire coloré pour relever des défis grâce aux services cloud d’Amazon et avancer dans sa quête. Visite de l’univers (en anglais) en moins de 2 minutes en cliquant sur l’image.

Et pour les plus curieux, vous pouvez tester la formation AWS en cliquant ici .

Onboarding chez Hyundai : Barcelone dans un fauteuil

Les nouvelles recrues Hyundai choisissent une destination (Barcelone, Prague, Istanbul) et se voient offrir une visite guidée virtuelle de deux heures. Ils se retrouvent tous ensemble et peuvent ainsi faire connaissance dans un cadre virtuel que la firme automobile veut dépaysant et convivial. Mais Hyundai ne limite pas le métavers à des activités de team building mais plus généralement aux activités de formation.

Source : Hyundai

NVIDIA du métavers à l’omniverse – un exemple de jumeau numérique

En collaboration avec Nvidia, BMW a créé un jumeau numérique de son usine du futur pour une collaboration des équipes localisées partout dans le monde dans le métavers. Cliquez sur l’image pour accéder à la présentation (en anglais en moins de 5 minutes) :

La battle : Mesh de Microsoft vs Meta de Facebook

Pour terminer ce bref voyage dans le métavers, la confrontation de deux géants : Microsoft contre Facebook.

Microsoft prévoit d’intégrer une solution de réunions immersives dans Mesh for Teams. Cette solution de visio 4.0 permet aux collaborateurs de participer à une réunion au travers de leur avatar personnalisé.

De son côté Meta de Marc Zuckeberg lance Horizon Workrooms pour permettre aux entreprises de créer des lieux virtuels de réunions et de collaboration.

Leur vision du métavers et leur proposition de valeur en 11 minutes (en anglais) en cliquant sur l’image :

CONCLUSION

Le métavers offre des possibilités infinies, motivantes pour l’apprenant, à condition de se rappeler que l’outil et la technologie sont au service d’un objectif et non l’inverse. Le métavers est balbutiant. Les cas d’usage sont en création. Côté formation, tout est à inventer. Outre l’ingénierie pédagogique et la création de contenus rendue plus délicate par l’univers en 3D, les problématiques de protection des données, de confidentialité sur ces univers virtuels ouverts restent entières.

La formation dans le métavers est et reste avant tout de la formation. A ce titre, l’attention portée à la scénarisation et la conception est primordiale pour servir la situation d’apprentissage dans le respect des fondamentaux pédagogiques :

  • un objectif de formation (défini et validé avec le manager des collaborateurs à former),
  • des objectifs pédagogiques sur chaque action évaluée, définis avec les experts ;
  • des situations crédibles, qui prennent en compte toutes les dimensions des tâches, process, missions à assimiler, élaborées avec les experts métier et, le cas échéant, avec d’autres salariés déjà en poste ;
  • une identification minutieuse des situations de travail adaptées à une réplication dans le métavers de l’environnement et de la pratique professionnels,
  • un niveau de difficulté croissant et une articulation pertinente entre les situations qui résultent d’un bon découpage de chaque tâche en micro-tâches ;
  • un tracking des réalisations et résultats de l’apprenant.

L’analyse des situations de travail basée sur la description précise des missions et tâches évite de s’appuyer sur des fiches de postes ou des éléments de travail prescrits et non réels qui nuirait avant tout à l’appropriation des savoirs, savoir-faire et savoir-être mais également à la crédibilité de l’immersion, donc à l’engagement de l’apprenant. Les fiches de postes peuvent toutefois constituer en amont une source de réflexion et d’identification des collaborateurs à interviewer ou à observer pour bâtir les cas d’usage.

La phase de conception s’appuiera sur les experts métiers de l’entreprise pour valider le déroulé et la scénarisation. Une présentation des scénarios pédagogiques à ces mêmes experts peut éviter des erreurs ou des omissions nuisibles à l’expérience de l’apprenant et à l’acquisition des compétences visées.

Côté coût, le prix d’un casque de réalité virtuel s’élève à 300 environ euros. Les coûts de création de scénarios réalistes et engageants par des studios de réalité virtuelle ne sont pas neutres. Les prix de l’immobilier pixélisés flambent. Difficile dans ces conditions de rentrer dès à présent sur le nouveau continent.