1.
LE SON : quel écho en formation ?

2.
Trouver sa voix en formation

3.
Design sonore : de l’attention à l’intention

4.
Musique et formation : sur la même longueur d’onde ?

Un point final en point d’orgue…

Arnaud HERGES

Arnaud HERGES | Fondateur — Hergès production

L’impact de la bande son en formation

Vous marchez dans la rue… Une voiture klaxonne. Si l’on vous demandait de décrire le son que vous venez d’entendre et à moins que vous ne soyez un expert du son, votre description porterait sans doute sur l’objet émetteur du son, sur l’action à l’origine du son émis. Peu d’entre vous en décriraient spontanément les propriétés acoustiques (cf. WW. Gaver – How do we hear in the world ? in Ecological Psychology 1993). Quelle conclusion en tirer ? Le son est porteur de sens.

C’est ce qu’est venu démontrer Arnaud Hergès, musicien, arrangeur et consultant chez Hergès production, au cours d’un épisode des Learning Happy Hours : l’impact du son sur notre perception et, pour parler formation, sa capacité à renforcer les apprentissages.

1.
LE SON : quel écho en formation ?

Souvent négligé, le son fait partie de notre quotidien sans même que l’on y prête attention.

Contrairement à de nombreux produits culturels, aux jeux-vidéos et malgré l’appétence de la nouvelle génération pour des univers culturels de plus en plus sophistiqués en terme d’images et d’ambiance musicale, le son n’a en revanche qu’une place très accessoire en formation. Les éléments sonores se limitent le plus souvent à des voix off d’acteurs. Le design sonore y est généralement pauvre. Lorsqu’il existe… On y retrouve peu de musique hormis quelques notes de « musiques d’ascenseur ».

De nombreuses heures sont investies dans la scénarisation des modules de formations, dans la recherche graphique de plus en plus réaliste. Pourquoi la bande son n’est-elle pas conceptualisée en formation alors que le design sonore occupe une place croissante dans la communication des marques obligées de diversifier leurs moyens d’interaction pour séduire des clients visuellement sur-sollicités ?

Du bon sens pour un bon son : la règle de trois

Le son est un ensemble très complet qui comprend au-delà de la voix, premier vecteur de son, le design sonore et la musique.

Un bon son respecte la règle de trois :

  1. Un son bien traité ne fatigue pas : il capte l’attention sans lasser l’auditeur.
  2. Un bon son reste dans les têtes : il est facilement mémorisable et aide à mémoriser le message qui lui est associé.
  3. Un son créatif, de par sa dimension ludique, concourt à l’apprentissage et se démarque de la concurrence.

En résumé, le son ne fait certes pas encore grand bruit en formation alors qu’il est vecteur d’émotions à même d’engager plus intensément nos fonctions cognitives. Les neurosciences s’intéressent aujourd’hui à son impact dans les processus mentaux tels que la mémoire, la perception, l’attention, l’apprentissage, la résolution de problème, la prise de décision…

2.
Trouver sa voix en formation

Au commencement était l’oreille… En effet, l’appareil auditif est le premier organe des sens à se développer dans l’embryon humain. Il est extrêmement complexe. Dans le cerveau, la vue dispose d’une zone de grande acuité capable de coder la position spatiale. En revanche, notre système auditif en est dépourvu. Cette différence entre système visuel et système auditif nous rend particulièrement sensibles à l’ensemble des sollicitations sonores quel que soit leur positionnement dans notre espace.

Bel organe !

Contrairement à de nombreuses espèces animales, l’oreille humaine ne perçoit ni les infrasons (inférieurs à 16Hz) ni les ultrasons (supérieurs à 16 000 Hz). Malgré ces limites, nous sommes capables de distinguer 1 400 hauteurs musicales et 280 niveaux d’intensité, soit environ 400 000 sensations auditives perceptibles.

Notre oreille est physiologiquement calibrée pour la voix, aux alentours de 2 500 Hz, qui correspondent à la fréquence sensible de la voix.

Curieux de tester les 2 500 Hz ? Cliquez et écoutez !

La configuration de l’oreille humaine et les contraintes techniques qu’elle induit doivent donc bien évidemment être prises en compte dans la sonorisation d’un module de formation.

Ayez voix au chapitre

La voix reste le canal principal, celle du formateur en présentiel, mais également dans les modes distanciels via les voix off des acteurs, souvent les seuls éléments sonores qui viennent habiller les modules. Mais évoquer la voix ne se limite pas à la parole. En vidéo, dans les serious games ou dans les animations, en dehors de la « voix parlée », les onomatopées constituent un atout pour humaniser les personnages et leur donner vie. Elles permettent également de créer un transfert émotionnel et empathique de l’élève vers son avatar. A l’heure de l’émergence de la réalité virtuelle et des environnements simulés en formation, cette notion de transfert dans nos doubles numériques est cruciale.

Envie d’en savoir plus sur nos capacités ubiquitaires en environnement virtuel ? Alain Berthoz, professeur honoraire au Collège de France et membre de l’Académie des sciences et de l’Académie des technologies éclaire cette relation de nous à notre double dans le monde virtuel.

La voix en formation est donc un levier pour humaniser les modules de formation, créer de l’empathie, favoriser les transferts émotionnels. Mais la voix seule ne suffit pas. Le Design sonore a une puissance évocatrice à même de renforcer plus encore les apprentissages.

3.
Design sonore : de l’attention à l’intention

« Le design sonore désigne la création sonore appliquée. (…) Il est le produit d’une tension entre un ensemble de contraintes fonctionnelles et techniques d’une part, et d’une exigence esthétique d’autre part. »

(Source : « Le design des interfaces numériques en 170 mots-clés », Dunod, Paris, 2013)

Utiliser le design sonore permet d’interagir avec un public en agissant sur 3 leviers :

  1. le stimulus-réponse qui permet de faire réagir en attirant l’attention avec un son connu de l’utilisateur. Le son induit alors chez ce dernier un comportement attendu. C’est l’effet alarme dont l’illustration la plus courante est le klaxon ;
  2. le feedback qui informe l’utilisateur de la prise en compte (par un ordinateur, un smartphone …) de la réalisation d’une action. Il s’agit par exemple du jingle sonore de succès dans un jeu ;
  3. l’induction qui impacte directement le comportement de l’utilisateur en provoquant des émotions. Ainsi, les ambiances sonores des centres commerciaux sont-elle conçues pour retenir le consommateur.

Le son nous informe et nous conditionne. Il nous avertit des dangers, nous agresse parfois, est annonciateur de plaisir. Il permet aussi d’ajuster un geste. Il fournit une somme d’informations spatiales et temporelles. Pour la petite histoire, des expériences ont montré que le son de la balle de tennis revêt une importance capitale pour les joueurs et qu’en l’absence de ce son, les erreurs et échecs augmentent sensiblement.

« Qu’est-ce que j’entends quand j’entends ? »

Et « qu’est-ce que j’entends quand j’écoute ? »

En formation, il ne s’agit plus seulement d’entendre mais bien d’écouter. Le design sonore (sound design en anglais) est un moyen de favoriser l’écoute active de l’apprenant. Il doit apporter un complément d’informations porteur de sens, d’émotions, dédié à un objectif pédagogique précis. Au-delà, de la nécessité de capter l’attention apparaît l’impératif de mettre une véritable intention dans l’environnement sonore des modules de formation pour favoriser la compréhension, la mémorisation, la reproduction d’un geste…

Le design sonore a donc une réelle puissance évocatrice.

Rappelez-vous cette scène mythique d’Apocalypse Now :

Le théâtre du 19e siècle l’avait déjà compris, introduisant des éléments sonores scénarisés pour habiller les jeux de scène. C’est à partir des années 80 et des bonds technologiques successifs que le design sonore a pris sa véritable dimension. Jeux-vidéos, publicité, cinéma, centres commerciaux, l’habillage sonore est une composante importante de notre expérience utilisateur dans nombre de domaines.

Pour s’en convaincre, 2 minutes 38 du film « The Matrix ». Concentrez-vous sur le design sonore de la scène, l’alternance des ambiances sonores puissantes et des silences placés avec justesse pour rythmer les plans et compléter notre perception visuelle.

Comment utiliser le design sonore en formation ?

Plusieurs scenarii sonores sont envisageables selon l’objectif visé.

  1. Créer un décor sonore complet pour sécuriser l’apprenant avec un contexte sonore connu et favoriser l’immersion.
  2. Créer un univers sonore imaginaire pour éveiller la curiosité de l’apprenant et l’inciter à poursuivre.
  3. Insérer des touches de silence pour distinguer les parties sérieuses des parties plus ludiques et souligner les apprentissages les plus importants.
  4. Utiliser des jingles de réussite ou des « avertisseurs sonores » pour augmenter l’effet de progression, donc de satisfaction et associer le jingle à des moments clés.
  5. Jouer sur les clichés et les codes sonores pour déclencher des réactions attendues en fonction d’une situation donnée et/ou un réflexe ou un geste conditionné.

En résumé, le design sonore en formation est facteur de sécurité, d’immersion, de mémorisation, de curiosité, de découverte, de satisfaction, de motivation, de progression et/ou de valorisation.

4.
Musique et formation : sur la même longueur d’onde ?

LeMelomane-G.Melies« Le pouvoir de la musique commence là où s’arrête celui des mots ». R. Wagner.

Difficile de ne pas citer Wagner après avoir écouté précédemment la Chevauchée des Walkyries. La musique est donc le troisième canal sonore permettant de stimuler les apprentissages. Pourvoyeuse d’émotions, la musique reste gravée longtemps dans l’inconscient.

Nombre d’études mettent en évidence le pouvoir de la musique sur le cerveau. Quelques explications de Pierre Lemarquis, neurologue et spécialiste de la musique, pour le magazine en ligne Thinkovery :

Pourquoi utiliser la musique en formation ?

Choisir une ambiance musicale en adéquation avec le message à transmettre, les savoirs à acquérir par l’apprenant constitue un atout :

  • d’abord parce que placer l’apprenant dans un contexte agréable est fondamental ;
  • ensuite parce qu’une musique bien choisie permet de donner une autre dimension au sens du propos et de renforcer le poids des images (le son fait 50 % de l’image) ;
  • enfin parce que les neurosciences de l’éducation ont montré l’importance des émotions en contexte d’apprentissage et que la musique est un vecteur puissant d’émotions. Même dans un contexte sérieux, il est important de faire ressentir, d’offrir à l’apprenant une dimension « plaisir » et « jeu ».

La musique est également un élément fédérateur. Elle peut être une signature « corporate » au service de la culture d’entreprise.

Tous ces atouts sont conditionnés au choix d’une musique travaillée avec un objectif pédagogique clair. Une musique choisie au hasard, sans réflexion initiée dans le cadre du projet de développement du module de formation n’atteindra pas les buts recherchés.

Un point final en point d’orgue…

Introduire un univers sonore cohérent et défini selon l’objectif pédagogique visé dans un module de formation est synonyme de bénéfices pour l’apprenant. Jens Blauert, psycho-acousticien allemand, évoque “l’adéquation d’un son dans un contexte pour un but ou une tâche technique spécifique”.

L’ambiance sonore pertinente permet une mise en condition immédiate de l’apprenant. Elle éveille et maintien l’attention plus longtemps. Elle aide à clarifier le message et renforce sa portée. La mémorisation en est favorisée.

Des voix de qualité créent une empathie à même de stimuler l’apprentissage.

Des jingles sonores dans les tâches d’entraînement (par exemple sur les exercices en cas de réussite ou d’invitation à réessayer) encouragent l’apprenant.

Une signature sonore fidélise l’apprenant dans un dispositif de formation long et renforce la culture d’entreprise.

Au final, la bande son (généralement moins coûteuse que l’image), agit directement sur le cerveau de l’apprenant et peut rapporter clarté, efficacité et plaisir.

Pourquoi s’en priver ?