1.
Des CHIFFRES pour des lettres… de noblesse ?

2.
Faut-il avoir peur du TAUX de #COMPLÉTION ?

3.
Avec toute notre RECONNAISSANCE

4.
Les MOOC ne peuvent pas faire l’ÉCONOMIE d’un MODÈLE

Pour ne pas rester sur sa FIN

MOOC : et si on faisait le point ?

Qui dit point dit point commun… Quel est donc le point commun entre la transition énergétique, le Christ vivant et agissant en son église, la gestion de projet et les 101 techniques de la cuisine ?
Vous pouvez désormais acquérir les fondamentaux de l’ensemble de ces sujets et bien d’autres encore en quelques semaines. Il font en effet partie des plus de 6 000 #MOOC – Massive Online Open Courses – (source : Class central) disponibles dans le monde et accessibles depuis chez soi à fin 2016.
C’est donc sans compter sur les MOOC d’entreprises (ou #COOC) et autres #SPOC (Small Private Online Courses) apparus plus récemment dans la galaxie de la formation après que les grandes universités américaines aient ouvert la voie du « Massif Open Online Courses » voici un peu plus de 5 ans.

Évolution de la recherche sur le terme MOOC sur Google en 5 ans (tous pays confondus)

Évolution de la recherche sur le terme MOOC en France sur Google en 5 ans


Les taux de croissance de l’offre ou du nombre d’apprenants donnent le tournis. Mais qu’en est-il de l’efficacité pédagogique de ces formations qui œuvrent désormais à se construire un modèle économique viable ? Tour d’Horizon…

1.
Des CHIFFRES pour des lettres… de noblesse ?

Selon le rapport 2016 de Class Central, 23 millions d’apprenants uniques se sont inscrits à un MOOC depuis 2012, soit 58 millions d’inscriptions (contre 35 millions en 2015) à un MOOC au moins sur la période.

Les chiffres clés 2016 en un coup d’œil

Les 5 plus gros diffuseurs de MOOC (en nombre d’apprenants inscrits) sont largement anglophones à l’exception de l’entrée, en 2016, d’une plateforme chinoise dans le classement.

  1. Coursera arrive en tête avec 23 millions d’utilisateurs déclarés et plus de 1 700 MOOC actifs
  2. edX compte 10 millions d’apprenants pour  1 300 MOOC
  3. le chinois XuetangX avec 6 millions d’utilisateurs et plus de 300 MOOC
  4. Futurelearn avec 5,3 millions d’apprenants et 480 MOOC
  5. Udacity avec 4 millions d’apprenants (nombre de MOOC actifs non communiqué)

(source : Class Central, rapport MOOC 2016)

La suprématie anglosaxone tend toutefois à se stabiliser comme le démontrent les chiffres des nouveaux entrants sur le marché. Les plateformes chinoise et sud-américaine (donc non anglophone) ont fait le plein d’apprenants nouveaux en 2016 : 25 % des « primo-mooceurs » ont rejoint une plateforme de MOOC diffusant en langue régionale (notamment en chinois).

En France, la plateforme FUN revendique 269 MOOC proposés depuis sa création pour un total de 312 000 inscrits.

Cliquez sur l’image pour découvrir l’infographie complète

En 2017, le taux de croissance des nouveaux apprenants devrait se stabiliser sous l’effet de la   monétarisation croissante de l’offre que tentent d’introduire les principales plateformes.

Offre : l’appel d’air

Du côté de l’offre, plus de 2 600 nouveaux MOOC gratuits et accessibles librement (hors COOC et SPOC) ont vu le jour en 2016 (en hausse de 44 % sur 1 an). En mars 2017, ce sont 1 300 sessions qui démarrent dont 108 nouveaux thèmes qui viennent enrichir le catalogue mondial.
A noter, au chapitre des innovations et de l’accessibilité du savoir partout, tout le temps, Lynda a annoncé en mars 2016 un partenariat avec la compagnie aérienne Virgin America pour mettre son offre de cours à disposition des voyageurs, le temps du vol : https://blog.linkedin.com/2016/03/15/never-stop-learning-access-lynda-com-courses-on-your-next-virgin-america-flight
Devant le développement des COOC (ou MOOC d’entreprises), les grandes plateformes commencent à s’orienter vers ce segment porteur d’un public plus captif. Ainsi Coursera a-t-elle lancé mi-2016 un segment « corporate » : https://www.marketwired.com/press-release/coursera-launches-coursera-business-enterprise-platform-workforce-development-scale-2154565.htm. Dans la liste de ses premiers clients, L’Oréal ou encore Air France et Gemalto.

Fort en thèmes

Au terme de l’étude 2016 de Class Central, l’informatique et les nouvelles technologies d’une part et le management et la gestion d’autre part constituent les deux thématiques phares des MOOC gratuits avec respectivement 17,4 % et 19,4 % de parts de marché.
Viennent ensuite les sciences dures avec un peu plus de 10 % de l’offre, puis les sciences sociales qui avoisinent la même proportion.

Pour résumer

Au bilan, l’acculturation de la population (notamment dans les pays occidentaux et pour les apprenants diplômés ou en cours d’études supérieures)  à ces nouvelles modalités de formation est désormais une réalité.  En France en témoignent les levées de fonds réalisées en 2016 par plusieurs sociétés spécialisées dans la conception et la diffusion de MOOC, COOC et SPOC (Coorpacademy, digischool, Openclassrooms, Unow…).

Toutefois, derrière cette réalité de croissance exponentielle, d’autres chiffres sont souvent mis en avant par les plus sceptiques : le taux de complétion et la viabilité économique de cette modalité de formation 3.0. Le taux de complétion est-il véritablement le graal qui signe le succès d’un MOOC ?

2.
Faut-il avoir peur du TAUX de #COMPLÉTION ?

A-t-on péché par optimisme en croyant qu’ouvrir l’éducation et le savoir à tous sans restriction financière ni culturelle allait régler les problèmes d’employabilité de chacun, riche comme pauvre, diplômé comme sans bagage ? Après une demi-décennie de recul, le constat est sans appel, au-delà des qualités pédagogique et collaborative intrinsèques du MOOC, les disparités de niveau d’éducation initiale et de développement économique, pour ne citer qu’eux, jouent un rôle fondamental dans la capacité des individus à suivre un MOOC jusqu’au bout. Et au-delà même des ces variables sociaux-économiques, la facilité d’inscription et la gratuité entraînent souvent l’internaute à devenir « apprenant malgré lui », au gré de son butinage sur la toile.

Face à l’abandon : quels profils ?

Sur la base d’une étude publiée par l’Université de Stanford, Phil Hill, spécialiste de la digitalisation de l’éducation et associé du cabinet MindWires représente l’engagement des apprenants au fil des semaines de déroulement d’un MOOC totalement ouvert et gratuit, selon différents profils.

Dans son schéma, Phil Hill distingue 5 grandes typologies d’apprenants et leur durée d’engagement dans le parcours :
les « inactifs » qui ne sont même jamais connectés (No shows), devenus apprenants malgré eux au fil de leurs pérégrinations sur Internet, constituent une large part des inscrits ;

  • les « observateurs » (Auditing), ceux qu’en d’autres temps le corps professoral aimait appeler « Touristes » sur les bulletins tâchés d’encre, qui picorent les activités au gré de leurs envies tout au long des semaines et parfois jusqu’à la fin sans forcément d’interactions avec leurs pairs ;
  • les « participants passifs » (Completing Passif) qui visionnent les vidéos, réalisent la quasi totalité des activités, vont enrichir leurs connaissances en suivant les fils de discussion sur les forums mais sans prendre part à aucun échange entre pairs ;
  • les « participants actifs » (Completing Active) qui, sur le modèle de leurs pairs « participants passifs », visionnent les vidéos, réalisent les activités mais vont en outre prendre une part active aux discussions et aux échanges sur les forums et se prêtent au jeu de la correction par les pairs ;
  • enfin les « opportunistes » (Sampling) qui, une fois le parcours très avancé, vont choisir quelques ressources qui les intéressent.

Parmi les observateurs et les participants actifs ou passifs, on constate un taux d’érosion de la motivation non négligeable au fil des semaines (Disengaging) ainsi qu’une proportion d’abandon (Drop out) importante.
Que celui qui ne s’est jamais inscrit sur un MOOC d’histoire de l’art pour parfaire sa culture et briller dans les dîners avant de s’arrêter avant même d’avoir commencé nous jette la première brique… de savoir !

Complétion : quels leviers motivationnels ?

Dans ce contexte est-il pertinent de mesurer le succès d’un MOOC à son taux de complétion (ou taux d’achèvement) ? Et ce, quel que soit le mode de calcul : rapport du nombre d’apprenants terminant le parcours sur le nombre d’inscrits ou rapport du nombre d’apprenants terminant le parcours sur le nombre d’apprenants ayant commencé le MOOC.

Ce fameux taux de complétion qui excède rarement 10 % dans le cadre de MOOC totalement ouverts (nous ne parlons ici ni des COOC ni des SPOC dont le public est soit plus captif soit engagé financièrement) est un indicateur qui a eu l’intérêt de soulever chez les pédagogues, auteurs de MOOC, des questions sur l’engagement de l’apprenant et les leviers motivationnels à même de le fidéliser. Il a également permis une prise de conscience sur la finalité que chacun peut donner aux MOOC. L’achèvement ne constitue pas une fin en soi (surtout en l’absence de certification ou de diplôme) pour de nombreux inscrits qui souhaitent simplement butiner dans les MOOC. Sélectionner des modules spécifiques d’un parcours pour enrichir une compétence précise peut satisfaire l’apprenant.

Pour autant difficile de définir un indicateur objectif de succès. Le défi semblerait a priori plus simple à relever dans le cadre de COOC (MOOC d’entreprises) qui allient la puissance du service formation et les leviers d’engagement de la communication interne pour inciter un public plus captif de collaborateurs à s’investir. Dans ce cadre, le taux de complétion peut avoir un caractère plus probant et mesurer la capacité de la direction générale à incarner le projet en s’en faisant sponsor, du service formation à mettre en œuvre des objectifs, un découpage et une ingénierie pédagogiques pertinents, du management intermédiaire à motiver les apprenants… Pourtant, nombre d’études montre parfois, là encore, un taux d’abandon au fil des semaines proche des taux constatés dans les MOOC totalement ouverts au public.

Au-delà de la qualité du teaser, indispensable dans les MOOC ouverts, comme dans les COOC ou SPOC, pour attirer les apprenants et leur donner envie de s’inscrire, l’enjeux réside, pour la complétion, dans la qualité des contenus mis à disposition et de l’accompagnement offert tout au long des semaines. Un #learning community manager constitue un atout majeur dans l’animation de la communauté et la propension du MOOC à retenir l’apprenant. En véritable community manager dédié à la formation, il pourra, en coordination avec l’expert et le pédagogue, organiser des classes virtuelles, créer des challenges asynchrones incitant la collaboration entre pairs, répondre aux questions restées sans réponse sur le forum, relancer les débats, soumettre des sondages…

Pour les MOOC ouverts, l’absence de reconnaissance officielle (certification ou diplôme) est une critique qui revient dans les différentes études menées sur des panels d’apprenants. Cette problématique est étroitement liée à la pertinence du taux de complétion comme indicateur de succès. Elle est également corrélée à la construction du modèle économique des MOOC qui deviennent au fur et à mesure payants, en tout ou partie. Dans un récent article de La Tribune, Nikhil Sinha, Chief Business Officier de Coursera expliquait que, dans leur environnement gratuit, seul 8 % des apprenants vont au terme du parcours quand ils sont 65 % à achever les formations lorsqu’ils payent pour obtenir un certificat.

3.
Avec toute notre RECONNAISSANCE

La reconnaissance des formations réalisées via des MOOC, certes encore limitée, se développe depuis plusieurs mois. C’est une des tendances 2016 en matière de MOOC. Cette voie peut permettre d’asseoir la légitimité pédagogique d’un MOOC (nous revenons au fameux taux de complétion) et d’assurer un modèle économique viable.

Les grandes plateformes américaines proposent ainsi désormais des certifications « maison » voire des préparations à des diplômes en partenariat avec de grandes universités. En 2016, Class Central a recensé plus de 250 MOOC certifiants. Les apprenants bénéficient ainsi d’une reconnaissance de leur engagement dans un parcours de formation et d’une visibilité qu’ils peuvent afficher sur leur CV ou leurs profils sur les réseaux sociaux.

La France possède également ses programmes certifiants. Le MOOC « Gestion de projet » proposé par l’école centrale de Lille délivre une attestation de réussite mais permet également  de cumuler des crédits ECTS sur une base estimée de 25 heures de formation. Ces crédits permettent aux apprenants d’intégrer des cursus académiques en Europe.

La certification impose aux apprenants qu’ils se soumettent à épreuve certificative en présentiel ou à distance (épreuve alors adossée à un système de surveillance par Webcam). Le programme a enfin été décliné en SPOC pour les collaborateurs d’entreprises.

Il en va de même pour certains MOOC proposés par la plateforme FUN qui donnent lieu à certification.  Là encore la vidéo-surveillance est utilisée pour attester de la régularité des conditions d’examen.

De façon générale, le passage d’une certification est payant. C’est notamment sur cette modalité que les MOOC totalement ouverts construisent aujourd’hui leur modèle économique.

Quelle valeur chez les recruteurs ?

Les MOOC commencent à s’afficher sur les CV dans la rubrique « Formation ». Constituent-ils vraiment un « plus » en terme d’employabilité ?

Aux dires de certains recruteurs, si les MOOC ne sont pas une garantie de compétence, ils prouvent au moins l’engagement du candidat dans une démarche personnelle de maintien de son employabilité et de volonté de progresser. A ce titre, ils trouvent toute leur place dans une candidature. Ils témoignent également d’une utilisation des nouvelles technologies au quotidien. Encore faut-il aller au terme du parcours pour pouvoir s’en prévaloir.

4.
Les MOOC ne peuvent pas faire l’ÉCONOMIE d’un MODÈLE

Plus de 5 ans après l’apparition des premiers MOOC, la problématique du modèle économique reste un sujet épineux. Selon la cible (B2B ou B2C) et la prestation (éditeur de MOOC ou diffuseur), les modèles ne peuvent bien évidemment pas être exactement les mêmes.

En B2B, les éditeurs de MOOC, de COOC ou de SPOC ont un modèle de prestation de services classique avec des tarifs de conception, de gestion de projet, d’accompagnement au déploiement…

En B2C, le développement de SPOC intégralement payants côtoie des modèles de MOOC freemium dans lesquels l’apprenant accède à des ressources (généralement les vidéos) gratuites et des services payants.

Une étude de Class central évalue à près de 100 millions de dollars en 2016, le montant du chiffre d’affaires réalisé par les 3 grandes plateformes américaines (Coursera, Udacity et edX).

En image le taux de croissance du nombre d’apprenants payants sur Coursera en 2016 :

Selon les plateformes et les éditeurs de MOOC en B2C, les accès payants permettent à l’apprenant :

  • d’obtenir à des ressources complémentaires (fiches de synthèse, e-book…)
  • de bénéficier d’un accompagnement tutoral personnalisé ou d’une correction de devoirs par un expert ;
  • de présenter des épreuves certificatives, conférant alors au MOOC une reconnaissance.

Alternative au freemium, le modèle par abonnement permet à l’apprenant de choisir les cours qu’il souhaite suivre et de bénéficier de l’enrichissement du catalogue au fur et à mesure.

L’émergence des modèles payants amène également l’offre et la conception même des MOOC à évoluer. On a vu apparaître en 2015 et 2016, des sessions accessibles plus régulièrement au cours d’une année (un démarrage toutes les semaines par exemple, contrairement aux sessions programmées une à deux fois par an). Dans ce nouveau modèle le caractère massif du MOOC tend à s’estomper au profit de « promos » plus réduites.

De même l’émergence des certifications et des modèles payants a entraîné un découpage plus fin de l’offre de plusieurs éditeurs, dont Coursera. Le suivi de plusieurs MOOC peut ainsi être nécessaire pour obtenir une certification.

Pour ne pas rester sur sa FIN

Comme l’ensemble de la formation à distance devenue digitale, les MOOC évoluent au rythme de l’acculturation digitale de la société et des besoins croissants de formation tout au long de la vie. Accompagné en France par une évolution légale et réglementaire, le MOOC prend place peu à peu dans le paysage formatif : il est désormais possible de suivre un MOOC payant dans le cadre du CPF.

Pour finir, sur une projection dans les années à venir, le cabinet Gartner prévoyait en 2016 une apogée des MOOC d’ici 5 à 10 ans. De quoi réinventer plusieurs fois le modèle !