Pas de surprise : comme ailleurs, le Covid-19 a catalysé des tendances déjà à l’œuvre dans le secteur de l’éducation. Et en premier lieu, l’usage massif des technologies. Après l’acculturation numérique à marche forcée, quelles perspectives désormais ?

Huit mois après le premier confinement, nous savons désormais qu’il faudra vivre avec le virus et revisiter sous cette contrainte nos modèles de société, dont l’enseignement est un pilier fondamental. Comment renforcer nos stratégies éducatives dans ce monde en profonde mutation ? Comment repenser la formation des générations futures ? Le numérique est-il la solution à tout ? Quel nouveau rôle pour la figure tutélaire du professeur ?

Nation apprenante

Au cœur de la crise, les enseignants et les professionnels du secteur – qu’on dit pourtant souvent rétifs au numérique – ont mis sur pied des protocoles inédits pour continuer à former et accompagner leurs élèves, usant de tous les formats rendus possibles par les technologies : cours en ligne, visioconférences, messageries instantanées, etc. sur les plateformes dédiées, comme ÉcoleDirecte, mais détournant aussi avec créativité d’autres supports ou réseaux, tels que Discord, Zoom, Skype ou WhatsApp, entre autres – ce qui interroge par ailleurs sur cette nouvelle prise de position des GAFAM, dont les modèles économiques et l’usage des données ne sont a priori pas exactement compatibles avec l’idéal que nous nous faisons de l’école.

Netflix pédagogique et centralisé ou partenariats public-privé ?

Réalité augmentée ou virtuelle, intelligence artificielle, adaptative learning… les possibilités offertes par le numérique doivent au contraire permettre de s’adapter à chacun et simplifier la vie des enseignants. Pour la dirigeante, la réponse ne consiste toutefois pas en une approche centralisée – comme celle défendue par Stanislas Dehaene, président du Conseil scientifique de l’Éducation nationale, prônant dans Le Monde un « Netflix centralisé et gratuit » des ressources pédagogiques – mais plutôt pour des partenariats public-privés, avec des startups innovantes et laissant aux professeurs le choix de leurs outils.

La percée de l’apprentissage à distance s’est jusqu’à maintenant faite du côté des particuliers et de la formation professionnelle, et le potentiel de croissance est donc bien réel. Selon HolonIQ, le marché global de l’Edtech pourrait représenter 342 milliards de dollars en 2025 (représentant 4,4% des dépenses éducatives), contre 152 milliards en 2018 (2,6% des dépenses éducatives).

Le meilleur des deux mondes

Alors quel visage prendra demain la transmission des savoirs ? Comme pour le télétravail, 2020 marquera un moment-charnière dans le déploiement de l’enseignement à distance. Sous réserve de l’évolution de la pandémie, et des possibles stratégies de « stop and go » tant qu’un vaccin ou un traitement ne seront pas trouvés, l’une des questions sera de savoir où placer le curseur entre présentiel et distanciel.

Car à bien des égards, l’enseignement co-modal bien conçu pourrait permettre de réunir le meilleur des deux mondes. D’une part, parce que cette hybridation sera aussi celle qui régira les réalités professionnelles de demain et à ce titre, doit être enseignée. Mais aussi parce que le numérique bien pratiqué peut aussi être facteur d’inclusion : en réglant par exemple les problèmes d’accessibilité, pour les élèves en situation de handicap, en favorisant l’accès aux ressources quand les établissements sont fermés, ou en ouvrant les campus sur le monde avec la possibilité d’attirer à eux les meilleurs intervenants et conférenciers.

Sortir de l’empilement de savoirs académiques et développer les soft skills

Le développement du numérique sera aussi l’occasion de repenser les façons de faire cours, et la figure du professeur évoluera en conséquence. Tandis qu’en classe, la gageure consiste souvent à personnaliser l’enseignement de groupe, le distanciel impose au contraire de développer un effort particulier pour faire corps, et créer un sentiment d’appartenance à un groupe éclaté.

« La formation, c’est aussi le partage »

Mais ne nous y trompons pas : le besoin d’interactions dans la « vraie vie » entre élèves et professeurs, mais aussi entre pairs, est essentiel. On pense bien sûr à l’enseignement primaire et secondaire, où l’accompagnement au plus proche des enfants ne fait pas débat. Mais même dans le supérieur, où les étudiants sont capables de l’autonomie nécessaire pour organiser leur travail, seuls et à distance, la rencontre est cruciale. Comme nous le confiait Valérie Moatti, doyenne de l’ESCP Business School, dans une interview à paraître pour Et Demain Notre ADN, « la formation, ce n’est pas juste l’apprentissage, c’est aussi le partage, le réseau, l’expérience. »

Avec l’aimable contribution d’Arnaud Pagès, rédacteur en chef du Livre des Tendances 2021 L’ADN.

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Repéré depuis https://demain.ladn.eu/secteurs/education/lenseignement-post-covid-entre-continuite-pedagogique-et-revolution-numerique/

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