1.
La formation déploie ses « L »

2.
Construire un environnement d’apprentissage du XXIe siècle

3.
Quelle fonctionnalité pour quel objectif ?

S’il te plaît dessine moi la plateforme de demain

LMS, LCMS, LRS… Voilà plusieurs décennies déjà que la technologie a pris sous son « L » le management de la formation à distance, oubliant parfois un peu vite l’acteur central du dispositif : l’apprenant.

Le XXe siècle fut l’ère du produit. Le XXIe siècle est celui de l’utilisateur. En formation, l’on assiste au passage d’une logique de transmission de savoir par le formateur, à une logique de construction de compétences par l’apprenant. Pour accompagner cette mutation consistant à placer l’apprenant au centre de ses apprentissages, de nouvelles fonctionnalités viennent enrichir les outils au service de la formation. Social learning, mobile learning, gamification, adaptive learning constituent autant de briques qui ouvrent la voie à l’engagement de l’apprenant au service de l’organisation apprenante. Si le service formation se doit d’identifier les compétences individuelles et collectives indispensables à la compétitivité de l’entreprise, il n’est plus seul. De la direction générale, au management de proximité et jusqu’au collaborateur lui-même, l’ensemble des parties prenantes doit être associé à la définition des besoins et à la construction des savoir et savoir-faire à maintenir ou acquérir.

Bien loin du e-Learning des années 90, l’espace de formation n’est plus un lieu clos, centralisé et administré par quelques personnes déclarées « sachantes », que l’apprenant visite sous la contrainte. Pour porter ses fruits et maximiser l’engagement de l’apprenant, l’environnement d’apprentissage est aujourd’hui ouvert, social, collaboratif, accessible partout et tout le temps.

Visite guidée des nouveaux espaces de formation à distance…

1.
La formation déploie ses « L »

En mai 2018, Gartner, société américaine de conseil et d’analyse, introduit une nouvelle catégorie de plateformes de formation : le LEP (ou LXP) pour « Learning experience plateforme ». Centré sur l’apprenant et sur les habitudes de consommation digitale, le LEP a pour objectif de faire la synthèse entre le besoin de formation définit par l’entreprise et les habitudes de consommation que nous avons tous intégrés avec la révolution Internet.
Ensemble de fonctionnalités 3.0, le LEP répond à la définition socioconstructiviste de l’apprentissage  qui considère tout autant le contexte de l’apprentissage que son contenu, qui met en avant la nécessité d’une construction active des compétences par l’apprenant au travers de relations sociales avec ses pairs et avec les formateurs et tuteurs, censés le guider plus que délivrer un enseignement descendant. Responsabiliser l’apprenant dans le maintien et l’actualisation de ses compétences en lui conférant une autonomie plus grande constitue un axe majeur d’engagement en formation.

Là où les LMS traditionnels ressemblent souvent à des espaces fermés et contraints dans le choix des contenus de formation et la navigation, le LEP permet une agrégation de ressources externes, identifiées comme pertinentes par les apprenants en complément des ressources sélectionnées par le service formation. Les LEP peuvent embarquer des systèmes d’IA (Intelligence artificielle) pour personnaliser le parcours en fonction des préférences et des objectifs individuels de l’apprenant. Les ressources pluri-formats (textes, vidéos, podcats, images) sont finement granularisées pour une accessibilité multi-devices, aussi bien dans un parcours, qu’en juste à temps en mobile learning.

Est-ce à dire pour autant que les LMS sont mort ? Ce serait enterrer un peu vite toutes les fonctionnalités indispensables à la création, à la diffusion et à la gestion des modules distanciels qui ne sont pas forcément présentes dans un LEP.

2.
Construire un environnement d’apprentissage du XXIe siècle

En 2012, l’OCDE définissait 7 piliers de l’apprentissage au XXIe siècle. Adaptés à la formation pour adulte, on peut lister 7 principes fondamentaux qui pourraient être systématiquement pris en compte dans la conception d’environnements apprenants.

    1. Reconnaître l’apprenant comme l’acteur central de toute démarche de formation. Sans son implication dans sa démarche d’apprentissage, point de résultats. Tout environnement apprenant devrait ainsi favoriser l’autonomie de l’apprenant lui permettant de :
      • développer des compétences méta-cognitives, indispensables pour une meilleure conscientisation de sa montée en compétence ;
      • optimiser et évaluer son acquisition de connaissances ;
      • s’appuyer sur ses émotions pour renforcer sa motivation à suivre le parcours ;
      • gérer de façon personnalisée le temps qu’il peut consacrer à ses actions de formation ;
      • définir, au-delà de l’objectif de formation tourné vers un besoin d’optimisation collective des process de l’entreprise, des objectifs spécifiques qui lui sont propres.
    2. Apprendre est un acte social. L’isolement constitue un frein à l’acquisition de connaissances et de compétences nouvelles. Les neurosciences de l’éducation ont montré que les activités collaboratives ont un impact évident sur la mémorisation et l’engagement de l’apprenant. C’est par l’échange avec ses pairs et avec les tuteurs et experts qu’il construit ses compétences nouvelles, déconstruit ses schéma de pensées anciens et donc s’approprie les savoirs et savoir-faire nouveaux pour lui et/ou pour l’entreprise.
    3. Apprendre passe par aussi par les émotions. Intellectualiser les savoirs ne suffit pas, l’implication émotionnelle est déterminante sur le résultat de la formation. Cognition et émotion sont donc les deux piliers sur lesquels bâtir toute démarche formative. On sait aujourd’hui que l’émotion joue fortement sur les capacités de mémorisation et de motivation.
    4. Personnaliser les parcours de formation est gage d’efficacité et d’optimisation du temps de formation. Chaque apprenant a une histoire personnelle et professionnelle, des aptitudes particulières développées au cours de sa vie. L’environnement de formation est au service individuel de chaque apprenant pour in fine servir collectivement l’organisation.
    5. L’objectif pédagogique, le rythme de la formation, les prérequis doivent permettre à l’apprenant de se situer dans sa zone proximale de développement. Aidé de toute la communauté apprenante et de ses tuteurs, l’apprenant doit pouvoir acquérir des compétences nouvelles en s’appuyant sur ses acquis, sans qu’il ne soit confronté ni à l’ennui (niveau trop faible au regard de ses capacités), ni au découragement (niveau trop haut au regard de sa situation).
    6. Évaluer la progression de l’apprenant. L’environnement formatif doit permettre une évaluation sommative qui guide le service formation dans le déploiement des parcours au fil du temps. Il doit aussi favoriser l’auto-évaluation par l’apprenant afin de renforcer son autonomie dans la définition de ses objectifs et des ressources qu’il doit personnellement y allouer.
    7. Replacer chaque parcours dans son contexte. Expliciter les objectifs et relier chaque compétence cible à un besoin précis pour l’entreprise ou à un enjeux personnel d’employabilité.

3.
Quelle fonctionnalité pour quel objectif ?

Traditionnellement les LMS du marché développaient leurs principales fonctionnalités autour de l’organisation et de la gestion du plan de formation. Autrement dit, l’effort de conception portait sur la facilité d’utilisation par le service formation. La gestion administrative (inscription des apprenants, création des groupes affectés à chaque tuteur, etc.) était prépondérante. Venaient ensuite la mise à disposition du contenu et la construction de parcours contraints et bornés dans le temps (une date de début et une date de fin de formation) avec en parallèle les fonctions de communication descendante vers l’apprenant (information sur l’ouverture du parcours, relance basées sur l’assiduité et la complétion des parcours…).

Aujourd’hui, nombre de plateformes, au premier rang desquelles les nouveaux LEP, évoluent pour intégrer toutes les dimensions d’engagement de l’apprenant. Si l’on reprend les 7 piliers de l’apprentissage du XXIe siècle, pour chacun l’on peut dégager des familles de fonctionnalités largement inspirées de la pratique digitale quotidienne de tout un chacun et de l’expérience utilisateur, mise en avant dans le marketing produit ou les stratégies de marques.

Placer l’apprenant au centre du dispositif, c’est lui laisser la liberté de co-construire ses apprentissages en utilisant les ressources pédagogiques mises à disposition par l’entreprise mais également en lui permettant d’agréger du contenu externe qu’il aura identifié comme pertinent (lien vers un site Internet, une vidéo Youtube, une page Facebook, un article LinkedIn…) ou qu’il aura lui-même créer  (témoignage, retour d’expérience, travaux de recherche…).

La plateforme doit ainsi devenir un espace ouvert sur le monde et accueillir du contenu externe, le cas échéant modéré par le service formation, le manager de proximité, la communauté apprenante…

Enfin, la plateforme doit être intuitive et ergonomique afin que l’apprenant puisse trouver immédiatement les ressources dont il a besoin à un instant « t ».

La dimension sociale de l’apprentissage est en passe de devenir un standard. Tous les outils de social learning (forums, chats, réseaux sociaux,…) favorisent la co-construction des savoirs et font désormais souvent partis de la démarche d’ apprentissage. La plateforme doit ainsi embarquer les réseaux de communication digitale que nous utilisons tous les jours dans nos activités qu’elles soient professionnelles ou personnelles. La dimension sociale ne doit pas se limiter aux activités de formation synchrone (classe virtuelle ou regroupement présentiel, par exemple). La communauté doit donc être animée, dynamisée voire modérée si besoin. C’est le rôle du learning community manger.

Comment intégrer de l’émotion dans l’environnement formatif de l’apprenant ? L’émotion peut être distillée en continu dans le parcours à la fois dans les contenus même, via des ressources basées sur du storytelling ou des serious-game, mais aussi dans la scénarisation du parcours par le biais d’éléments de gamification (challenge entre pairs ou badge de compétences, par exemple). Enfin l’émotion peut être présente dans l’animation de la communauté, au travers d’activités de travail collaboratif, par exemple.

La construction de parcours personnalisés repose sur des fonctions d’adaptive learning soutenues par des algorithmes et de l’intelligence artificielle. L’intelligence artificielle permet d’analyser les traces laissées par l’apprenant durant son parcours et de s’adapter à son rythme, à ses préférences (préférences relatives au canal de communication ou au formats des messages et notifications, par exemple). Elle permet également d’envoyer des recommandations à l’apprenant pour qu’il aille consulter telle ou telle ressource au vu de sa progression et de son profil. De la même façon que les sites de e-commerce envoient à leurs clients des recommandations après avoir analysé leur panier et rapproché leur profil de celui d’autres acheteurs. L’intelligence artificielle et les learning analytics jouent un rôle fondamental dans les actions de renforcement des acquis et la gestion de la courbe de l’oubli de l’apprenant, en lui présentant les notions de façon récurrente mais suffisamment espacée dans le temps pour faciliter la mémorisation sur le long terme.

La construction de parcours personnalisés passe enfin par l’incitation à aller rechercher des ressources annexes ou complémentaires sur le net, les réseaux sociaux, l’intranet, auprès de ses pairs…

Le positionnement de l’apprenant dans sa zone proximale de développement peut être liée à l’analyse des traces qu’il laisse sur la plateforme. Ces traces permettent de pousser le contenu le plus adéquat en fonction des résultats, par exemple. Elle passe aussi par les fonctions sociales de l’environnement d’apprentissage, dans une démarche de collaboration entre pairs et/ou entre les apprenants et les tuteurs, experts et formateurs.

Evaluer les acquis et la progression sur un parcours est essentiel à la fois pour le service formation et pour l’apprenant lui-même. A la fois individuelle et collective, l’activité d’évaluation permet :

  • à l’entreprise de mesurer l’adéquation entre les compétences disponibles et celles à développer pour servir sa stratégie de croissance ;
  • à l’apprenant de se situer par rapport à son objectif personnel de montée en compétence et de renforcer ses efforts le cas échéant ;
  • au formateur de mettre en place des actions de suivi et de renforcement personnalisées.

Associer l’intelligence artificielle pour recommander les bonnes ressources au bon moment avec l’intelligence humaine du formateur capable de dynamiser, remobiliser l’apprenant constitue un atout dans la construction de l’expérience apprenante.

Enfin replacer chaque parcours dans son contexte, permet de privilégier des fonctionnalités adaptées au secteur d’activité de l’entreprise dans une logique interne de marketing de la formation. Les fonctions de social learning sont ainsi cruciales dans le cadre d’une entreprise de e-commerce ou une agence de communication. Intégrer des expériences de réalité virtuelle pour acquérir les bons réflexes sans exposer l’apprenant aux risques métiers est une solution efficace dans nombres de secteurs industriels.

Coller aux pratiques du secteur dans lequel évolue l’entreprise, et donc l’apprenant, au travers de fonctionnalités offertes aux clients permet de maintenir l’apprentissage dans une logique métier et résolument opérationnelle. L’expérience apprenant sera d’autant plus riche qu’elle sera proche de l’expérience client ou utilisateur mise en avant par l’entreprise auprès de sa cible externe.

 S’il te plaît dessine moi la plateforme de demain

En résumé, l’environnement d’apprentissage de demain devrait ressembler à Netflix dans sa liberté de choix et la promotion personnalisée des contenus. La plateforme serait ouverte sur le monde par des fonctions de curation de contenus. L’apprenant serait maître de ses apprentissages après avoir défini avec l’entreprise les compétences à acquérir en lien avec son propre objectif individuel.

Les contenus multi-formats et multi-devices, co-construits par l’équipe formation, les managers et la communauté apprenante y seraient privilégiés.

L’animation de la communauté serait au cœur de la scénarisation pédagogique.

Dans ce contexte, les LMS pourront s’enrichir pour des fonctionnalités des LEP et réciproquement. Fusion des plateformes ou agrégation des fonctionnalités, le portail de formation de l’entreprise apprenante fera de l’acquisition de savoirs et savoir-faire une activité quotidienne du collaborateur au même titre que ses missions dédiées à la production