La formation doit s’adapter au monde qui change. Tout le monde semble d’accord pour accepter cette maxime, ce qui semble être une vérité sociale. Dans un monde qui bouge la formation doit apprendre à bouger avec le monde.
La disruption doit conduire à des transformations très rapides de la formation pour suivre le mouvement. Comment ne pas confondre transformation et « bougisme » pour reprendre le terme de Pierre-André Taguieff (Résister au bougisme, 2001) ? Bouger au gré des nouvelles modes pédagogiques pour épouser le mouvement, « le changement pour le changement ». Et comment dans la valse des changements, la formation peut encore garder une direction, mieux un sens ? Le changement permanent, est-il un synonyme d’agilité ? Comment trouver le juste équilibre dans une entreprise qui se cherche ? Que faut-il en penser ?
La théorie de la contingence
L’étymologie de la contingence est liée au hasard de ce qui arrive, la théorie de la contingence n’est pourtant pas une nième théorie du hasard, mais une théorie organisationnelle qui analysait comment les organisations s’adaptent à des changements environnementaux. Le premier à avoir présenté une théorie de la contingence est Joan Woodward (1965) à partir d’enquêtes terrains de 1953 à 1957 sur l’influence de la technologie sur l’évolution des organisations. Mais c’est Paul Lawrence et Jay Lorsch qui proposent l’ouvrage de référence « Adapter les structures de l’entreprise, Intégration ou différenciation » (1967), suivant la stabilité de l’environnement, l’entreprise adapte sa structure pour optimiser ses performances. En période stable, les entreprises se standardisent alors qu’en période de turbulences elles se différencient, proposant des solutions organisationnelles spécifiques. La rapidité d’ajustement devient un facteur d’avantage concurrentiel.
Comment réussir son agilité ?
La première étape est de construire une veille pour anticiper les déterminants de la contingence. Par exemple depuis 30 novembre 2022, Open AI a lancé le premier LLM disruptif, Chat GPT, les veilleurs savaient au moins depuis 10 ans que la technologie était porteuse. Cette veille technologique est nécessaire, mais non suffisante, c’est le début du travail, quels sont les usages que l’on peut imaginer dans notre quotidien de travail ? Le travail le plus difficile est de traduire l’invention, le potentiel technologique, en innovation, une invention socialisée. Il s’agit d’une courbe d’apprentissage à la prospective. Ce qui intéresse les apprenants, ce sont les usages, l’explication des potentialités n’est intéressante qu’au regard des usages. Il faut donc construire des usages et de proposer des promesses produits : qu’est-ce que l’IA générative va changer au métier de formateur ? La construction d’une réalité sociale est de la responsabilité de l’autorité.
La formation agile vs la formation rigide n’est pas tant le problème que de savoir quelles sont les réalités derrière les mots. La montée en puissance de la personne, c’est la subjectivité qui s’invite avec les pédagogies affectives. Le travail d’organisation n’est pas tant d’être volage aux modes sociales que de poser des déterminants stables, comme la personne contre l’individu. Si l’apprenant apprend, la formation organise les formes de la formation. La rigidité est la raison d’être des entreprises, d’avoir des régulateurs qui organisent. Vouloir faire porter le changement sur les apprenants est une démission sociale de la formation, à chacun son métier. René Char avait ce bel aphorisme : « Le fruit est aveugle, c’est l’arbre qui voit » (Poèmes en archipel, 1962), la formation est l’arbre du savoir. Quoi de plus écoresponsable ?