Virtuelle, augmentée, mixte, nos réalités digitales confèrent au learning by doing une nouvelle dimension, transportant l’apprentissage expérientiel dans des univers parfaitement adaptés à la formation des collaborateurs que l’on pense sécurité, efficacité et maîtrise des techniques, processus et postures ou engagement de l’apprenant.
En outre, à l’heure de la distanciation physique, du télétravail et de la dispersion des équipes en de multiples lieux géographiques imposés par les confinements successifs, l’apprentissage par le faire (on the job learning) supervisé par un pair plus expérimenté peut se révéler compliqué à mettre en œuvre. L’immersion dans un environnement virtuel répliquant l’environnement de travail ou simulant des situations professionnelles constitue une réponse.
Avant de se lancer dans l’aventure de l’immersive learning, quelques bonnes pratiques pour choisir une modalité en ligne avec ses objectifs…
1.
BIENVENUE
DANS L’e-RÉALITÉ
La notion d’immersive learning recouvre plusieurs « e-réalités ». Réalité virtuelle (VR pour virtual reality), réalité augmentée (AR pour augmented reality), réalité mixte (MR pour mixed reality) désormais regroupées sous le concept de XR (eXtended reality ou réalité étendue). Il n’en demeure pas moins des différences notables à intégrer pour choisir la modalité la plus adaptée à l’objectif de l’action de formation à déployer. Plus que la technologie, l’XR définit l’usage.
Dans un rapport de 2018, Accenture, définit l’eXtended reality comme « première technologie permettant de “relocaliser” les gens dans le temps et l’espace – et d’éliminer la distance. »
“Through virtual and augmented reality, extended reality is the first technology to “relocate” people in time and space—and it’s bringing about the end of distance.”
Rapport Technology Vision 2018 – Accenture
Si la réalité virtuelle procède par immersion de l’apprenant dans un univers multi-sensoriel (visuel, auditif voire haptique) recréé de toutes pièces, les réalités mixtes utilisent l’environnement physique réel pour y superposer une couche d’informations virtuelles. Selon le degré d’enrichissement, on qualifiera cette réalité mixte de :
- réalité augmentée lorsque le réel reste prépondérant : Pokemon Go en est un exemple mais également toutes les applications mobiles qui permettent de superposer des couches d’informations :
- informations techniques : le mécanicien peut à travers des lunettes, un smartphone, une tablette, scanner le moteur et voir s’afficher des indications qui vont le guider dans la réparation à effectuer ;
- informations historiques ou architecturales sur un monument dont l’image est captée via l’appareil photo du smartphone si l’on évoque le secteur du tourisme ;
- virtualité augmentée dans la situation inverse pour laquelle l’univers virtuel sera agrémenté d’objets réels ; ce sont des environnements semi-immersifs : le commerce de détail investit ce champ de la XR avec par exemple des miroirs d’essayage augmentés : le client se retrouve dans un environnement virtuel, habillé virtuellement du vêtement qu’il souhaite essayer.
Ces différents niveaux de virtualisation de la réalité sont récapitulés par Paul Milgram, professeur en ingénierie industrielle à l’université de Toronto, dans son continuum réalité-virtualité :
Pour bien distinguer les réalités, une illustration en vidéo et en moins de 2 minutes :
Côté technologie, Steve Bambury, consultant en technologies immersives et spécialiste de Digital learning, a défini plusieurs niveaux d’immersion selon l’équipement de réalité virtuelle utilisé, qu’il caractérise par des degrés de liberté.
Il distingue ainsi :
- les casques offrant 3 degrés de liberté (3 DOF) qui interprètent uniquement les mouvements de la tête et offrent une expérience axée sur la perception de l’environnement à 360° donc essentiellement sur l’observation et potentiellement sur l’interaction basique avec des objets, des changements d’environnement en cas de déplacement ;
- et les casques offrant 6 degrés de liberté (6 DOF) qui détectent tous les mouvements dans l’environnement virtuel et délivrent une expérience totalement immersive avec un sentiment de présence et de possibles actions collaboratives.
2.
ACTES
DE PRÉSENCE
Quels sont les grands ressorts des jeux vidéo à succès aujourd’hui ?
L’immersion sensorielle — l’interaction gestuelle — et l’émotion.
Ces trois dimensions servent un objectif : créer un sentiment de présence fort qui entraînera l’engagement du joueur. En formation, ces trois dimensions permettront de renforcer la compréhension des savoirs, savoir-faire ou savoir-être à développer. Elles reposent sur la conception d’univers virtuels crédibles voire parfaitement réalistes, à même de maximiser l’efficacité de la formation et susciter une adhésion forte de l’apprenant.
« L’utilisateur juge crédible l’expérience, accepte de se prendre au jeu et en réponse ressent un sentiment de présence. (…) La capacité de susciter un sentiment de présence chez l’utilisateur est ce qui caractérise la réalité virtuelle et donc la différencie des autres médias » Patrice Bouvier, docteur en informatique.
Crédibilité ou réalisme ?
L’intégration d’éléments sensoriels forts (ouïe, vue voire toucher) est un levier d’immersion et donc d’engagement de l’apprenant. Doivent-ils s’avérer identiques à la réalité ou suffisamment suggestifs pour que l’imaginaire de l’apprenant les transpose dans ce qu’il connaît et ce qu’il vit ou pratique au quotidien ?
Le réalisme consiste en une reproduction fidèle du monde réel. La crédibilité est une notion plus subjective qui implique la pleine projection de l’apprenant dans l’expérience et sa capacité à s’identifier aux situations.
Selon les objectifs et les thématiques de formation, la crédibilité primera sur le réalisme. Ainsi dans l’acquisition de soft skills, la crédibilité de la situation et de l’expérience est déterminante. Les résultats d’une interaction entre l’apprenant et l’environnement simulé doivent correspondre à ce qui est généralement observable dans le monde réel.
En revanche, dans une formation au maniement de matériels dangereux ou fragiles ou de procédés délicats, le réalisme des objets, matériaux à manipuler, des fonctionnalités à activer ou des êtres vivants objets de l’intervention, devra compléter la crédibilité pour une meilleure transposition de la connaissance ainsi développée en situation réelle de travail.
Réalistes et/ou crédibles, tous les éléments, du design sensoriel au gameplay, doivent rester fidèles aux situations simulées et être orientés vers l’objectif de montée en compétences.
Scénario, fonctionnalités et consignes doivent s’avérer simples d’appropriation, de navigation et d’interaction. L’apprenant ne doit pas avoir besoin de réfléchir trop longtemps pour appréhender le fonctionnement de l’univers dans lequel il évolue. Il doit comprendre les actions sur lesquelles il est attendu. Le design très intuitif des jeux vidéo permet au joueur de comprendre immédiatement ce qu’il est censé faire.
Pour crédibiliser l’expérience et guider l’apprenant dans l’environnement, le son et les bruitages sont de précieux alliés qu’il convient de soigner. Dans le monde réel, nous évoluons entourés de bruits que nous interprétons en permanence de façon inconsciente et qui orientent nos choix et définissent nos attitudes.
Double JE
Au-delà de la qualité du design de l’environnement, le scénario devra choisir un point de vue. L’action se déroule-t-elle :
- à la première personne « Je » : l’apprenant voit à travers les yeux de son personnage et ne voit donc pas son avatar, en mode caméra subjective. Ce point de vue rend l’apprenant pleinement acteur de ses actions et se révèle très utile lorsque l’objet de la formation est l’acquisition de gestes, de procédés précis à reproduire dans la réalité. Il peut être renforcé par la matérialisation de ses mains à l’écran ;
- ou à la troisième personne « Il » : l’apprenant voit son avatar évoluer dans l’environnement virtuel et le dirige, en état de superviseur de lui-même. La troisième personne est généralement utilisée dans des scénarios où l’action collective et la collaboration sont mises en avant.
Et l’émotion ?
L’environnement virtuel peut (et même doit) véhiculer de l’émotion, dont on connaît l’importance dans les apprentissages, à travers nombre de ses éléments, parmi lesquels :
- le son qui constitue souvent un puissant vecteur d’émotion : qui n’a jamais sursauté en regardant un film grâce à un bruitage particulièrement efficace au moment crucial de l’action ?
- les environnements multi-users dans lesquels l’apprenant côtoie ses paris qui peuvent apporter du challenge, de la tension, de l’empathie…
- les challenges proposés et la gamification des résultats…
3.
VA FALLOIR
S’e-FAIRE
Le design, l’interaction, l’émotion, la présence… le décor est planté, reste le plus important…
POUR QUOI FAIRE ?
Avant de penser 2D ou 3D, réalité virtuelle ou mixte, caméra subjective et design sonore digne des superproductions hollywoodiennes, mieux vaut réfléchir en amont à la finalité de l’environnement immersif, au budget, aux objectifs à atteindre puis aux situations à mettre en scène.
Certaines compétences demandent de fortes interactions avec l’environnement et justifient un environnement en réalité virtuelle. D’autres en revanche nécessitent avant tout une observation et une réflexion de l’apprenant et orientent alors le choix vers de la réalité augmentée.
Au registre du « pourquoi » choisir l’immersive learning, on retrouve notamment l’impossibilité d’une action en situation réelle qui ne peut courir le risque d’une erreur de l’apprenant :
- soit parce qu’elle porte sur un matériel trop sensible, trop onéreux ;
- soit parce qu’elle fait courir un risque à l’apprenant lui-même (manipulation de produits dangereux, par exemple) ou à un tiers (simulation d’actes médicaux, par exemple).
On retrouve également dans les raisons du choix de l’immersive learning, le coût élevé de mobilisation d’experts internes, la dispersion géographique des équipes…
Parce que dans « immersive learning », il y a learning….
En matière d’ingénierie, on retrouve les éléments clés et structurants de toute action de formation :
- un objectif de formation (défini et validé avec le manager des collaborateurs à former),
- des objectifs pédagogiques sur chaque action évaluée, définis avec les experts ;
- des situations crédibles, qui prennent en compte toutes les dimensions des tâches, process, missions à assimiler, élaborées avec les experts métier et, le cas échéant, avec d’autres salariés déjà en poste ;
- un niveau de difficulté croissant et une articulation pertinente entre les situations qui résultent d’un bon découpage de chaque tâche en micro-tâches ;
- un tracking des réalisations et résultats de l’apprenant.
Identifier des cas d’usage porteurs de sens
La phase de cadrage du projet est fondamentale. Comme toute action de formation, elle requiert de définir clairement les objectifs, le public d’apprenant et son nombre.
Elle impose également d’identifier avec précisions les situations de travail adaptées à la virtualisation de l’environnement et de la pratique professionnelle.
L’analyse des situations de travail basée sur une observation précise des missions et tâches évite de s’appuyer sur des fiches de postes ou des éléments de travail prescrit et non réel qui nuirait avant tout à l’appropriation des savoirs, savoir-faire et savoir-être mais également à la crédibilité de l’immersion, donc à l’engagement de l’apprenant. Les fiches de postes peuvent toutefois constituer en amont une source de réflexion et d’identification des collaborateurs à interviewer ou à observer pour bâtir les cas d’usage.
La phase de cadrage s’attachera également à cerner les profils d’apprenant, leur niveau et la marge de progression afin de pouvoir découper le parcours en réalité virtuelle ou mixte en autant d’étapes que nécessaire.
La phase de conception s’appuiera sur les experts métiers de l’entreprise pour valider le déroulé et la scénarisation. Une présentation du gameplay à ces mêmes experts peut éviter des erreurs ou des omissions nuisibles à l’expérience de l’apprenant et à l’acquisition des compétences visées.
Le scénario tiendra compte de la configuration spatiale du lieu d’expérimentation en réalité virtuelle : les déplacements peuvent limiter le nombre de participants simultanés dans un même lieu.
Les univers immersifs offrent des possibilités infinies, motivantes pour l’apprenant, à condition de se rappeler que l’outil et la technologie sont au service d’un objectif et non l’inverse. A chaque phase du projet, rassemblez les experts internes et les décisionnaires.
Et partagez vos interrogations et vos doutes avec les professionnels du secteur ! Vous retrouverez, dans ce dossier, leurs conseils, leur vision de l’immersive learning, les grandes questions qui vous aideront à structurer votre réflexion avant de vous lancer et à mener à bien un projet en réalité virtuelle ou en réalité augmentée.