Usbek & Rica : Ce qui nous a intrigués, au départ, c’est cette promesse que vous semblez donner, celle de lire à travers des mesures neurophysiologiques une sorte de vérité sur nous-mêmes inaccessible jusqu’ici… Quelle est l’objectif de ces mesures ?
Guillaume Victor-Thomas : Ce qu’on mesure, ce sont des signaux faibles. On vous confronte à des situations qui sont, pour certaines, représentatives du quotidien : quand vous faites face, en #réalité virtuelle, à une attaque de drones de plus en plus nombreux, c’est une situation de montée de charge mentale, une montée de stress. Un peu comme si vous receviez un SMS pour vous dire que l’article à publier demain est finalement pour dans 15 minutes. Aujourd’hui, on se rend compte que de nombreuses pathologies sont en très grande partie liées à un état de stress répété au fil de la vie, qu’il s’agisse des maladies cardiovasculaires, des différentes formes de cancer ou des troubles neurodégénératifs.
Mais certaines disciplines ne veulent pas des neurosciences. Leur arrivée dans le monde de l’éducation fait grincer des dents. Le philosophe Markus Gabriel parle, lui, de « neurocentrisme » pour évoquer l’obsession de notre époque pour le cerveau, et la volonté de tout y lire, tandis que les progrès des neurosciences dans des domaines comme le marketing sont très préoccupants…
Justement, on ne cherche pas à tout lire dans le cerveau ! On veut tout lire au niveau de l’individu : son corps, ses émotions, toutes ses perceptions. C’est simple : soit on devient des poulets d’élevage avec des puces de la Silicon Valley connectées à la matrice, soit on fait en sorte que la #technologie ne nous asservisse pas. Les neuroscientifiques ne sont pas les nouveaux gourous, on ne veut pas surtout pas inventer de nouveau dogme. Restons ouverts, très humbles, et utilisons des pratiques ancestrales qui ont fait leur preuves depuis des centaines d’années. On ne sait pas ce qui va se passer dans 5, 10 ou 15 ans, on est incapable de prévoir, donc regardons de près le travail de tous les laboratoires français et européens qui cherchent à améliorer l’état émotionnel des gens.
Les neurosciences sont partout. Depuis quelques mois, elles semblent parfois devenir la réponse à tout, que ce soit du côté du ministère de l’#Éducation, avec la création en janvier dernier du conseil dirigé par le neuroscientifique Stanislas Dehaene, mais aussi du côté des start-up : plus de 772 millions de dollars ont été injectés dans des sociétés de neurotechnologies depuis le début de l’année 2016. Les promesses sont multiples, qu’il s’agisse de doper nos capacités cognitives ou d’améliorer nos performances, notre sommeil ou notre bien-être