L’évaluation fait polémique. Sur les traces de Célestin Freinet, Raymond Fonvieille (Naissance d’une pédagogie autogestionnaire, 1999) considère qu’une évaluation est toujours un jugement d’autorité et qu’il faut supprimer les évaluations pour ouvrir un vrai espace de responsabilité des apprenants.

1, La culture de l’évaluation

La culture de l’évaluation est née en France au sortir de la Première Guerre mondiale. Il fallait reconstruire et faire face aux pénuries dans le pays. L’idéologie technicienne s’est imposée comme l’idéologie dominante.

La loi du 16 juillet 1971, dite loi Delors, conseiller social du Premier Ministre Jacques Chaban-Delmas aura une conséquence sur la culture de l’évaluation. Si personne, aujourd’hui, ne semble remettre en cause l’efficacité de la mesure pour adapter la main d’œuvre au besoin du marché, les travailleurs sans qualification étaient en 1970, 70 % ; en 2001, le chiffre est passé à 25 %, la performance est au rendez-vous. Mais la mise en place d’une obligation de financement de la formation de 0,8% de la masse salariale pour les entreprises de 10 salariés et plus a eu une autre conséquence. Les organismes collecteurs paritaires prenaient en charge sur présentation de justificatifs, le financement des formations. La conséquence fut de créer des outils de traçabilité pour assurer la gestion administrative de la formation. La culture de l’évaluation s’est renforcée d’une culture de la traçabilité administrative, c’est la naissance de la bureaucratie de la formation au sens de Michel Crozier. L’évaluation est devenue procédurale.

2, Qu’est-ce qu’on évalue ?

La culture de l’évaluation a naturellement construit des taxonomies pour évaluer la finalité de la formation. Pas d’évaluation sans critères, pas de critères sans représentation du savoir. La taxonomie de Benjamin Bloom (1956) est la première qui ait trouvé sa place en entreprise avec ses 6 niveaux, mais pas très opérationnel pour l’entreprise, c’est pourquoi on préfère souvent celle de Lorin Anderson, son ancien élève, et David Krathwohl en 2001 avec mémoriser, comprendre, appliquer, analyser, évaluer, créer. Mémoriser permet de construire une évaluation de type QCM pour restituer le fait, la date,… D’autres centrées davantage sur la formation elle-même avec par exemple Donald Kirkpatrick (1959) et la satisfaction, la connaissance, le comportement, le résultat, Jack Phillips a rajouté le ROI. Dans tous les cas, il est difficile de standardiser les niveaux et cela fait souvent appel à des référentiels métiers. Le problème est l’évolution de ces taxonomies, le monde bouge trop vite pour que les standards suivent. On évalue souvent avec des référentiels du temps d’avant. D’autres outils ont vu le jour…

3, La nouvelle évaluation

La nouvelle évaluation est la poursuite du système actuel en intensifiant le paradigme. La trajectoire technologique de l’évaluation est renforcée par l’arrivée du numérique et des politiques de Big data.

Une autre façon de penser la nouvelle évaluation est de miser sur la montée en puissance de l’apprenant. « On n’apprend pas à être autonome si l’on n’est jamais impliqué dans l’évaluation de ses apprentissages » (Philippe Perrenoud, L’évaluation des élèves, 1998). L’apprenant devient acteur de sa formation, Ivan Illich dit auteur de ses contenus, mais aussi acteur ou auteur de ses critères, de ses outils ou de ses moments d’évaluation. La culture de la pairagogie, pédagogie entre pairs, intègre l’évaluation qui devient le produit de l’apprenant. Si l’on considère que l’apprenant n’est plus un enfant, étymologiquement, celui qui ne parle pas, mais bien un adulte, il suffit de le questionner sur ses besoins terrains et de lui permettre d’apprendre ce dont il a besoin. L’évaluation est ce qui donne de la valeur. Et au final, c’est plus un changement culturel, faire confiance à l’intelligence de l’apprenant pour qu’ils disent ses apprentissages. C’est le niveau 1 de Kirkpatrick, de demandé à l’apprenant s’il est satisfait, avec plus ou moins de réflexivité, mais un système simple et efficace. Faire confiance à l’apprenant.

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