Les entreprises parlent de plus en plus de la volonté de créer des écoles internes, ce sujet d’actualité fait écho à un article que j’avais écrit en 2020, « faut-il créer des Université internes dans les entreprises » (https://affen.fr/pedagogie/faut-il-creer-une-universite-interne-dans-lentreprise/). Les institutions formatives internes ont le vent en pourpre. En 2025, les académies internes représentent 40 % des formations professionnelles, contre moins de 15 % en 2022 selon Modèles de business plan. Qu’est-ce qui explique cette tendance ? S’agit-il d’une nouvelle mode ou d’un phénomène qui a vocation à s’adapter durablement dans le paysage français de la formation ? Comment l’entreprise doit se positionner entre l’Université interne et l’Académie interne ? Et quelle gouvernance pour l’ensemble de ces institutions au regard de la formation classique ? Que doivent faire les entreprises ?
1, Pourquoi créer une Académie interne ?
Pour répondre à la question, une entreprise internalise la création d’une Académie lorsque les Académies externes ne répondent pas à leur besoin. C’est la théorie des coûts de transaction développée par Ronald Coase (The problem of social cost, 1960). Les organismes de formation externes permettent de développer des connaissances et des compétences mutualisées sur un certain nombre d’entreprises, favorisant l’émergence d’une externalité, des coûts réduits pour l’entreprise. Cette externalité standardise des savoirs ce qui devient un atout de mobilité pour les apprenants. Mais dans un monde en disruption, les standards sont à réinventer en temps réel, cela nécessite une taxonomie et une pédagogie agile. Ce qui ne se trouve plus sur le marché, il est donc nécessaire de l’internaliser. Prenons l’exemple de la formation à l’intelligence artificielle, la matière change toutes les semaines, il est difficile de trouver chaussure à son pied aujourd’hui et être sûr que l’organisme gardera son lead dans le temps. L’internalisation permet de s’assurer du contrôle du process et de l’adapter spécifiquement au besoin stratégique de l’entreprise au point d’en faire un avantage concurrentiel.
2, Comment réussir une Académie interne ?
Une Académie interne est un marqueur social, reste à définir ce que l’on veut valoriser. Cette valorisation permet de développer un sentiment d’appartenance. C’est la raison pour laquelle les Académies sont souvent dotées d’un logo et d’une identité visuelle. Traditionnellement, l’identité est centrée autour du métier, l’Académie des formateurs, des managers, des vendeurs… même s’il existe des Académie transverses comme l’Académie de l’IA. Fêter le métier, standardiser les comportements voire les transformer. Le travail de transformation et de formation nécessite de construire un storytelling autour duquel l’apprenant va pouvoir s’identifier, une éthique professionnelle, une raison d’être, une utilité sociale qui réponde à la stratégie de l’entreprise. En période de transformation, l’identité métier a un autre atout, elle permet d’assurer la transition, préserver l’identité tout en changeant l’activité sous-jacente. Il s’agit de ne rien changer pour tout changer, rien changé à l’identité pour tout changer à l’activité.
3, Quels impacts d’une Académie interne ?
Le neuroscientifique Matthew Lieberman (Social, why our brains are wired to connect, 2013) montre que le cerveau par défaut, celui qui est activé lorsqu’on n’est pas concentré sur une tâche est un réseau social. L’homme a un besoin extrêmement fort de créer du lien social. Ce qui signifie que dans l’Académie l’important n’est pas tant le contenu que le fait d’apprendre ensemble, ce qu’il appelle « la connexion ». La pédagogie consiste à réunir et à organiser les rencontres à faire du contenu un prétexte pour rencontre l’autre, le prendre avec soi pour s’harmoniser, intégrer les croyances du groupe pour renforcer la cohésion sociale. Le bien-être de l’apprenant dépend de sa capacité à cultiver ces liens. Pour l’auteur, « Nous sommes une espèce sociale avant d’être une espèce individuelle ». L’Académie devient ce lieu où l’apprenant refait société, il s’agit d’une courbe d’apprentissage pour développer des liens forts et des liens faibles pour construire une harmonie relationnelle pour que la transformation devienne heureuse.