“On a toujours fait comme ça.”
“On verra ça au prochain plan de développement des compétences.”
“On va demander à Jean-Mi de refaire une formation Excel.”
Mantras rassurants de la vie de bureau qui viennent s’écraser sur le mur du changement permanent, imprévisible et désormais algorithmique. Depuis des décennies, l’entreprise apprenante est un peu le “slow food” de la formation : noble, inspirant, et finalement peu scalable.
En 2025, la learning culture constitue plus que jamais un levier de croissance vital pour les organisations et les individus. Et paradoxalement, c’est l’IA qui nous le rappelle.
L’IA générative ne se contente pas de bousculer les métiers, les postes et les process. Elle ouvre un gouffre entre les organisations capables d’apprendre, d’évoluer, de déconstruire leurs schémas de pensée pour reconstruire les savoirs, savoir-faire et savoir-être à l’aune des mutations technologiques et celles qui attendent, engluées dans leur plan à 5 ans et leurs formations déconnectées des besoins réels et des objectifs stratégiques. Pilotée, managée, supervisée, l’IA offre désormais les moyens de suivre la cadence.
Quelques chiffres qui réveillent :
- Selon un rapport IBM de 2023, 40 % des salariés devront être formés à de nouvelles compétences d’ici 2027.
- L’INSEE constate qu’en 2022, “57 % des personnes âgées de 18 à 64 ans n’ont pas suivi de formation à but professionnel au cours des douze derniers mois.” [1]
- Le baromètre Cegos 2024 montre que :
- “pour les DRH, les enjeux compétences des deux prochaines années sont avant tout liés aux transformations technologiques et notamment à l’intelligence artificielle et à la data.”
- et que “44 % des DRH (27 % en France) ont des difficultés à faire coïncider l’offre de formation avec les besoins en compétences des équipes (+3 points vs 2023)”.
L’IA ne rend pas l’apprentissage utile, elle le rend indispensable. Les entreprises disposent aujourd’hui d’outils capables de rendre l’apprentissage aussi fluide, agile et personnalisé que les métiers et les propositions de valeur qu’elles entendent transformer.
Alors, si ce n’est pas maintenant… c’est quand ?
- L’entreprise n’a jamais eu autant de raisons d’apprendre et d’investir dans les compétences de ses collaborateurs..
- Elle n’a jamais eu autant d’informations et d’analyses pour anticiper.
- Elle n’a jamais eu autant d’outils à disposition pour y parvenir.
- Elle n’a donc aucune excuse pour ne pas transformer l’essai.
1. VUCA a été BANI !
Le monde était VUCA (Volatile, Uncertain, Complex, Ambiguous), le voici Bani.
VUCA est un concept né à la fin des années 80 pour décrire l’environnement post-Guerre froide, puis recyclé dans les entreprises pour justifier à peu près tout, de la stratégie RH à la cafétéria agile. Mais soyons honnêtes : VUCA a fait son temps et nous voilà passé à un autre niveau de chaos.
BANI est un acronyme forgé par Jamais Cascio, futurologue américain, pour décrire le monde post-2020, avec ses ruptures brutales, ses accélérations absurdes et ses zones d’ombre numériques.
BANI, pour :
- Brittle (fragile)
- Anxious (anxieux)
- Nonlinear (non linéaire)
- Incomprehensible (incompréhensible)
Plus qu’une jolie trouvaille sémantique, BANI offre une grille de lecture pour analyser pourquoi nos organisations (et nos pratiques formation) doivent radicalement évoluer.
Brittle : la solidité des compétences est une illusion
A l’image du verre trempé, les compétences “dures” sont robustes… jusqu’à ce qu’elles explosent.
Un changement de réglementation, un pivot stratégique, une rupture technologique, et c’est le drame :
- Un collaborateur expert se retrouve dépassé.
- Une organisation perd son avantage compétitif.
- Une formation métier devient obsolète avant même d’avoir été programmée.
Dans un monde BANI, la compétence n’est pas un stock. C’est un flux. Il faut la cultiver, la réviser, la questionner en permanence.
Anxious : apprendre dans un climat de tension permanente
Les collaborateurs sont sous pression :
- sur-sollicités, dans l’incertitude, parfois désengagés.
- pressés par leur manager d’innover, de performer, de se réinventer.
Sans accompagnement, sans espace d’appropriation, sans droit à l’erreur ? Depuis longtemps, la formation classique (6h en visio avec diaporama illustré) ne répond plus à ce besoin. La formation se joue désormais dans des espaces de confiance et de bienveillance, des parcours opérationnels, courts mais réguliers, des formats personnalisés, des dispositifs d’auto-évaluation.
Nonlinear : une petite action peut tout changer
Le rapport entre effort porté et résultat observé n’est plus linéaire :
- Une heure de formation centrée sur un besoin précis, délivrée au bon moment, opérationnelle et inspirée du terrain peut réinventer un process.
- Une mauvaise consigne sur ChatGPT peut créer une faille juridique.
- Un salarié motivé peut créer une boucle d’amélioration continue pour toute une équipe.
La formation du 21e siècle doit s’entendre agile, modulaire, intégrée dans les routines d’équipe et, cerise sur le gâteau (parce que visiblement, on avait tendance à l’oublier), au plus près des besoins et des réalités des postes, process et profils.
Incomprehensible : quand le sens se dilue, la compétence s’éloigne
Développer des compétences ne se limite pas à transmettre un savoir, une posture ou un geste.
Il est nécessaire d’aider le collaborateur à comprendre ce que signifie être compétent dans un contexte donné, face à une situation réelle, vivante, mouvante.
Guy Le Boterf le rappelle : « Avoir des compétences, ce n’est pas être compétent. Être compétent, c’est mobiliser les bonnes ressources (savoirs, savoir-faire, attitudes) dans une situation professionnelle donnée. »
Et ça change tout ! “Maîtriser les 6 étapes de l’animation de réunion” ne sert à rien sans la capacité de mettre en œuvre les bonnes pratiques au bon moment, avec les bonnes personnes, dans le bon contexte, avec une intention claire.
Former dans un environnement incompréhensible exige de :
- Donner de la lisibilité sur les compétences-clés : expliquer clairement à quoi sert chaque apprentissage, dans quel contexte, avec quel impact possible.
- Accompagner l’appropriation, pas uniquement la diffusion : comprendre et consommer ne sont pas synonymes.
- Rendre visible les critères de compétence : ce que “savoir-faire” veut dire aujourd’hui… et ce que la notion impliquera demain.
- Créer des boucles d’amélioration continue : formation > mise en œuvre > retour terrain > réajustement.
A défaut, on peut continuer à empiler des modules, certifier des acquis qui ne seront jamais mobilisés, former sans transformer et maintenir les équipes dans un flou fonctionnel, où l’envie d’apprendre s’éteint face à l’illisibilité des enjeux.
Aujourd’hui, ce ne sont ni la taille de l’organisation, ni le budget formation, ni le nombre de modules qui font la différence, mais la capacité à :
- Repérer les signaux faibles (via les collaborateurs et via les data) et se remettre en question,
- Activer les bonnes ressources (IA + outils + pairs + coaching…),
- Mesurer l’impact, ajuster et recommencer.
Pour impulser un cercle vertueux, l’organisation doit décider que l’apprentissage et la learning culture constituent un levier stratégique de développement :
- L’obsolescence des compétences techniques s’établit désormais à 12 ou 18 mois.
- Les entreprises qui intègrent l’apprentissage au cœur de leurs processus constatent un turnover très inférieur aux organisations qui font l’impasse.
- Le coût de remplacement d’un salarié clé est exorbitant.
On pourrait égrener faits et chiffres à l’envie mais l’enseignement est clair : apprendre et former sont devenus des critères de performance, d’attractivité et de résilience.
2. Kolb et Argyris boostés à l’IA
Et là, vous vous dites : encore eux ! Ou peut-être, c’est qui ? Kolb et Argyris, c’est désormais du bon sens modélisé. Et au-delà des concepts, leurs apports se révèlent très pertinents dans l’organisation.
Le rappel
Kolb et son fameux cycle de l’apprentissage expérientiel nous rappellent qu’une compétence ne s’ancre pas simplement en cliquant sur “suivant”.
4 phases sont nécessaires :
- Vivre une expérience concrète, au plus proche de l’environnement réel de l’apprenant.
- Prendre un temps de recul, une “observation réfléchie” comme le qualifie Kolb, pour conscientiser ce que l’on vient d’apprendre.
- En tirer une modélisation dans une “phase de conceptualisation” pour favoriser le transfert des apprentissages dans des situations opérationnelles de diverses natures.
- Repasser à l’action avec “l’émission d’hypothèses” pour une approche ré-ajustée à chaque nouvelle expérimentation.
Au final, si l’on veut être honnête, dans 90 % des cas, on saute l’étape 2, on zappe la 3, et on espère que la 4 se fasse toute seule.
Argyris et ses boucles d’apprentissage, pour sa part, distingue :
- l’apprentissage en simple boucle : “je corrige mon geste”
- l’apprentissage en double boucle : “je questionne ce que je crois savoir”
Et là, généralement tout le monde regarde ses chaussures. Remettre en cause ses schémas de pensées, ses méthodes, ses réflexes, c’est souvent le refus d’obstacle. Pourtant, cette double boucle nous augmente l’intelligence collective. C’est cette double boucle qui transforme un incident en levier, une erreur en innovation.
Ces modèles ne sont pas faits pour briller dans un mémo RH ou rester confinés dans des cercles universitaires. Ritualisés, outillés, partagés, ils constituent un socle de réflexion stratégique déclinable en plan d’action :
- Kolb, pour installer des réflexes d’apprentissage dans la pratique.
- Argyris, pour faire évoluer les postures, les règles du jeu, les façons de penser…
De la théorie à la pratique avec l’IA
Les IA génératives et plus largement les algorithmes d’analyse sémantique, de modélisation comportementale et de personnalisation sont en mesure de changer la donne et rendre l’apprentissage plus opérationnel, visible, traçable, itératif.
Un gain de temps mais pas que…
Kolb sur mesure
L’IA permet aujourd’hui de nourrir chaque étape du cycle de Kolb :
- L’expérience, d’abord, peut être rejouée et simulée à partir de données réelles (appel client, mail critique, incident projet…). L’IA transforme une situation vécue en scénario pédagogique personnalisable
- La réflexion, ensuite, est facilitée par des feedbacks générés automatiquement, mais contextualisés : l’IA identifie les moments-clés, les hésitations, les opportunités manquées et reformule les enjeux pour créer une prise de recul guidée
- La conceptualisation devient accessible, y compris sans médiation humaine directe. L’IA peut suggérer des modèles pour mobiliser les compétences nouvelles au quotidien, comparer avec les meilleures pratiques internes, proposer des alternatives à partir de la pratique de l’apprenant.
- L’émission d’hypothèses devient réplicable à coût optimisé. L’IA permet de rejouer facilement une même situation avec des variantes pour tester différentes stratégies. Elle rend l’expérimentation personnalisée et favorise l’ancrage des bonnes pratiques.
Argyris, version “conscience augmentée”
Argyris, de son côté, parle d’apprentissage en double boucle. Cette double boucle va au-delà de la correction de ce que l’on fait mal, elle impose de remettre en cause les logiques invisibles qui sous-tendent nos actions : croyances, routines, non-dits.
En matière de double boucle d’apprentissage, les algorithmes trouvent une place inédite. Ils sont capables de :
- détecter des patterns répétitifs dans nos réponses, nos décisions, nos réactions face à des feedbacks ou à la nouveauté,
- repérer les angles morts cognitifs : l’apprenant reformule peu, évite certains sujets, passe toujours par la même stratégie inefficace…
L’IA agit alors comme une pratique réflexive, sans affect, sans enjeu statutaire, sans jeu de pouvoir. Elle peut induire des questions à même de déconstruire les schémas de pensées : “Et si le problème, ce n’était pas le client, mais votre croyance implicite selon laquelle tout se joue sur le prix ?”
L’apprentissage en double boucle était souvent réservé à des contextes d’accompagnement individuel ou de coaching long. Avec l’IA, il peut être intégré à des situations professionnelles courantes et quotidiennes.
Trois exemples d’utilisation sans refaire l’organigramme
Exemple 1 – Ritualiser les feedbacks augmentés par IA
- Post-mortem : synthèse du projet, analyse des échecs, identification des axes de progrès, modification des process ou enrichissement des bonnes pratiques si besoin
- Débriefs flash après chaque rendez-vous clients important
- Newsletter “Ce qu’on a appris cette semaine (et qu’on ne refera pas comme avant)”
Exemple 2 – Transformer le quotidien en situations pédagogiques
L’IA capte un échange client, une friction interne, une résolution agile. Elle produit un scénario basé sur l’analyse de ces situations. Les équipes rejouent les événements, testent des pistes correctives alternatives, partagent leurs conclusions.
Exemple 3 – Valoriser l’erreur
L’erreur constitue une matière brute d’apprentissage parfaitement contextualisée et riche. L’IA peut aider à objectiver, désamorcer, modéliser, pour passer de “ça a planté” à “voilà ce que l’on a compris”.
3. Learning culture : au-delà du PowerPoint
Nombre d’organisations considèrent encore trop souvent la formation comme un “moment à part”, parfois intéressant, souvent bienveillant, rarement stratégique.
Résultat : une culture d’apprentissage réduite à une série d’actions ponctuelles ou à un LMS débordant de modules ignorés par les collaborateurs.
L’organisation apprenante ne se proclame pas à l’aide de slogans dans les couloirs ou de gifs sur Slack.
Elle s’installe. Elle se cultive. Et surtout, elle se structure et s’outille pour atteindre l’objectif : un réflexe intégré au quotidien dans les processus de production.
Pour éviter que la stratégie formation de l’entreprise ne demeure pas un objectif RH décliné en bullet points, quatre principaux éléments concourent à structurer une véritable culture de l’Apprendre.
Libérer du temps de cerveau disponible.
Demander à un individu de consacrer du temps et de l’énergie à développer ou actualiser ses compétences, sans lui dégager du temps, relève du vœu pieux.
24 minutes, c’est le temps hebdomadaire moyen disponible dont dispose un salarié pour se former. Josh Bersin, auteur de ce constat, propose d’intégrer la formation dans les processus de travail. Il conceptualise alors le concept de learning in the flow of work.
Mais encore ?
Une astuce poussée régulièrement par IA dans un outil métier, une capsule bi-hebdomadaire de microlearning contextualisé, un point feedback hebdomadaire constituent des temps de formation qui ne viennent pas alourdir les agendas déjà surchargés. Ils s’articulent avec les tâches et missions quotidiennes des collaborateurs.
Toutefois, pour une véritable efficacité du dispositif, il est primordial de libérer du temps de cerveau, de l’attention, de la disponibilité mentale. Autrement dit, créer les conditions pour :
- alléger la pression quotidienne,
- réduire la surcharge cognitive,
- valoriser l’apprentissage.
Une capsule pédagogique de 15 minutes n’est utile que si le cerveau est capable de la traiter, pas simplement de la lire ou de l’écouter.
Installer et cultiver un climat de confiance
La sécurité psychologique n’est pas un bonus feel-good. Elle constitue une condition essentielle de l’apprentissage.
Amy Edmondson, professeur à Harvard, spécialiste du leadership et de la culture de l’Apprendre dans les organisations, démontre que les équipes qui osent reconnaître leurs erreurs et poser des questions, challenger les modèles en place, sont aussi celles qui innovent et s’améliorent le plus.
L’entreprise apprenante valorise ceux qui questionnent et remettent en question autant que ceux qui produisent (sachant que les deux ne sont pas exclusifs l’un de l’autre). L’erreur devient alors un tremplin, non un dysfonctionnement.
Est-il encore temps d’encourager chacun à devenir force de proposition, sans créer un environnement propice ?
Partager une vision claire de l’apprentissage
…ou pourquoi la formation a besoin d’un récit, plus que d’un catalogue ?
Si la formation reste perçue comme un “bonus quand on a le temps” ou “une corvée de plus”, aucune plateforme, aucun parcours, ne feront décoller la dynamique d’apprentissage organisationnel.
Qu’est-ce qui fait la différence ?
Un cap. Une ligne. Un récit. Autrement dit : une narration stratégique.
La narration stratégique va au-delà d’un simple storytelling marketing. Elle incarne la traduction claire et partagée de l’intention de développer les compétences internes, à l’échelle de l’organisation.
Elle se matérialise dans la capacité à affirmer :
- “Chez nous, on apprend pour…”
- “On développe cette compétence parce que…”
- “On investit cette thématique car dans 6 mois, on veut pouvoir…”
- “On forme X personnes sur ce sujet/projet/process car c’est stratégique pour réaliser notre objectif de….”
Peter Senge parlait de “vision partagée” dans The Fifth Discipline. Cette vision partagée a besoin d’un récit fédérateur, d’un fil narratif vivant et non d’un énoncé figé. Ce récit représente une impulsion qui permet :
- aux collaborateurs de donner du sens à leur montée en compétences,
- aux managers de devenir des relais et non des freins,
- aux RH d’anticiper et de prioriser les actions de formation ,
- et à l’organisation de ne pas empiler des modules sans intention claire.
Au final, pas de culture sans récit. Pas de dynamique sans direction. Et pas d’engagement sans un “pourquoi” compris et partagé.
Désormais les entreprises disposent d’outils à même de porter la stratégie de développement des compétences en continue :
- Les LMS ou LXP permettent de lier chaque formation à un objectif métier ou stratégique clair, au lieu d’empiler des modules hors sol.
- Les canaux internes (Teams, newsletters, apps) facilitent la circulation régulière du “pourquoi on apprend”.
- L’IA peut reformuler, adapter, contextualiser ces intentions pour chaque public, à grande échelle.
Organiser une friction fertile
Les savoirs, les savoir-faire ne circulent pas tout seuls. Le partage s’organise, s’anime, devient social :
- Des espaces ritualisés d’échange : cercles apprenants, ateliers inter-équipes, communautés de pratique animées.
- Une transmission processée et outillée : l’IA générative peut optimiser les processus tout en minimisant l’investissement temps.
- Des “passeurs de savoir” valorisés dans les entretiens, dans les comités, par le management et la direction.
Le modèle de Wenger sur les communautés d’apprentissage montre que le simple fait d’interagir entre pairs accélère la capitalisation et la mise en pratique du savoir.
Sans partage orchestré, la culture du silo, dans laquelle chaque équipe protège son savoir-faire comme un territoire, a encore de beaux jours devant elle.
Si l’IA peut s’avérer un facilitateur avec des synthèses, des suggestions, des feedbacks, une reformulation automatisés, la dynamique reste humaine.
La check list : 7 signaux qui confirme que la dynamique est lancée
- Les managers parlent régulièrement de “progrès” et pas seulement de “résultats”
- Les collaborateurs savent vers qui se tourner pour apprendre… sans passer par la DRH
- Le droit à l’erreur est explicite (et pratiqué)
- Les outils d’apprentissage sont utilisés en contexte, pas seulement en salle ou en LMS
- Il existe des temps de pause / de recul / de retour d’expérience pour tirer des leçons des projets
- L’apprentissage est valorisé dans les processus de mobilité interne
- Les outils et l’IA sont perçus comme des leviers d’optimisation et non comme une énième charge cognitive
4. Le Qui fait Quoi dans l’organisation apprenante ?
RH, formateurs, experts, managers, collaborateurs : comment éviter que tout le monde joue sa partition… en solo ?
Le service formation : chefs d’orchestre… mais pas seul en scène
Pendant longtemps, les RH, les responsables formation et toute l’équipe pédagogique ont pu être vus comme des “distributeurs automatiques de formation” : un catalogue, un plan, un LMS, un reporting. Et on coche.
Dans une entreprise apprenante, le service formation devient concepteur d’écosystèmes, catalyseur de posture, architecte du terrain apprenant.
Qu’attend-on d’eux dans l’entreprise apprenante ?
- Donner un cap clair en alignant les compétences à développer sur les enjeux business réels.
- Concevoir un système apprenant hybride, fluide et intégré aux outils du quotidien (présentiel, digital, tutorat, IA…).
- Outiller les autres acteurs (managers, experts, collaborateurs) sans tout porter seul : outils concrets, espaces de partage, valorisation des transmetteurs.
Et l’IA dans tout ça ?
Elle devient un assistant pour générer du contenu à partir de données internes, identifier les besoins émergents, automatiser les micro-tâches, sous la direction et la supervision du service formation qui fixe le cap et garantit la cohérence.
Formateurs, tuteurs, experts : les facilitateurs
Aucune IA, aucun LMS, aucun chatbot ne remplacera jamais un humain qui partage son savoir-faire et son expérience avec passion. Les formateurs, tuteurs et experts constituent les piliers silencieux de toute la culture apprenante. Ils opérationnalisent et contextualisent le savoir, facilitent la transposition en situation de travail, modélisent et incarnent les bonnes pratiques…
Qu’attend-on d’eux dans l’entreprise apprenante ?
- Partager leur expertise, rendre tangible l’implicite métier (astuces, raccourcis, logiques terrain).
- Accompagner l’apprenant dans l’action, avec feedbacks, ajustements, explications situées.
- Montrer qu’ils apprennent aussi, en co-construisant, en testant, en assumant douter parfois.
Et l’IA dans tout ça ?
Elle peut capter, reformuler, structurer, amplifier. Mais elle ne remplace pas l’envie de transmettre, la capacité à rassurer et la légitimité acquise par l’expérience.
Dans l’entreprise apprenante, les facilitateurs ne sont pas des figurants. Relais stratégiques et bras armés du service formation, leur rôle est primordial.
Managers : les amplificateurs
Le manager est le point de bascule de toute dynamique apprenante. Il ne forme pas, mais il autorise, catalyse, donne le tempo. Une question débattue avec l’équipe, des temps productifs optimisés, des partages valorisés… et toute l’équipe peut entrer en mouvement.
Qu’attend-on d’eux dans l’entreprise apprenante ?
- Ouvrir l’espace pour apprendre (temps, légitimité, attention)
- Faire le lien entre compétences et missions réelles
- Créer un environnement bienveillant dans lequel l’expérimentation est normale, l’erreur formative, et la progression visible
Pour accomplir leur mission d’amplificateurs de savoirs, savoir-faire et savoir-être au quotidien, ils ont besoin :
- D’outils performants : kits de débrief, indicateurs lisibles.
- De temps dédiés.
- De reconnaissance : piloter la compétence, c’est évidemment manager la performance.
- Et d’un cadre d’action structuré, formalisé, partagé et non d’un un rôle flou à caser entre deux réunions.
Et l’IA dans tout ça ?
Elle peut faciliter le suivi de la progression de ses équipes, aider dans la préparation des entretiens, proposer des feedbacks actionnables et des parcours adaptés à chaque collaborateur. L’IA évite le syndrôme de la page blanche.
Dans ce contexte d’organisation apprenante, le manager n’est ni un professeur, ni un contrôleur. Il agit comme un levier de progrès et souvent, le déclencheur silencieux d’une Learning culture.
Collaborateurs : les acteurs de leur apprentissage
Si tant est qu’on leur offre un espace d’expression, un scénario et une liberté d’interprétation. A défaut, difficile d’improviser autre chose que… la fuite.
Qu’attend-on d’eux dans l’entreprise apprenante ?
- Contribuer à clarifier leurs besoins : à partir des priorités identifiées par l’organisation, affiner ce qui leur manque, ce qu’ils veulent renforcer, ce qui les bloque
- Partager leurs apprentissages, même informels, même imparfaits, surtout quand ils sont utiles à d’autres
- S’inscrire dans une dynamique de progression, en testant, en observant, en ajustant.
Pour devenir pleinement acteurs de leur montée en compétences à chaque instant, les collaborateurs doivent disposer :
- De repères clairs et d’objectifs précis et mesurables
- De feedbacks réguliers, de reconnaissance visible, de droit à l’erreur
- D’un environnement où apprendre est légitime, valorisé et soutenu
Et l’IA dans tout ça ?
Elle peut proposer des parcours adaptés à leur profil, leurs missions, leurs enjeux. Elle contribue à définir leurs besoins en compétences, à transformer leurs apprentissages en ressources pour l’équipe, à objectiver leurs avancées et leurs marges de progression.
Un collaborateur devient vraiment acteur quand il sent qu’il a la liberté, les outils et la reconnaissance pour apprendre et ses compétences nouvelles ont de la valeur pour son équipe et l’organisation toute entière.
5. La roadmap
Entre la conviction et le passage à l’action, il y a souvent un fossé peuplé de bonnes intentions reportées, de budgets mal fléchés, de « on verra à la rentrée », de « c’est pas prioritaire, là, tout de suite ».
Pour activer le mode “Apprendre” dès à présent, quelques jalons pour une roadmap adaptée au niveau de maturité de l’organisation. Voici quelques exemples de plans d’action déclinés sur 3 niveaux de maturité.
NIVEAU 1 – “Je débute”
Objectif : poser les bases d’une dynamique apprenante sans révolutionner tous les process
Pour qui ?
Les entreprises qui commencent à structurer leur approche de la montée en compétences comme valeur cardinale et facteur de production à part entière.
Exemple de plan d’action :
1. Audit express de l’environnement d’apprentissage
- Quels sont les outils existants ? (formels, informels, collaboratifs…)
- Quels temps sont déjà consacrés à la formation formelle et informelle (même les temps non déclarés) ?
- Qui sont les “apprenants actifs” ou les “transmetteurs discrets” dans l’organisation ?
Concrètement :
- Enquête flash + 3 entretiens clés (manager, collaborateur, service formation)
- Synthèse partagée pour créer un déclic collectif
2. Les 3 priorités compétences
- Compétences critiques à court terme
- Compétences transverses sous-exploitées
- Soft skills ou savoirs “métier” en voie d’obsolescence
Concrètement :
- Atelier avec le service formation + la direction + des experts métiers pour poser les 3 “chantiers clés” du semestre
3. Un rituel compétences simple et efficace
- La compétence du lundi : une ressource + 1 discussion par semaine
- Le retour d’expérience en réunion d’équipe
- La capsule IA hebdo tirée d’un projet / incident réel
Concrètement :
- Expérimentation sur une équipe pilote volontaire (pour y aller par étape)
Le bonus : comment l’IA peut aider à ce stade ?
- Transformer un brief, une procédure ou un incident en micro-contenu pédagogique
- Générer un quiz, une checklist, un guide pas-à-pas
- Identifier les premiers “thèmes d’intérêt” par analyse de mails, de compte-rendus de réunions ou de tickets d’incidents
NIVEAU 2 – “J’avance”
Objectif : structurer la culture et créer des effets d’entraînement
Pour qui ?
Les entreprises qui ont déjà des rituels et une stratégie formation rodés, mais qui souhaitent développer une dynamique continue, vivante, incarnée.
Exemple de plan d’action :
1. Quelle vision de l’entreprise apprenante ?
- Que signifie “apprendre” dans notre contexte ?
- Pourquoi est-ce stratégique ?
- Quel vocabulaire commun veut-on créer ?
Concrètement :
- Ateliers de co-construction avec managers + ambassadeurs métiers
- Affichage interne / vidéo / narratif stratégique + prise de parole de la direction
2. Le cercle d’apprentissage
- Format : 5 à 8 volontaires par équipe, une fois par mois, sur un thème métier ou comportemental
- Objectif : co-construire les apprentissages, partager, documenter
Concrètement :
- Kit d’animation distribué aux managers (ou aux RH de proximité)
- Synthèses et compte-rendus rédigés par IA
3. Les outils du manager
- Tableau de bord des compétences de chaque équipe
- Guide d’entretiens
- Suggestions de rituels courts (1:1, stand-up, post-mortem…)
Concrètement :
- Former un collectif de “managers apprenants” en désignant des ambassadeurs et en encourageant le partage entre pairs.
Le bonus : comment l’IA peut aider à ce stade ?
- Automatiser la transformation des retours d’expérience en supports de formation
- Générer les synthèses d’équipe apprenantes
- Proposer des parcours personnalisés en fonction des projets, des profils ou des postes
NIVEAU 3 – “Je scale”
Objectif : faire de la dynamique apprenante un réflexe à l’échelle de toute l’organisation
Pour qui ?
Les entreprises engagées, avec une vision claire, et prêtes à industrialiser la logique et la dynamique de l’organisation apprenante.
Exemple de plan d’action :
1. La capitalisation des savoirs, expériences, échecs
- Chaque projet, incident, succès devient source d’apprentissage individuel et collectif
- L’IA peut analyser, structurer, diffuser automatiquement
Concrètement :
- Intégrer la logique formation dans les process projet
- Développer une “base de savoir vivante” boostée à l’IA pour gagner du temps
2. L’animation de l’Apprendre
- Newsletter apprenante IA : les 5 leçons de la semaine
- Cycle d’événements métiers: retour d’expérience, ateliers inversés (on rejoue le scénario de l’erreur à partir de la fin)
Concrètement :
- Un “L&D ops” ou “culture manager” pour coordonner la dynamique et la désignation d’un relais dans chaque équipe.
3. La formation valorisée
- Réintégrer l’investissement dans le développement de ses compétences et de celles de ses équipes, dans les possibilités de mobilités internes
- Récompenser / reconnaître le rôle de tuteur, formateur, mentor
- Faire du “partage” un critère de performance
Concrètement :
- Mise à jour des fiches de poste, des référentiels, des évaluations pour y intégrer des objectifs de développement des compétences.
Le bonus : comment l’IA peut aider à ce stade ?
- Devenir copilote de la learning culture : extraction de données, analyses, recommandations
- Optimiser les process formation : moins de redondance, plus de réactivité et de personnalisation
- Réaliser et diffuser de la veille, des ressources pédagogiques en just in time
6. Pour finir
Des décennies que l’on parle d’organisation apprenante. Du monde VUCA au monde BANI, de Peter Senge à l’IA générative, le concept a inspiré, nourri, agacé parfois, parce que trop idéaliste ou trop éloigné du réel peut-être.
Aujourd’hui, les lignes semblent bouger :
- L’accès au savoir n’est plus un sujet (peut-être même que la surabondance devient un problème…)
- Les outils et l’IA permettent de personnaliser, d’adapter, de ritualiser
- Les enjeux de transformation sont si forts (compétence, agilité, attractivité…) que ne pas former et se former est devenu un risque business
Aujourd’hui, l’entreprise est apprenante, si :
- Elle reconnaît le développement des compétences comme une fonction vitale (et non comme une fonction support).
- Elle crée, développe et anime un environnement où les savoirs circulent, les erreurs enseignent, les rôles se décloisonnent.
- Elle s’adresse à tous : RH, managers, formateurs, collaborateurs, IA comprise.
Avant de se lancer…
Développer l’Apprendre dans son organisation est un projet de longue haleine qui commence par les bonnes questions et se poursuit avec les bons interlocuteurs, les bons outils, les bons process.
Demander conseil et consulter des pairs et des spécialistes est un passage fortement recommandé. Pour accompagner votre réflexion, nous avons interrogé des experts, recueilli leur vision de l’organisation apprenante, des enjeux et des objectifs que l’on peut se fixer. Découvrez leurs conseils et n’hésitez pas à les solliciter.