1.
Économie de l’attention : reste-t-il du TEMPS DE CERVEAU DISPONIBLE ?

2.
Attention ! Ceci est un TEST…

3.
L’effet COCKTAIL PARTY

4.
À L’ATTENTION du formateur attentif

5.
Le FLOW dans tous ses états

Pour conclure : votre NEURO CHECK-LIST

Nadia MEDJAD

Nadia MEDJAD | docteur en médecine et coach

Dommages collatéraux de la digitalisation des relations humaines et des processus productifs, l’infobésité et la réduction des délais de traitement de l’information affectent notre attention et notre concentration. Or, toute situation d’apprentissage s’appuie sur les capacités mémorielles de l’apprenant et sa faculté à être attentif. Dans ce contexte, comment capitaliser sur les propriétés de l’attention en formation ?

Cette question, nous l’avons posée à Nadia Medjad, docteur en médecine et coach, au cours d’un épisode des Learning Happy Hours. Piqûre de rappel sur les mécanismes de l’attention et nos leviers d’action pour la développer…

1.
Économie de l’attention :
reste-t-il du TEMPS DE CERVEAU DISPONIBLE ?

Patrick LeLay

En 2004, Patrick Le Lay, alors président de TF1, jetait un pavé dans la marre avec son temps de cerveau disponible qu’il expliquait vendre à Coca Cola.

Un adulte dispose d’une durée d’attention qui varie entre 10 et 20 minutes. Nous sommes exposés quotidiennement à quelques 6 000 annonces ou notifications en tout genre. Nos cercles relationnels s’exportent jusqu’au bout du monde via les réseaux sociaux. Un cadre d’entreprise produit et reçoit 10 fois plus d’informations qu’il y a 10 ans, avec une croissance estimée à 10 % par an. Le phénomène est inédit dans l’Histoire.

Comparons cet excès d’information à l’excès de nourriture : l’infobésité est née. Dans les deux situations, c’est bien la richesse et l’abondance qui sont pointées du doigt. En résulte, en matière informationnelle comme en matière alimentaire, une véritable addiction conduisant à la boulimie.

Or, il existe une corrélation inverse entre le volume d’information à traiter et la capacité attentionnelle : plus la quantité d’information augmente, plus notre niveau d’attention baisse. Notre attention a une capacité limitée et variable selon les individus, l’âge, l’entraînement. Au final, nous risquons la surcharge cognitive par surcroît de sollicitations. La pollution sonore et visuelle à laquelle nous sommes exposés quotidiennement perturbe notre capacité de concentration donc d’attention.

Bienvenue dans l’économie de l’attention

Cette disponibilité cérébrale est devenue la ressource rare que cherchent à capter tous les acteurs de l’économie, de la vie politique ou associative et jusqu’à l’individu lui-même en quête de « Like », de « retweet » ou de commentaires. L’attention comme une unité de valeur qui se compte en minutes et en clics.

2.
Attention !
Ceci est un TEST…

S’il n’existe pas de véritable définition scientifique de l’attention, en 1890, William James en a donné une, devenue classique :

« L’attention est la prise de possession par l’esprit, sous une forme claire et vive, d’un objet ou d’une suite de pensées parmi plusieurs qui semblent possibles […] Elle implique le retrait de certains objets afin de traiter plus efficacement les autres. »

Avant de focaliser toute notre attention sur la corrélation attention-performance, nous vous proposons un petit test. Visualisez les 1’21 de vidéo avant de poursuivre la lecture :

Étonnant, non ? Ce test porte ici sur la forme dirigée autrement dit volontaire ou sélective de l’attention. Cette attention sélective cohabite avec une attention involontaire dite encore détournée. Focus sur ces deux modalités de l’attention ou comment jouer sur l’effet cocktail party.

3.
L’effet
COCKTAIL PARTY

Éliminer tout ce qui ne nous intéresse pas à un instant « t » pour focaliser notre attention sur ce qui nous intéresse : cette capacité cognitive a été qualifiée de « filtre attentionnel » par Donald Broadbent à la fin des années 50.

Cette faculté est particulièrement perceptible lors d’une réception, rassemblant beaucoup de monde. Difficile dans le bruit ambiant d’entendre quoi que ce soit, et pourtant nous parvenons sans difficulté majeure à nous focaliser sur une conversation et à discuter. Cette capacité à inhiber les informations non pertinentes pour se focaliser sur la cible est qualifiée d’attention sélective.

Voilà donc pour l’effet cocktail party formalisé en 1953 par le cogniticien britannique Colin Cherry. Lors de ses expériences, Cherry faisait écouter deux discours différents simultanément à un même individu (chaque oreille recevant une communication distincte). Dans cette situation, l’individu ne comprend que le discours sur lequel se porte son attention ; l’autre est simplement ignoré.

Et si vous faisiez le test en vous focalisant sur l’une des deux allocutions ? (32’’ en anglais pour vous convaincre)

Toutefois, même attentif aux propos de notre interlocuteur, nous n’occultons pas totalement les stimuli environnants. Notre attention peut se trouver tout à coup happée par des bouteilles qui tombent à terre et se brisent ou par notre nom prononcé par un tiers. Il s’agit de l’attention involontaire ou détournée. Ce détournement, irrésistible, en forme d’alerte, est indispensable pour vérifier toute absence de danger imminent.

L’attention détournée sert ainsi à s’adapter :

  • aux événements extérieurs : les sens (et notamment la vue) sont ici en première ligne pour repérer tout changement notable (mouvement, lumière, couleur…) ;
  • à nos besoins physiologiques (la faim, le froid, le sommeil…) et à nos émotions (la peur, le stress…).

Pour la petite histoire, l’ordinateur est incapable d’une telle prouesse d’attention sélective. Mais restons modestes, le manchot royal, au milieu de milliers de ses congénères sur la banquise, possède cette même faculté attentionnelle ! En revanche, sans doute ne rencontre-t-il pas les mêmes problématiques de formation…

4.
À L’ATTENTION
du formateur attentif

L’attention est un prérequis à l’apprentissage. La corrélation entre niveau d’attention et performance (quel que soit le domaine) est totale. En formation, l’attention doit ainsi faire l’objet de toutes les attentions. Rappelons que la durée moyenne d’attention d’un adulte est de 10 minutes. Organiser des séquences de 10 minutes au terme desquelles, un événement (visuel, sonore, émotionnel) relance l’attention est fondamental.

Pour le formateur l’enjeu est double. Non seulement il se doit de capter et canaliser l’attention d’un apprenant sur-sollicité par ailleurs, mais il doit en outre préserver sa propre capacité attentionnelle. Pour atteindre l’objectif, deux leviers principaux : les sens et les émotions. Ils constituent de véritables attracteurs d’attention.

Captez les sens

De façon générale, la vue est le sens qui prime sur tous les autres. Ce sens est celui qui fait intervenir le plus de cellules nerveuses. On compte 18 fois plus de neurones dans le nerf optique que dans le nerf auditif. Tout ce qui relève du visuel est donc primordial pour capter et canaliser l’attention de l’apprenant.

Soyez attrayant, présentez des matériaux capables d’éveiller la curiosité et l’envie d’en savoir plus sans toutefois créer de double tâche. Certaines tâches, totalement automatiques, permettent de réaliser une autre activité simultanée. En revanche, une tâche d’apprentissage nécessite une concentration qui ne peut pas être partagée avec un seconde tâche : c’est le principe de l’attention divisée. En effet si l’on peut s’appuyer sur des mécanismes d’automatisation pour réaliser plusieurs choses à la fois (discuter tout en conduisant, par exemple), apprendre est un processus qui mobilise toute notre attention.

Mobiliser les sens de l’apprenant est donc un facteur déterminant de l’apprentissage. En stimulant plusieurs sens parallèlement (vue, ouïe, odorat…), il est possible de démultiplier les capacités attentionnelles. Chaque sens supplémentaire sollicité renforce la stimulation des autres et, in fine, la captation de l’attention.

Suscitez l’émotion

L’émotion stimule le cerveau et indique qu’il se passe quelque chose d’important, de remarquable, qu’il convient en tout cas de prendre en compte avec attention. « Toute émotion constitue ainsi un marqueur d’importance » explique Nadia Medjad.

Au premier rang des capteurs émotionnels, on retrouve une fois encore la vue. Le contact visuel crée une émotion à un niveau inconscient. Rien ne capte plus l’attention que l’attention portée à quelqu’un. Nous l’avons tous expérimenté : regarder quelqu’un attire immanquablement son attention.

En résumé, la recette gagnante pour capter l’attention : l’élément visuel + le mouvement + le son + l’émotion + la nouveauté + la surprise !

Le revers de la médaille

Les sens et les émotions, s’ils sont attracteurs d’attention, peuvent, dans certaines situations, devenir « distracteurs » d’attention.

La peur et le stress sont les plus puissants « distracteurs » d’attention. Le formateur doit ainsi réguler, cadrer, recadrer pour rassurer et conserver l’attention de l’apprenant sur l’objet d’étude. Proposer des sas de décompression pour éliminer le stress se révèle payant. De même l’encouragement et l’humour permettent de dédramatiser une situation et de recréer un climat de confiance et de sérénité propice à la concentration.

Conservez votre propre attention

Capter l’attention de l’apprenant est déjà une victoire. Mais conserver toute votre attention est également fondamental. Quelques pistes :

  • restez mono-tâche (évitez le multi tasking) ;
  • organisez-vous des pauses sensorielles (une minute les yeux fermés suffit à se rafraîchir les neurones !) ;
  • entraînez votre attention (la méditation est une technique d’entraînement de l’attention scientifiquement prouvée).

Quelles que soient les capacités sollicitées, plus forte est l’attention, plus grande est la performance, plus on se trouve en état de bien être. Il s’agit de l’état de flow.

5.
Le FLOW
dans tous ses états

Le flow (ou flux en français) est un état défini par le psychologue Hongrois Csikszentmihalyi (restez calme, nous ne vous demanderons pas de le prononcer) en 1975. Il correspond à un état mental dans lequel un individu est totalement absorbé dans une activité, au maximum de sa concentration. Être absorbé corps et âme prend ici tout son sens. Il en résulte un sentiment de satisfaction et d’accomplissement de soi dans lequel la personne n’attend rien en retour. On parle d’activité autotélique.

flow

En contexte d’apprentissage, le flow est intimement lié à la motivation intrinsèque. Les formation doivent donc présenter un design pédagogique propice à l’émergence de cette motivation de la part de l’apprenant. Ce principe de flow repose notamment sur l’adéquation parfaite entre la tâche demandée et le niveau de compétence de celui qui est sollicité pour l’accomplir, sur la définition claire de l’objectif et sur l’obtention de feedback immédiats. Cet état est lié à la notion d’attention sans effort

Pour conclure :
votre NEURO CHECK-LIST

Encore quelques minutes d’attention, avant de refermer la page et de mettre en pratique. Le résumé en image de quelques conseils pour capter l’attention de l’apprenant et préserver sa propre attention.

La neuro check-list de l’attention