1.
Connaissance, compétence et performance : le formateur, maillon fort de l’entreprise apprenante

2.
DONNÉE, INFORMATION et CONNAISSANCE

3.
Pour faire plus AMPLE CONNAISSANCE…

4.
C’est AU PIED DU MUR qu’on JUGE LE MAÇON !

5.
Entre compétence et performance : le FORMATEUR sur le pont

6.
SII, ROE, ROI : prendre la mesure du TRANSFERT DES COMPÉTENCES à travers la FORMATION

En RÉSUMÉ et pour CONCLURE… en IMAGE

Caroline Maujonnet

Caroline Maujonnet | Directeur Associé — Impakteo

1. Connaissance, compétence et performance : le formateur, maillon fort de l’entreprise apprenante.

Connaissance, compétence, performance, un tryptique devenu gage de compétitivité dans un contexte concurrentiel mondialisé. L’entreprise apprenante est au cœur de la société du savoir et de l’économie de la connaissance. En son sein, la compétence tient lieu de cheville ouvrière de sa performance.

Comment alors favoriser la mutation de la connaissance en véritable #compétence pour gagner en #performance ? À l’occasion d’un épisode des Learning Happy Hours Caroline Maujonnet, fondatrice de la société de conseil RH Maujonnet consulting et Directrice associée de la société Impakteo, a décortiqué les processus cognitifs, organisationnels, formatifs qui président à cette transformation. La #formation : alchimie de la transformation de la connaissance ?

2.
DONNÉE, INFORMATION et CONNAISSANCE

Qu’est-ce qu’une connaissance ? Avant de définir précisément la connaissance et d’aborder son processus de transformation en compétence, commençons par éliminer ce qui n’est pas du registre de la connaissance.

Les spécialistes de la gestion des connaissances ou Knowledge Management en anglais, hiérarchisent les concepts en distinguant les notions de données, d’informations et de connaissances :

  • une donnée est un élément brut, un fait qui, sorti de tout contexte et pris de façon isolée, a peu de sens ;
  • une information est une donnée interprétée, remise dans un contexte et qui de ce fait acquiert un sens. L’information permet de répondre aux questions : « Qui », « Quoi », « Quand » ;
  • une connaissance est une information digérée, intégrée dans les représentations mentales de celui qui la détient.

Concrètement, si l’on prend un exemple :

  • “3 478 800” est une donnée ;
  • “Le nombre de chômeurs s’établit à 3 478 800 en octobre 2016” est une information ;
  • “Avec 3 478 800 chômeurs de catégorie A (ceux n’ayant aucune activité) en octobre 2016, le taux de chômage est en légère amélioration puisqu’il affiche une baisse de 0,3% sur un mois. Sur un an, la baisse s’établit à 2,08%, soit 73 800 chômeurs de moins pour la catégorie A.” est une connaissance de l’évolution du taux de chômage sur l’année 2016.

Petit détour par la physique des particules

Le modèle KNOVA de Knowledge Management dédié à la quantification et à la qualification des connaissances industrielles, basé sur une analogie avec la physique des particules, a créé le concept de cogniton (à ne pas confondre avec la cognition !).

Ce cogniton est assimilé à un quark, cette particule élémentaire qui constitue toute matière observable.

Le cogniton serait ainsi « un granule élémentaire typé et non-fissible de connaissance mesurable, d’une compétence métier donnée. » Par exemple, la formule permettant de calculer le périmètre d’un cercle (2πR) est un cogniton.

Il permet notamment :

  • d’objectiver la différence entre connaissance et information ;
  • de séparer LA connaissance prise dans sa globalité, des différentes connaissances à mobiliser pour une compétence métier particulière ;
  • de granulariser LA connaissance ;
  • d’organiser les différentes connaissances contenues dans une compétence.

3.
Pour faire plus AMPLE CONNAISSANCE…

Caroline Maujonnet rappelle que « la connaissance, dans l’entreprise, correspond au capital d’expertise que détiennent les individus dans les différentes fonctions (marketing, R&D, achats, commercial, juridique…) qui constituent le cœur de métier de l’entreprise. Ces connaissances doivent être gérées et capitalisées pour améliorer l’efficacité globale de l’entreprise. »

De catégories théoriques…

En matière de Knowledge management, on distingue 2 grandes catégories de connaissances :

  • les connaissances explicites que l’on peut formaliser facilement par le langage et décrire par des mots (connaissances formelles recensées dans des ouvrages, des procédures, dans des bases de données…) ;
  • et les connaissances tacites qui revêtent une dimension personnelle dans la mesure où elles sont passées au prisme de nos représentations mentales, de notre expérience et du contexte. Elles représentent un actif intangible de l’entreprise car non formalisé.

La psychologie cognitive distingue plutôt connaissances déclaratives, procédurales et conditionnelles :

  • les connaissances déclaratives se rapprochent du savoir et ont une dimension théorique et correspondent à des faits ou des principes incontestés ;
  • les connaissances procédurales s’apparentent au savoir-faire et répondent à la question « Comment faire ? » ;
  • les connaissances conditionnelles correspondent à des classifications et des catégorisations ; elles ont trait aux conditions de l’action.

…en typologie opérationnelle

Certains modèles de Knowledge Management (le modèle KNOVA, notamment) distinguent jusqu’à 5 types de connaissances représentant un savoir-faire opérationnel propre à un entreprise.

Prenons le cas d’un commercial dans une entreprise.

  • Pour chaque typologie de client, il va adapter son registre de langage et son discours commercial. Pour ce faire, il va mobiliser des connaissances contextuelles, basées sur « la culture métier du savoir-faire à l’aide de contextes identifiés ».
  • Bien formé, il maîtrise les différentes étapes de son argumentaire commercial et saura les utiliser lors de ses entretiens avec des prospects. Entrent ici en jeu les connaissances opératoires qui « décrivent le processus métier du savoir-faire à l’aide des activités prises en compte ».
  • En toute circonstance, il restera poli et courtois lors de ses entretiens avec des prospects ou clients, appliquant ainsi une règle comportementale de base dans les rapports commerciaux. Voici donc mobilisées les connaissances comportementales qui caractérisent « l’expertise métier du savoir-faire à l’aide des règles comportementales ».
  • En tant que spécialiste de son secteur, il en connaît le vocabulaire spécifique : les acronymes, les termes clés. Il sait les utiliser à bon escient dans son activité commerciale. Ces connaissances terminologiques recouvrent « le vocabulaire métier du savoir-faire à l’aide de termes validés par les experts métiers ».
  • Enfin, supposons que notre commercial exerce dans le secteur de l’hôtellerie restauration. Il pourrait bénéficier d’un mentorat par un directeur commercial, ou d’entraînements en situation autour de cas professionnels précis, comme par exemple présenter une offre de services à un directeur adjoint d’hôtel 4 étoiles. Ce sont ces connaissances singulières, parce que totalement contextualisées, qui « décrivent l’expérience métier du savoir-faire à l’aide de cas sélectionnés ».

Si les connaissances sont indispensables au fonctionnement cognitif d’un collaborateur, elles n’en demeurent pas moins insuffisantes. C’est bien la #compétence et donc ce passage de l’acquisition de connaissances à leur mise en œuvre qui crée de la valeur : parce que c’est au pied du mur qu’on juge le maçon.

4.
C’est AU PIED DU MUR qu’on JUGE LE MAÇON !

Il en est de la compétence comme du bonheur : à chacun sa définition. Mais au final, il revient bien au donneur d’ordre d’apprécier si la tâche accomplie est conforme à celle demandée dans le contexte et les contraintes définis au départ.

Et si c’était ça la compétence : « mobiliser ou activer plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte donné » comme la définit Guy Le Boterf, expert en gestion des ressources humaines, formation et management et auteur de nombreux ouvrages sur la compétence. Définition à compléter par celle de Philippe Zarifian, sociologue français, qui voit dans la compétence : « l’intelligence pratique des situations qui se manifeste par l’autonomie, les prises de responsabilités et la communication. »

Derrière la notion de compétence, on trouve donc l’action et in fine l’évaluation de l’action. Selon Le Boterf et Zarifian, il existe des “ capacités ” générales qui se déclinent en “compétences ” qui elles-mêmes se déclinent en “ objectifs ” qui permettent de les traduire en faits observables en situation.

À partir de son capital de connaissances, un individu peut, par une diversité de modèles combinatoires, que Guy Le Boterf nomme le schème opératoire (la façon de procéder), construire des compétences variées. Il distingue 3 éléments constitutifs de la compétence :

  • le savoir agir développé par toutes les situations de formation (apports didactiques, entraînement, mise en situation) ;
  • le vouloir agir renforcé par la mise en perspective de l’action, le sens donné à la construction des compétences, l’image positive de soi, un environnement de confiance ;
  • le pouvoir agir directement dépendant de l’entreprise qui devra créer une organisation du travail permettant le déploiement des performances individuelles et collectives, offrir les moyens d’action et les ressources adéquates à ses collaborateurs.

Et Caroline Maujonnet de préciser : la compétence est donc un agrégat intermédiaire qui permet de passer des capacités générales des individus aux objectifs particuliers de l’entreprise.

Dans ce contexte, la relation est étroite entre compétence individuelle et compétence collective. La dimension de coopération est déterminante. En effet la compétence collective ne saurait être regardée comme la somme des compétences individuelles. C’est donc l’organisation du travail collaboratif et le management qui peut structurer et faire émerger la compétence collective. Et c’est bien la formation tout au long de la vie qui peut maintenir la compétence individuelle, agrégat de la compétence collective.

De la compétence à la performance : être ou avoir ?

Le lien entre compétences et performances intéresse particulièrement les entreprises. En 1996, l’American Compensation Association caractérise la compétence comme « une combinaison de savoir-faire (skill), connaissances, comportements générateurs de performance (performance behaviors), qui contribuent à améliorer la performance individuelle et la réussite des organisations ».

Guy le Boterf distingue ÊTRE COMPÉTENT autrement dit « savoir agir en situation » et AVOIR DES COMPÉTENCES, c’est-à-dire « posséder des ressources pour pouvoir agir en situation ».

Guy le Boterf modélise son propos dans un schéma du passage de l’avoir (« avoir des compétences ») à l’être (« être compétent »). Le professionnel compétent va combiner ressources internes et ressources externes pour adopter une pratique professionnelle qui, au-delà du savoir agir, implique la prise de décisions et l’autonomie.

Au sein de l’entreprise, la palette de compétences déployées pour obtenir un véritable « savoir agir avec compétence » va ainsi produire des résultats appréciables en termes de performance.

5.
Entre compétence et performance : le FORMATEUR sur le pont

Former ses collaborateurs pour les faire monter en compétence n’est pas une fin en soi. C’est bien le transfert des compétences de la sphère personnelle de l’apprenant aux process de l’entreprise, dans un objectif de maximisation des processus productifs, qui est visé.

La performance de l’entreprise est ainsi liée :

  • d’une part à la performance individuelle, autrement dit à la capacité de ses collaborateurs à transférer, en situation opérationnelle, les compétences qu’ils ont acquises en situation de formation, qu’il s’agisse d’apprentissage formel ou informel ;
  • d’autre part à une performance collective favorisée par l’organisation du travail mise en place par l’entreprise.

Le rôle du formateur n’est pas à négliger dans l’opération de transfert de compétences de chaque collaborateur. Il se doit de créer les conditions d’un transfert ultérieur des ressources qu’il transmet. Le formateur comme bâtisseur de ponts entre la situation d’apprentissage et des situations opérationnelles futures et fluctuantes.

D’un contexte à l’autre

Transférer des compétences acquises en formation dans sa pratique quotidienne revient pour l’apprenant à « décontextualiser » ses apprentissages pour les « re-contextualiser » en situation de travail. Passer d’un contexte à l’autre est une activité complexe qui mobilise, outre les connaissances pures, la motivation de l’apprenant ainsi que ses facultés cognitives et métacognitives.

C’est au formateur qu’il appartient, par des mises en situation diverses, des retours d’expérience, des jeux de rôle entre apprenants de faciliter ces processus de « décontextualisation » et « re-contextualisation ».

L’environnement de formation : un facteur clé

Dans une étude de 1999, deux universitaires québécois (Belair et Haccoun) et deux professionnels de santé de Montréal (Laroche et Laurin) ont mis au point une grille d’analyse permettant d’apprécier le potentiel de transfert de compétences des apprenants.

Avant d’apprécier les 5 facteurs clés mis en évidence, la démarche suppose au préalable que l’employeur ait clairement formulé ses attentes de progrès post-formation auprès de chaque apprenant.

Sont ensuite analysés les 5 « facteurs associés à la capacité des intervenants à réussir le transfert ». Les deux premiers sont directement du ressort du formateur.

  • Le sentiment d’efficacité personnelle : l’apprenant se sent-il capable d’apprendre puis d’utiliser ses apprentissages ultérieurement ? En introduisant dans les sessions de formation des cas pratiques permettant de développer le sentiment d’efficacité de chaque participant, le formateur va renforcer ce sentiment d’efficacité personnelle.
  • La motivation de l’apprenant à apprendre puis à mobiliser ses apprentissages en contexte professionnel. Le formateur se doit de donner du sens et de mettre en perspective les savoirs et compétences qu’il transmet.
  • Le contrôle perçu : si l’apprenant s’estime capable d’influencer son propre travail ou de contrôler les compétences visées par la formation, leur transfert en situation de travail sera plus efficace.
  • Le soutien perçu : si l’apprenant a le sentiment que sa hiérarchie soutient sa démarche de formation, il appliquera d’autant mieux ce qu’il a appris.
  • L’environnement : l’apprenant doit être renforcé dans sa conviction de l’utilité du transfert de ses compétences en situation de travail. Ces incitations proviennent de son entourage social (échanges entre apprenants ou avec les autres collaborateurs, par exemple), de la pertinence de la compétence acquise elle-même et de la pédagogie du formateur, de son souci de mettre en situation l’apprenant…

Pour résumer de façon concrète, le formateur peut s’appuyer sur une routine de formation en commençant par détendre l’atmosphère en début de formation, puis exposer les éléments théoriques, proposer un cas pratique ou une mise en situation, débriefer sur le cas solutionné, proposer un nouvel exercice d’entraînement et finir par capitaliser sur l’ensemble des notions abordées.

6.
SII, ROE, ROI : prendre la mesure du TRANSFERT DES COMPÉTENCES à travers la FORMATION

Qui dit performance, dit mesure, donc indicateurs. On connaît tous le ROI (Retour sur Investissement). Pris comme seule référence, sa notoriété n’en fait pas pour autant l’indicateur plébiscité dans le cadre de l’évaluation d’une action de formation. Il existe parallèlement d’autres indicateurs utilisés en formation.

Caroline Maujonnet passe en revue trois grands types d’indicateurs et leur pertinence en matière d’action de formation.

Skill Improvement Indicator® (SII)

Le SII mesure la progression des compétences d’un individu à l’issue d’un dispositif de formation. Il s’agit d’une mesure de la progression « absolue » des compétences suite à une formation.

Il se calcule par l’écart constaté (progrès ou régression, dans de très rares cas) entre :

  • le niveau déclaré de compétences lors du premier diagnostic déclaratif, soit 7 jours avant la formation,
  • et le niveau déclaré à l’issue du parcours, soit 2 mois après la fin de la formation (diagnostic à froid).

On peut aussi intégrer un diagnostic à chaud, déclaré au sortir de la session de formation. Le SII étant le total des deux taux (à chaud + à froid).

Le SII est un calcul simple que l’on peut illustrer par l’exemple suivant qui met en avant l’évaluation de la progression d’un apprenant sur l’acquisition de la compétence « Fixation d’objectifs » :

Source : Impakteo

Return on Expectation (ROE)

Le ROE (Retour sur les Attentes, en français) repose sur le modèle de Kirkpatrick, adapté et affiné. Le ROE mesure l’atteinte ou la non atteinte des objectifs pédagogiques à l’issue de la formation.
Il constitue une évaluation de la modification des comportements attendus, et l’atteinte d’un niveau défini avant la formation par le prescripteur de cette dernière.

Mesurer le ROE requiert donc de fixer, en amont de la formation, le niveau de compétences attendu pour les apprenants à l’issue de la formation.

Le ROE mesure toujours un écart entre le niveau de compétences attendu, et le niveau réellement atteint à l’issue de la formation, que l’on peut schématiser de la façon suivante (exemple de ROE sur la compétence « Gestion des conflits ») :

Cette notion d’écart présente dans le ROE fait référence au « gap analysis », outil permettant de comparer l’écart existant entre une situation à un instant « t » et une situation prévisionnelle espérée tout en identifiant les leviers d’action permettant de supprimer cet écart.

Return on Investment (ROI)
Le ROI (Retour sur Investissement, en français) mesure, de façon générale, le rendement d’un investissement. En formation, il mesure l’impact quantitatif réel de la formation sur les indicateurs de performance de l’entreprise.

La pertinence du calcul d’un ROI en formation est souvent décriée. On lui préfère souvent le ROE. Il impose de définir très précisément et avec beaucoup de précaution les indicateurs en amont de l’action de formation. Il est à réserver de préférences aux actions stratégiques de l’entreprise. Or bien souvent ces actions stratégique comprennent bien plus que des actions de formation. Il est difficile dans ces conditions d’isoler la seule part de la formation dans l’évolution des performances de l’entreprise.

Au choix…

Alors Caroline Maujonnet, si vous deviez choisir un indicateur de mesure de la performance des actions de formations, lequel aurait votre préférence ?

La réponse en image :

En RÉSUMÉ et pour CONCLURE… en IMAGE