1.
Quand on vous PROPOSE LE BOT…

2.
Pour ÉVITER le DIALOGUE DE SOURD

3.
À la « BOT » de la PÉDAGOGIE

4.
Pounce, Jill, SAM et les autres…

5.
Bot en touche finale

Jean VANDERSPELDEN

CHATBOT | Votre nouvel ami

Samuel Beckett aurait sans doute apprécié ce remake 3.0 d’ « En attendant Godot » qu’ont joué en live sur la plateforme Twitch deux bots domestiques Google Home en début d’année. Comme leurs célèbres homonymes de la pièce, Vladimir et Estragon, dotés d’une technologie de machine learning, ont tué le temps en partageant leurs interrogations sur le sens de la vie, la religion, leur condition de robots et leurs sentiments amoureux … Tels sont les nouveaux héros modernes.

Extrait : 1 minute de conversation…

1.
Quand on vous PROPOSE LE BOT…

Après les chatbots « vie quotidienne » donnant instantanément le nom du restaurant le plus proche ou la météo à 10 jours, les agents conversationnels deviennent des services à valeur ajoutée. Selon le cabinet Gartner, « d’ici 2020, près de 90 % des interactions en ligne seront gérées par des machines ».

Le service est pionnier en la matière. Les marques développent des bots conversationnels pour une meilleure gestion de la relation et une proximité 24/24h. Aller à la rencontre de ses clients directement dans sa sphère privée d’échanges (via les messageries instantanées auxquelles sont abonnés lesdits clients) constitue visiblement un atout. Le chatbot de marque répond à un impératif d’instantanéité du besoin client notamment en matière de conseil sur le produit ou de démarche d’achat en ligne. Lorsque leur niveau de langage est suffisamment performant et leur vocabulaire riche, ils portent en outre l’identité de la marque : jouer avec l’humour, doter le bot d’une personnalité le rend plus humain et accroît la proximité avec le client.
C’est le choix de Volty, un bot dédié à la recherche de points de recharge des voitures électriques. Il s’adresse à un public plutôt actif et citadin. Les références à la Batmobile, K2000 ou X-wing permettent à chaque génération de se reconnaître. Les propositions incomprises sont ainsi gérées avec des références télévisuelles ou cinématographiques pour relancer la conversation et éviter la lassitude trop rapide de l’utilisateur. La proposition du tutoiement dès le début de la conversation crée une proximité.

Les hôtels Mercure ont misé pour leur part sur le #storytelling, les photos et la #gamification pour enrichir les conversations et « botter » en touche lorsque le Mercure-bot n’a qu’une réponse approximative. Le côté confidentiel « ça reste entre nous » renforce là encore la proximité.

Les chatbots de la relation client permettent enfin de recueillir nombre de données sur l’internaute et de lui proposer de nouveaux produits adaptés.

Autre service de l’entreprise qui investit le terrain des agents conversationnels : les RH. Qui n’a pas rêvé de pouvoir interroger son service RH, à tout moment, au sujet de la gestion de ses congés et d’obtenir une réponse immédiate ? Aujourd’hui les grands groupes sont de plus en plus nombreux à développer ce type de services pour alléger la tâche des services RH et offrir à leurs collaborateurs un service d’information « just in time ».

Et ce n’est que le début ! Le champ des possibles semble infini, dans tous les domaines. Comme souvent ce sont ceux de la relation client qui ont été investis les premiers.

Dans notre premier épisode sur les #chatbots, nous plantions le décor. Après avoir analysé les raisons de l’émergence et du développement des robots conversationnels, nous vous proposons, dans ce deuxième épisode, les scénarios possibles de l’utilisation des chatbots en formation. Les expériences de bots pédagogiques menées au cours des derniers mois restent fortement concentrées dans l’univers de l’enseignement. Elles permettent toutefois d’extrapoler sur les usages qui ne manqueront pas d’apparaître en formation continue dans les mois et les années à venir.

Alors à quand le formateur droit dans ses bots ?

2.
Quand on vous PROPOSE LE BOT…

Dans tous les cas, les réponses sont le reflet de la richesse de la base de connaissances du bot. Mais quelque soit la complétude de la base de données sur le sujet circonscrit, la conversation se doit de rester fluide, d’où l’usage d’artifices humoristiques ou ludiques, de l’emploi de transition entre deux propositions afin de maintenir une illusion de conversation naturelle avec l’utilisateur.

Sur le bout de la langue : petit détour par l’analyse lexicale

Le peuplement d’une base de données de connaissances et d’éléments de langage peut faire peur tant les formulations sur un même thème peuvent être nombreuses voire exotiques. Il est donc primordial de recueillir les questions récurrentes reçues par le service client pour analyser leur vocabulaire et leur syntaxe. Concernant notre chatbot Volty, on peut imaginer qu’a été implémenté un grand nombre de marques mais aussi de modèles de véhicules.

Il existe aussi quelques méthodes sémantiques sur lesquelles s’appuient les spécialistes pour faciliter la reconnaissance des termes d’une proposition par le robot. Les mots d’une même famille sont regroupés derrière une sorte de générique (que l’on appelle lemme ; l’opération portant le nom de lemmatisation) : l’infinitif pour les verbes (« avoir » comprend ainsi tous les temps et tous les modes de conjugaison à toutes les personnes) et le masculin singulier pour les autres mots (l’adjectif « vert » comprendra ainsi « verte », « vertes », « verts »).

Le robot peut également être pourvu de scénarios de guidance pour orienter la conversation et proposer des options à l’utilisateur. Cette solution permet de maintenir la conversation plus longtemps lorsque le bot ne saisit pas le sens d’une question. La phase de conception aura généralement permis de développer des arbres de décision.

En synthèse, un schéma simplifié de processus décisionnel possible

Extension du domaine de l’humain

Stan Franklin, spécialiste en intelligence artificielle a listé les compétences indispensables dont doit être doté un chatbot pour qu’il puisse être utilisable de façon agréable. Cette liste nous la connaissons bien, elle fleurit dans la plupart des offres d’emploi :

  • la réactivité : le robot doit apporter une réponse très rapidement. Cette célérité va de l’instantané à quelques secondes selon que l’entreprise souhaite ou non simuler le temps de rédaction du message dans le cas d’un chatbot textuel ;
  • l’autonomie : le robot réagit à l’utilisateur rapidement sans attendre une action humaine préalable à l’envoi de sa réponse ;
  • la constance : le robot doit fonctionner sans interruption de service pour être accessible en permanence ;
  • la proactivité : outre les réponses, le robot doit être capable de proposer des services, des produits, des compléments d’informations, des explications.

On l’aura compris la relation client prend le sujet au sérieux. Mais qu’en est-il en formation ? L’apprenant est-il prêt à se laisser guider, voire instruire par un programme ? Les expérimentations actuelles de chatbots en formation portent sur l’aspect tutoral d’orientation dans le parcours apprenant ou dans les modalités d’accès à la formation autant que sur la dimension pédagogique. Ces premiers chatbots techno-pédagogiques visent autant à renforcer l’engagement de l’apprenant via une instantanéité de la réponse et une personnalisation de son parcours qu’à dégager du temps au formateur ou au tuteur qui peut alors se concentrer sur des tâches à plus grande valeur ajoutée pédagogique.

3.
À la « BOT » de la PÉDAGOGIE

Forts des expériences en matière de gestion de la relation client, les scénarios pédagogiques intégrant des chatbots peuvent revêtir plusieurs dimensions, qu’elles concernent :

  • l’acquisition de savoirs ou savoir-être via des robots délivrant de la connaissance à la demande sur des champs d’expertise délimités et alimentés de modules retravaillés dans lesquels chaque micro-grain de savoir répond à une question aux multiples libellés : on peut imaginer ici, au-delà des apports théoriques, l’importance des métadonnées ;
  • l’accompagnement technique ou administratif dans le choix ou les modalités d’accès à une formation : on se rapproche ici du chatbot, support de la relation client ;
  • le positionnement par rapport à un niveau ou à un projet professionnel, par des méthodes évaluatives revisitées au travers d’une interface conversationnelle nourri de test de positionnement retravaillées pour fournir un questionnement à rapprocher d’un diagnostic médical. Le positionnement peut aussi passer par l’historique du parcours de formation de l’apprenant via un interfaçage avec le LRS (Learning record store) une façon de renforcer la dimension d’adaptive learning ;
  • l’engagement de l’apprenant alors encouragé dans sa progression par un chatbot-tuteur ou incité à collaborer avec ses pairs pourquoi pas géolocalisés pour favoriser les rencontres physiques.

Si le spectre d’intervention du robot semble large, il ne signe pas pour autant la fin du formateur ni du tuteur, indispensables dans une relation de transmission de savoirs et savoir-faire. Le bot peut constituer aujourd’hui un assistant du tuteur/formateur, mobilisable par l’apprenant à tout moment. Les chatbots rencontrent encore des difficultés face aux questions ouvertes souvent ambiguës des internautes. La recherche sur les algorithmes a encore quelques progrès à faire avant de voir la formation laissée aux mains de robots.

Les expérimentations menées actuellement en formation réservent généralement une place d’assistant aux chatbots. Quelques retours d’expériences…

4.
Pounce, Jill, SAM et les autres…

De l’accompagnement administratif à la préparation aux entretiens d’embauche, les initiatives d’agents conversationnels au service des apprenants se multiplient. Quels enseignements tirer de ces premiers essais ?

Pounce : un chatbot aux inscriptions

L’université américaine de Géorgie a mis en place, avec la société Admithub, spécialisée dans le développement de chatbots, un robot textuel permettant d’aider les futurs étudiants fraîchement sortis de l’enseignement secondaire à effectuer toutes les démarches d’inscription. Baptisé Pounce, du nom de la mascotte de l’université, il informe les futurs étudiants sur les modalités d’inscription, les formalités de demande de logement, les services de l’université.

Parmi les questions récurrentes des étudiants :

  • Quand saurais-je si je suis admis ?
  • Quand vais-je devoir payer les frais de scolarité ?
  • Sous quelle forme dois-je envoyer mes résultats aux examens ?
  • Quels sont les horaires d’ouverture du service des admissions ?
  • Est-ce que je peux amener ma salamandre dans ma chambre en résidence universitaire ?

Pounce se veut un bot de transition pour passer en douceur de la vie lycéenne à la vie universitaire. Déployé en 2016, le robot a rencontré un franc succès auprès des étudiants : selon la société Admithub, 80 % des utilisateurs ont noté le chatbot 4 ou 5 étoiles et 94 % seraient prêts à le recommander aux promotions suivantes.

Le bénéfice pour les services administratifs est substantiel. La société Admithub annonce un taux de traitement des messages de 99 % et une réduction importante du nombre de sollicitations des services de l’université. En image (source : Admithub) :

Duolingo : un bot qui n’a pas la langue dans sa poche

L’application d’apprentissage des langues Duolingo, offre, depuis fin 2016, à ses utilisateurs équipés d’un Iphone, un chatbot de conversation dans la langue souhaitée (de l’anglais vers le français, l’espagnol et l’allemand pour l’instant).

Trois tuteurs virtuels (un pizzaiolo, un chauffeur de taxi et un policier pour renforcer l’humanisation du bot et appuyer sur l’acquisition d’un langage utilisable dans la vie quotidienne) sont ainsi à la disposition des apprenants pour simuler une conversation réaliste.

La société mise sur le machine learning pour un parcours en adaptive learning : le robot est ainsi capable de s’adapter au niveau de son interlocuteur au fur et à mesure du dialogue et des interactions. En cas de difficultés, l’apprenant est aidé par des propositions de réponses. Le bénéfice pour l’apprenant est évident dans la mesure ou le chatbot complète les cours théoriques en offrant un volet « pratique de la langue » indispensable à sa montée en compétences.

Jill Watson : rencontre du 3e type

Ashoek Goel, professeur en intelligence artificielle de l’Institut technologique de Géorgie a étoffé son équipe de 8 assistants pédagogiques d’une neuvième recrue virtuelle. Jill Watson est ainsi devenue assistant au même titre que ses collègues humains, après une période de test de quelques semaines nécessaire à l’adaptation des réponses à un maximum de questions les plus diverses. Les assistants pédagogiques sont chargés d’orienter les 300 étudiants sur les cours et les projets à rendre. Ce sont environ 10 000 messages qui sont postés chaque année par les étudiants. Les interrogations peuvent porter sur la matière, mais aussi sur des dates limites de rendu des devoirs, l’organisation générale du cours…
L’intervention du bot via e-mail a trompé les étudiants qui, pour la plupart, ne se sont pas rendus compte, qu’ils échangeaient avec une intelligence artificielle.

L’expérience visait à alléger la charge des assistants « en chair et en os » sur les questions administratives récurrentes, leur permettant de se focaliser sur les questions plus techniques ou motivationnelles. Le retour positif des étudiants a permis d’envisager de pérenniser l’expérience. L’université annonce un objectif de 40 % de questions prises en charge par le robot.

SAM : un coach qui s’entretient

Entraîner les futurs candidats à passer leur entretien d’embauche, telle est l’ambition de SAM (pour Super Ascenseur Mazars), le robot conversationnel de la société Mazars hébergé sur Facebook Messenger depuis mi-avril 2017. Élément différenciant de la politique de recrutement de Mazars et vecteur de la marque employeur, SAM entend fournir aux futurs candidats tous les conseils pour le jour J.

SAM endosse le rôle du recruteur en interrogeant l’utilisateur sur la tenue vestimentaire à porter ou les modes de valorisation de ses compétences. Le dialogue se veut informel et décontracté et la méthode inductive entend mettre l’utilisateur en situation tout en lui apportant les éléments d’information essentiels.

Le public de jeunes diplômés, cible privilégiée de Mazars, est fortement présent sur les messageries instantanées. Mazars entend aller chercher ses futurs collaborateurs sur leur terrain de jeu privilégié, en renforçant son image dynamique. Quand le chatbot devient coachbot…

5.
Bot en touche finale

Au vu de ces différents exemples, le chatbot n’en est qu’à ses balbutiements. Cabinets de prospective digitale (type Gartner dont les publications sur le sujet abondent) et GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) s’accordent pour leur prêter toute leur attention et un potentiel indéniable.

En formation, l’objectif est clairement affiché : des parcours toujours plus personnalisés grâce au tracking des préférences, des rythmes et des habiletés de l’apprenant. Ainsi, par exemple, au vu de la navigation et du temps inhabituel passé par l’apprenant sur un module, le chatbot pourra suggérer une pause à l’apprenant ou détendre l’atmosphère par une conversation décalée et plus légère.

De même, le bénéfice du chatbot côté formateur/tuteur semble évident tant ce dernier peut prendre en charge les tâches à faible valeur ajoutée et offrir au formateur du temps à consacrer aux activités pédagogiques et collaboratives proprement dites.