1. Pourquoi faire l’AFEST ?

2. Comment faire l’AFEST ?

Pour conclure les FESTivités…

Aurait-on réinventé la roue ? Revisité le bon vieux compagnonnage ? Ré-enchanté la formation sur le tas ?

Et s’il était plutôt question de formaliser et de structurer ce qui relevait jusqu’alors de l’informel et de conscientiser l’apprentissage des gestes, postures et process acquis auprès d’un expert devenu formateur ? La modalité n’est donc pas révolutionnaire, mais les cadres légal, réglementaire et pédagogique dont elle s’entoure sont en revanche inédits.

L’AFEST ou Action de Formation en Situation de Travail a été consacrée comme action de formation à part entière par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Son contenu et ses critères ont été détaillés par le décret du 28 décembre 2018 relatif aux actions de formation et aux modalités de conventionnement des actions de développement des compétences.

« Art. D. 6313-3-2.- La mise en œuvre d’une action de formation en situation de travail comprend :

  1. L’analyse de l’activité de travail pour, le cas échéant, l’adapter à des fins pédagogiques ;
  2. La désignation préalable d’un formateur pouvant exercer une fonction tutorale ;
  3. La mise en place de phases réflexives, distinctes des mises en situation de travail et destinées à utiliser à des fins pédagogiques les enseignements tirés de la situation de travail, qui permettent d’observer et d’analyser les écarts entre les attendus, les réalisations et les acquis de chaque mise en situation afin de consolider et d’expliciter les apprentissages ;
  4. Des évaluations spécifiques des acquis de la formation qui jalonnent ou concluent l’action. »

L’AFEST est comme une valse à 4 temps, réglée comme du papier à musique pour tenir toutes ses promesses, celle d’une montée en compétences efficiente et objectivable.

1.
Pourquoi faire l’AFEST ?

L’AFEST peut faire valoir ses atouts tant pour l’entreprise que pour le collaborateur formé ou pour le formateur et jusqu’au manager, voire aux RH et à la direction dans une optique d’organisation apprenante.

Côté entreprise, l’AFEST est une formation qui se déroule dans le flux de la production de l’entreprise. Elle prend ainsi en compte non seulement les missions et tâches précises d’un poste ou d’une fonction mais également le contexte organisationnel et managérial de l’entreprise qui la déploie. Elle peut ainsi répondre à des situations de rareté des compétences recherchées sur le marché de l’emploi et donc aux difficultés de recrutement que rencontrent aujourd’hui nombre d’entreprises.

Elle vise l’opérationnalité immédiate du collaborateur. Elle permet d’obtenir un ROE (retour sur les attentes) satisfaisant, à condition que toutes les phases du dispositif et notamment la phase amont de cadrage et de définition des situations réelles de travail aient été correctement menées. En effet, le transfert des compétences acquises dans le cadre d’une AFEST dans le flux normal de la chaîne de production de l’entreprise est généralement supérieur, le stagiaire ayant été formé en conditions réelles de travail par l’un de ses pairs ou un expert choisi pour ses capacités à transmettre son savoir et son savoir-faire. Ce transfert s’évalue donc plus aisément entraînant une meilleure appréciation de l’impact de la formation sur la chaîne de production.

Le rappel de la différence entre ROI (retour sur investissement) et ROE (retour sur les attentes) en moins de 3’ de vidéo par Jonathan Pottiez, expert en management de la formation.

Enfin, la phase amont de l’action impose de décortiquer les processus de production et de qualifier chaque tâche du processus. Cette étude minutieuse peut être l’occasion, pour l’organisation, d’interroger ses pratiques et d’ajuster le mode de réalisation d’une activité productive.

Côté stagiaire, l’AFEST permet un engagement total dans la mesure où la formation est intégrée à la production de l’entreprise et s’appuie sur les mécanismes méta-cognitifs de l’individu qui permettent de conscientiser ses apprentissages au travers des phases réflexives indispensables pour analyser les savoir et savoir-faire acquis et leur mobilisation en situation.

Rappel sur la notion de méta-cognition : https://fr.wikipedia.org/wiki/Métacognition

Les expérimentations menées par des OPCA (à l’époque, l’heure n’était pas encore aux OPCO) et l’Anact* en matière d’AFEST témoignent d’un sentiment d’utilité ressenti par le stagiaire. Ces expérimentations ont mis en lumière une adéquation forte entre la modalité de learning by doing (apprendre en faisant) et certains publics peu enclins à partir dans des processus de formation en salle.

*Anact : Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail

Le rapport complet, rendu en juillet 2018, à télécharger sur le site du Ministère du travail.

Pour le formateur, expert de son métier dans l’entreprise, l’AFEST constitue un moment privilégié qui lui permet d’acquérir de nouvelles compétences en matière de transmission de ses savoirs, savoir-faire et savoir-être. Une formation sera peut-être nécessaire pour amener le potentiel formateur à enrichir ses aptitudes à la transmission.
C’est également pour lui, une façon de faire un bilan de ses pratiques et d’envisager, le cas échéant, des ajustements. Le stagiaire peut en effet jouer un effet miroir des pratiques du formateur et mettre en lumière des manques ou faire émerger des solutions plus efficaces dans sa pratique quotidienne.

Pour le service formation, l’AFEST est l’occasion de prendre une place centrale dans le développement des compétences des collaborateurs. Il en sera le chef de projet, le promoteur et le facilitateur. Il peut être aidé à chaque étape par un organisme de formation à même de co-construire avec lui le dispositif global et d’apporter une vision macro dans l’ordonnancement des étapes et leur bonne réalisation. L’apport d’un organisme de formation peut être intéressant dans la phase de recueil des besoins pour formaliser et traduire en action de formation une volonté de professionnalisation du collaborateur à former. Son regard extérieur peut aider à mettre en lumière les écarts entre travail réel et travail prescrit et amener les parties prenantes (du manager de proximité au service RH) à ajuster les pratiques réelles ainsi que les actions cibles objet des scénarios pédagogiques de l’AFEST. L’organisme de formation peut également intervenir auprès de l’expert devenu formateur pour le guider dans la transmission de son savoir-faire au stagiaire et lors des phases réflexives. Côté financement, les entreprises de moins de 50 salariés peuvent solliciter leur OPCO. Pour les autres, l’AFEST constitue une modalité de formation à inscrire au plan de développement des compétences.

En résumé, l’AFEST est avant tout un dispositif individuel et personnalisé de formation. Le bénéfice collectif de l’AFEST et les transformations organisationnelles qui peuvent en résulter sont induits et apparaissent à l’occasion des retours d’expérience et de la capitalisation sur le questionnement engagé notamment dans l’analyse des situations de travail.

2.
titreComment faire l’AFEST ?

Les critères précis du décret de décembre 2018 imposent 4 temps que l’on peut regrouper en 3 grandes phases :

  • une phase amont de préparation et de scénarisation de l’action qui reprend les temps 1 et 2 décrits dans le décret, soit la faisabilité de l’action, l’analyse précise de l’activité professionnelle et sa transposition en mises en situations pédagogiques et l’identification d’un salarié de l’entreprise à même de jouer le rôle du formateur et d’accompagner le stagiaire dans sa formation par le Faire ;
  • la phase de réalisation de l’action avec l’articulation entre les mises en situation proprement dites et les séquences réflexives de débriefing et de mise en perspective des missions réalisées par le stagiaire, animées par le formateur et/ou un tiers ;
  • une phase d’évaluation des acquis et de la satisfaction de l’apprenant et de son manager.

Tour d’horizon des attendus pour chacune des phases…

En guise de préliminaires : LEVER LE « RIDEAU DE FAIRE »

C’est bien au cours de cette phase préparatoire que l’on va s’écarter de la formation sur le tas qui peut constituer un « rideau de faire » tant elle peut manquer de structuration et d’objectifs clairement définis et choisir de faire l’AFEST.

Cette première phase peut se structurer en 3 volets successifs : faisabilité, analyse des situations de travail et choix du formateur. Ne sous-estimez pas le temps à allouer à cette phase cruciale du processus d’AFEST. Elle prend généralement, au vu des conclusions des expérimentations réalisées par les OPCA et l’Anact, plusieurs dizaines heures.

Faisabilité : la formation en situation réelle de travail est-elle une option ?
L’AFEST n’est pas le remède universel à la montée en compétence rapide et opérationnelle des collaborateurs.

Certains postes, certaines missions s’accommodent mal de l’AFEST. Tel est par exemple le cas de missions susceptibles de confronter le collaborateur à des situations dangereuses ou d’impliquer la manipulation de matières ou de matériels très coûteux.

Dans ce cas, peut-être vaut-il mieux privilégier un dispositif de réalité virtuelle ou un serious game en première intention ou faire travailler le stagiaire sur des machines servant à la R&D ou sur des applications sur un serveur de pré-production et non directement en production. En effet, l’AFEST doit garantir, au collaborateur formé, un droit à l’essai et à l’erreur.

De même, des lignes de production tendues, des délais impératifs peuvent rendre impossible l’affectation d’un salarié expert au poste de formateur ou nuire au temps d’apprentissage du stagiaire doit pouvoir bénéficier de délais moins contraints pour faire des essais, ajuster et recommencer plusieurs fois.

Autre impératif lié à l’AFEST, l’adhésion du manager du salarié à former et du salarié formateur au dispositif et les temps d’improductivité immédiate qui peuvent en résulter est indispensable pour éviter de retourner au rideau de FAIRE d’une formation sur le tas expédiée au plus vite, sans véritable réflexion sur les attendus, les analyses du réalisé et l’évaluation du stagiaire et de l’action.

Travail prescrit vs travail réel : analyser les situations de travail sans tomber dans le panneau
Cette phase préparatoire vise à définir les objectifs de l’action et les situations concrètes d’apprentissage en procédant à une analyse fine du travail réel (les tâches telles qu’elles sont réalisés dans les faits par les salariés au sein de l’entreprise) et non du travail prescrit (la fiche de poste, le référentiel de compétences, les objectifs, normes et contraintes qui encadrent et guident les missions du salarié restent souvent trop théoriques). L’AFEST part bien de situations de travail réelles et non de cas d’école plus ou moins réalistes. Elles sont totalement contextualisées à l’entreprise. Les fiches de postes ou référentiels ne sont toutefois pas à jeter, elles servent de base à l’analyse et doivent être complétées d’interviews de salariés, d’observation des tâches, voire de vidéos pour décortiquer les actions si le besoin s’en fait sentir.

Pour construire le parcours dans sa dimension pédagogique, la dissection du travail réel et des compétences à acquérir ne peut s’exonérer en parallèle d’un positionnement du stagiaire. Savoir d’où l’on part permet de tracer un parcours sur-mesure sans omettre de connaissances ou de compétences préalables ou implicites que le stagiaire ne posséderait pas encore. Ces connaissances et compétences peuvent faire l’objet d’une mise à niveau en présentiel ou en distanciel, synchrone ou asynchrone, préalablement à l’AFEST ou être intégrées aux scénarios pédagogiques proposés au cours de l’AFEST. C’est ainsi tout un parcours multimodal, présentiel ou blended que l’on peut dessiner pour le stagiaire.

En matière d’ingénierie de l’AFEST, on retrouve les fondamentaux de toute action de formation :

  • un objectif de formation (défini et validé avec le manager du collaborateur à former),
    des objectifs pédagogiques sur chaque mise en situation (ces objectifs aideront aussi à réaliser les séquences réflexives qui jalonnent le parcours) définis avec le formateur ;
  • des situations variées qui prennent en compte toutes les dimensions du travail réel (y compris les incidents et aléas susceptibles d’affecter le bon déroulement d’une activité productive) mises en place avec le formateur et, le cas échéant, avec d’autres salariés déjà en poste et le manager ;
  • un niveau de difficulté croissant qui résulte d’un bon découpage de chaque tâche en micro-tâches ;
  • une proximité temporelle des situations expérimentées pour capitaliser d’une séance sur l’autre et mettre en œuvre les points d’amélioration soulevés lors de la séquence réflexive précédente.

Choix du formateur : déjouer les pièges.
Le choix du formateur est crucial, il va devenir le mentor du stagiaire, son guide et son instructeur. Il va accoucher les compétences nouvelles du stagiaire. Il doit donc être déchargé temporairement d’une partie de ses missions quotidiennes. La formation ne doit être une tâche supplémentaire au risque de voir ses objectifs opérationnels immédiats venir mettre à mal son investissement dans l’accompagnement qu’il va assurer auprès du stagiaire.

Ses compétences professionnelles doivent être reconnues de ses pairs et de ses managers. Ses compétences pédagogiques peuvent être évaluées par un test de positionnement et le cas échéant renforcées par une action de formation spécifique.

Ne tombez pas dans le piège du bras de FAIRE ! Désigner le manager direct du stagiaire comme formateur peut conduire à transformer les séquences réflexives en séances d’évaluation et ce n’est pas là leur finalité.

Réalisation : « FAIRE DE LANCE » de l’action

Vous avez cadré votre dispositif, défini avec précision votre parcours et les mises en situation qui vont asseoir la montée en compétence du salarié, prévu les modalités d’évaluations ? Il est temps de se lancer.

A chaque mise en situation, guidée et encadrée par le formateur, va succéder une séquence réflexive. Cette séquence constitue l’apport majeur de la démarche par rapport aux formations sur le tas et autres modes de compagnonnage. Elle vise à amener le stagiaire à reformuler les actions qu’il a accomplies, leur ordonnancement, leur niveau de difficulté ressenti. Elle peut conduire le stagiaire à prendre de la hauteur sur les tâches en les replaçant dans le processus global de production de l’entreprise. Elle a également pour objet de l’inciter à porter un regard critique sur sa pratique et de proposer des axes d’amélioration. Le stagiaire doit pouvoir justifier ses décisions prises dans l’action et en juger la pertinence. Cette séquence correspond à une conscientisation des apprentissages et en aucun cas à une évaluation sommative par le formateur, par le manager ou par un tiers.

Le formateur va guider le stagiaire au cours de son analyse sur ses mises en pratique, par un feedback sur son ressenti. Mais également par des éléments factuels constatés en situation. Il va mettre en perspective les actions du stagiaire avec les référentiels, l’objectif et les attendus du travail réel et en tirer, en concertation avec lui, des pistes d’amélioration. Si tous les critères de réussite (identifiés en amont) de la mise en situation considérée ne sont pas remplis, cette séquence sera suivie d’une nouvelle mise en situation identique ou apparentée à la précédente pour consolider les acquis ou adapter un geste, une posture…

La séquence réflexive se veut un échange constructif avec le stagiaire qui permet de faire émerger un bilan de l’action. Pour éviter de tomber dans l’évaluation sous forme d’une liste des compétences acquises et des axes de progrès, il est possible de filmer les mises en situations ou de prendre des photos afin d’objectiver les échanges. De même, convier un tiers, observateur qualifié, durant les mises en situation peut faciliter le dialogue lors des phases réflexives. La séquence réflexive pourrait s’apparenter à une reconstitution à l’oral et par le stagiaire, des actes qu’il a été amené à accomplir. Cette reconstitution peut également être réalisée par le formateur, avec, in fine, confrontation des deux visions. Dans ce cas, mieux vaut préparer une trame afin de pouvoir mettre en regard le vécu du formateur et celui du stagiaire.

N’hésitez pas à formaliser les débats de la séance réflexive sous forme de compte-rendu ou de fiche de synthèse reprenant les attendus et les critères qualitatifs et quantitatifs pour une tâche donnée.

Évaluation des acquis : « BATTRE LE FAIRE TANT QU’IL EST CHAUD »

Il s’agit bien ici d’évaluation sommative permettant de conclure et d’attester de l’acquisition ou non des compétences cibles identifiées au départ.

Au terme de l’action, la phase d’évaluation va s’appuyer sur l’intégralité des positionnement et bilans qui jalonnent l’AFEST pour mesurer les acquis et valider les compétences du stagiaire. Sauf à être dans le cas d’une certification officielle avec un examen, l’évaluation peut prendre la forme d’un test de positionnement final à comparer au positionnement initial, d’une mise en situation globale et cette fois-ci évaluée par le formateur ou un tiers… Tous les éléments de preuves rassemblés au cours des séquences réflexives (comptes-rendus, fiches de synthèse, vidéos, photos…) peuvent ici prendre un relief particulier et constituer un faisceau d’indices probants pour évaluer les acquis.

Tous ces indices permettront en outre de tracer et justifier le déroulement de l’action et de pouvoir prétendre au financement de l’action, par les OPCO dans le cadre du plan de développement des compétences pour les entreprises de moins de 50 salariés ou, par exemple, dans le cadre d’un dispositif de formation multimodale pour un grand groupe qui en valorisera tous les aspects pour les inscrire au plan.

Enfin, l’évaluation de la satisfaction du stagiaire permettra, le cas échéant, d’ajuster les prochaines AFEST. L’évaluation d’impact sera réalisée au regard des attentes formalisées dès la phase amont en concertation avec le formateur et le manager.

Pour conclure les FESTivités…

Au final, l’AFEST s’inscrit dans une démarche d’organisation apprenante en interrogeant la pratique quotidienne et les processus productifs de l’entreprise. Elle crée des liens entre salariés experts, à même de transmettre leur savoirs et savoir-faire, et salariés novices plus impliqués dans les apprentissages en situation réelle. Elle constitue une réponse rapide et adaptée au besoin de compétences pénuriques sur le marché. La personnalisation de l’action la rend particulièrement efficace et engageante pour le salarié.